TÉMOIGNAGE-Crash de l’avion de Senegalair : Cheikh Niang, tu as été un exemple !

Dr Yakhya Diop, Cheikh Niang et Youssou Diédhiou : Les 3 sénégalais qui ont péri dans le crash de l’avion sanitaire

Comme par hasard, dimanche 13 septembre 2015. Il est 4h24 au moment où j’ai pris mon téléphone portable pour me faire une idée de l’heure qu’il est. La tête lourde, parce que couchée à 00 h 55 minutes, je décide de me lever pour prendre mon ordinateur et fidéliser le spectre de tes images, de tes paroles au téléphone qui se ressassent dans ma tête hantant mon sommeil. C’est ainsi que je pris la décision d’écrire. Ecrire pour témoigner, écrire par devoir, écrire par reconnaissance.Tant, ta vie durant, tu t’es sublimé.
 
Ce coup de fil du dimanche 7 septembre 2015, vers 10 heures, émis par ton neveu Baba pour m’apprendre la nouvelle hallucinante concernant la disparition de l’avion de Senegalair transportant, entre autre autres, notre jeune frère Cheikh, un des infirmiers de service, me désarçonna, au point de déclencher subitement chez moi des céphalées atroces. M’écriais je, «Allahou Akbar», les mains sur la tête, et ma fille Anta, 12 ans, alertée par mon cri, vint à mon secours devant le canapé où j’étais couché, regardant la télévision. A peine mes esprits retrouvés, je téléphonais à ma mère pour l’informer de cette triste nouvelle puis, je regagnais le domicile des Niang, sis à la Sicap Dieuppeul 2, où consternation et affliction enveloppèrent l’atmosphère.
Dieu ! Cheikh ! Je sentis ipso facto un vide dans mon environnement immédiat. La silhouette du petit frère que tu es, me barre la vue. Me vinrent à l’esprit les propos de notre dernier entretien téléphonique, la semaine précédente, ayant trait à notre projet en commun de lutter contre le chômage dans le quartier et que nous déroulions.
Oui, Cheikh Tidjane Niang, de ton vrai nom, homonyme du vénéré Cheikh Tidjane Sy, Al Makhtoum, Khalife général des Tidjanes, ton ami et dont la famille Niang attend toujours les instructions. Je fais partie de ces mômes qui, au seuil des années 70, à ta naissance, ont appris le Coran avec tes grands frères Momar et Mamadou par Serigne Sylla, chez vous, «daara» institué par Feu ton papa, El Hadj Moussa Niang, érudit de l’Islam et ancien président de Dahiratoul Kiram, association nationale des Tidjanes.
Oui, je viens de comprendre. Je viens de comprendre le sens de ton combat. Je viens de comprendre que tu savais que tu étais venu au monde pour une tâche précise, circonscrite dans le temps et pour repartir aussitôt. Je viens de comprendre que tu étais investi de missions d’intérêts généraux, pour l’épanouissement de la communauté.
Oui, je viens de comprendre que ta mission se résumait à servir, servir uniquement et rien d’autre que servir. Je viens de comprendre le pourquoi de ton obséquiosité. Je viens de comprendre le sens de ton humilité. Je viens de comprendre ce qui te liait à tout le monde. Je viens de comprendre que tu faisais partie des élus de Dieu, les meilleurs, ici-bas, et qui LE rejoignent les premiers.
Oui, je viens de comprendre pourquoi, pour la première fois, depuis une semaine après la disparition de l’aéronef de Senegalair, j’eus le courage de réciter la souarate “Yassine” pour toi et pour tes collègues du voyage sans retour, après la prière de l’aube. Me refusant auparavant de croire à la thèse de la mort comme tes proches.
Oui, Cheikh, ta piété reflétée, entre autres, par ton adoration de l’imam Ghazali dont ton fils ainé porte le nom, ton sens élevé du travail bien fait, ta foi en la santé, j’allais dire en Sos Médecins dont tu fais partie des bâtisseurs, sont le levain de tes réponses à l’appel du devoir. Tu as toujours envoyé l’équipe de Sos Médecins partout où elle était sollicitée en guise d’appui technique aux journées médicales, comme c’est le cas, chaque année, pour l’Ape de la Petite école protestante de Dieuppeul.
Oui, en achetant récemment ta moto pour faciliter ta tâche d’urgentiste, tu as laissé poindre la prémonition de ton retour à Dieu ; de même que ces fréquentations récurrentes de la maison familiale durant ces jours ayant précédé ce voyage sans retour ; comme quand tu taquinais récemment ta maman, en faisant tes ablutions avec la grande bouilloire que tu martelais sur la dalle de cour de la maison en disant : «Yaye Maguette, ta bouilloire là ressemble à celles du paradis.»
Oui, Cheikh le gentil, me rappelant aux souvenirs récents de nos coups de fils réciproques qui me faisaient sourire dès l’apparition de ton nom sur l’écran de mon téléphone portable : «Grand Mablaye, je suis à l’aéroport», «Grand Mablaye, je suis à Ziguinchor», «Grand Mablaye, tu es notre fierté dans le quartier», comme aime à me le dire notre frère docteur Malick Dia, vous deux, qui avez toujours daigné descendre de vos véhicules pour me saluer chaleureusement, dans les méandres du quartier. J’en suis très touché.
Oui, Cheikh, à quarante cinq ans, tu as accompli ta mission. Une mission mahousse. Tu as combattu le chômage dans le quartier, tu as toujours répondu à l’appel du devoir, la ponctualité aidant. Tu dois faire des émules. Je m’évertuerai à poursuivre notre projet. C’est sûr qu’une dizaine de Cheikh peuvent faire émerger n’importe quel quartier.
Oui, je voudrais présenter mes excuses à ta famille pour avoir brisé le silence car celle-ci a toujours préféré observer l’omerta ; je ne pouvais pas faire autrement. La sincérité et notre admiration réciproque me l’ont recommandé. A celle-ci, à ta famille professionnelle, notamment à docteur Massamba Sassoum Leye Diop, à madame Diop, à ton épouse Awa Diallo, puisse Allah vous donner la force, la foi et le courage nécessaires pour endurer cette épreuve.

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