Sénégal, un Etat violeur des Droits de l’Homme

Dans les observations complémentaires de l’Etat du Sénégal sur la communication n°2783/2016 de Karim Wade, l’objectif était de faire rejeter la plainte du candidat du Pds. Dans ce document, vous verrez les arguments répétés avec redondance par l’Etat du Sénégal qui n’a pas réussi à convaincre par des arguments juridiques le Conseil afin de rendre irrecevable le recours. La conséquence était naturellement l’injonction faite au Sénégal de réexaminer le procès de Karim Wade. C’était le premier échec de Macky Sall…

Les présentes observations se limitent à répondre succinctement aux «commentaires sur la réponse de l’Etat du Sénégal sur la recevabilité et le fond de la communication» de l’auteur.

EN FAIT
La République du Sénégal entend apporter les deux précisions suivantes à la suite des «commentaires» de l’auteur. Il importe de préciser d’emblée que Monsieur Wade jouit d’un régime de liberté totale qui n’est soumis à aucune condition, Il a en effet bénéficié d’une grâce prononcée par décret du Président de la République du 24 juin 2016 qui précise sans équivoque, en son article 2, que la grâce dispense de l’exécution des peines d’emprisonnement restant à subir.

 

Sénégal, un Etat violeur des Droits de l’Homme
Contrairement à ce qu’allègue l’auteur dans ses «commentaires», cette grâce est irrévocable et il jouit présentement de ses effets. Ce décret a été dûment respecté, et l’auteur est malvenu de s’en plaindre, Il importe par ailleurs de préciser que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (ci-après CREI) n’est pas une juridiction d’exception créée uniquement pour sanctionner M. Wade. Aussi convient-il de noter que postérieurement à la condamnation de M. Wade, la CREI a également condamné par arrêt en date du 9 novembre 2015 :

– Tahibou Ndiaye pour des faits d’enrichissement illicite à 5 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de deux milliards, six cent neuf millions vingt-quatre mille deux cent soixante-trois (2.609.024.263) francs CFA;

– Ndèye Aby Diongue, pour complicité d’enrichissement illicite, à une peine d’emprisonnement de 3 ans dont 2 assortis du sursis et à une amende de deux milliards six cent neuf millions vingt-quatre mille deux cent soixante-trois (2.609.024.263) francs CFA ;

– Marne Fatou Thiam et Ndèye Rokhaya Thiam pour complicité d’enrichissement illicite chacune à une peine d’emprisonnement de 2 ans assortis du sursis et à une amende de deux milliards, six cent neuf millions vingt-quatre mille deux cent soixante-trois (2.609.024,263) francs CFA.

 

Sénégal, un Etat violeur des Droits de l’Homme
Il importe de souligner qu’outre ces affaires sus évoquées, les dossiers de Abdoulaye Baldé et de Aida Ndiongue sont actuellement pendants devant la CREI contrairement aux allégations de Mr Wade pour des faits d’enrichissement illicite.

S’agissant de l’affaire Abdoulaye Baldé et autres, par ordonnance de soit-communiqué en date du 16 octobre 2017(Voir annexe n°3), la Commission d’instruction a fini son information et a saisi le Procureur Spécial près la CREI pour règlement définitif de la procédure.

En ce qui concerne Aida Ndiongue, la Commission d’instruction a procédé à son inculpation des chefs d’enrichissement illicite et de corruption le 30 avril 2014 comme en fait foi le procès-verbal d’interrogatoire de première comparution. (Voir annexe n°4)

EN DROIT

Quant à La recevabilité de la communication
L’auteur se borne laconiquement à renvoyer Votre Comité à ses précédents commentaires du 31 octobre 2016. Or, la République du Sénégal continue de soutenir que la communication est manifestement irrecevable pour les motifs suivants :
– la communication est soumise trois ans après l’achèvement d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement, ce qui constitue un abus du droit de présenter une communication en vertu du Protocole facultatif ;
– l’auteur de la communication n’a pas suffisamment étayé sa plainte aux fins de la recevabilité ;
– la communication n’est pas compatible avec les dispositions du Pacte.

Il convient de rappeler premièrement que I article 96 du Règlement intérieur du Comité dispose expressément :
«Afin de décider de la recevabilité d’une communication, le Comité, ou un groupe de travail constitué conformément au paragraphe 1 de l’article 95 du présent règlement, s’assure :
– Que la communication ne constitue pas un abus du droit de présenter une communication en vertu du Protocole. En principe, un abus du droit de présenter une communication ne peut pas être invoqué pour fonder une décision d’irrecevabilité rationne temporis au motif de la présentation tardive de la plainte. Toutefois, il peut y avoir abus du droit de plainte si la communication est soumise cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur ou, selon le cas, trois ans après l’achèvement d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement, sauf s’il existe des raisons justifiant le retard compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire» (la République du Sénégal souligne). Force est de constater en l’espèce que l’auteur avait déjà, entre autres recours, saisi la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’une requête en date du 24 décembre 2012 «pour violation de leurs droits de l’Homme». Il était déjà soutenu par l’auteur devant cette Cour que «le Sénégal a méconnu ces principes de droits consacrés par les normes nationales et internationales que sont :
– Le droit de ne pas participer à sa propre incrimination et de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même, notamment le droit au non renversement de la preuve dans un procès
– Le droit à la présomption d’innocence
– Le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial
– Le droit à un recours effectif
– Le droit d’appel en cas de décision de condamnation
– Le droit à l’égalité des armes entre la défense et l’accusation» (la République du Sénégal souligne).
Or, dans son arrêt du 22 février 20.1.3, la Cour de justice de la Cedeao a régulièrement examiné ces griefs et les a rejetés au terme de son examen. L’arrêt du 22 février 2013 a été rendu publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Force est de constater que la saisine du Comité est intervenue en l’espèce le 31 mai 2016, soit plus de trois ans après l’achèvement de la procédure devant la Cour de justice de la Cedeao, sans qu’aucune explication n’ait été présentée pour justifier un tel délai.
Dans ses derniers commentaires, l’auteur observe un silence total et renonce à répondre à cette exception d’irrecevabilité. Partant, la présente communication est manifestement irrecevable. A supposer, par impossible, que la première exception soit rejetée par Votre Comité, la communication est également irrecevable dès lors qu’elle n’est pas suffisamment étayée.
Dans affaire Victor Villamôn Ventura c. Espagne, le Comité s’est notamment exprimé comme suit :
«L’auteur invoque une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, au motif que les preuves testimoniales à charge qui ont été décisives pour sa condamnation en première instance iront pas été réexaminées par une juridiction  supérieure, étant donné que le pourvoi en cassation espagnol n’est, pas une procédure d’appel, n’est ouvert que pour des motifs déterminés et exclut expressément un réexamen des faits.
Le Comité prend note de l’argument de l’auteur, qui affirme que la décision du Tribunal suprême ne lui a pas permis de faire réexaminer les preuves, le Tribunal s’étant borné à examiner l’appréciation faite par le tribunal de première instance. Le Comité relève par ailleurs qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal suprême que celui-ci a examiné avec attention chacun des arguments de l’auteur, en particulier sa thèse selon laquelle les déclarations de sas proches prouvaient qu’il était impossible que les faits se soient produits de. la manière décrite dans la décision du tribunal de première instance. À ce sujet, le Tribunal suprême a considéré que l’argument de la défense ne tenait pas compte de la distinction qui existe entre les critères de crédibilité des témoins et la preuve indiciaire, et a conclu qu’en l’espèce les règles de logique et d’expérience avaient été respectées en ce sens. Le Comité estime par- conséquent que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité, et conclut qu’elle est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif».
Dans le cas présent, force est de constater que l’auteur reste en défaut de dire et de démontrer en quoi l’examen pratiqué par la Cour suprême était prétendument insuffisant et inadéquat au regard des exigences de l’article 14, § 5 du Pacte. L’auteur se contente, en réalité,, de dénoncer in abstracto l’absence d’une procédure d’appel, alors qu’il disposait concrètement d’un recours effectif devant la Cour suprême  – qu’il a du reste exercé – et qu’il ne démontre pas que ce contrôle aurait été lacunaire. Au surplus, il y a lieu de rappeler Votre jurisprudence constante, telle qu’elle a été notamment réaffirmée dans les constatations J.P.D. c. France du 2 novembre 2015 :
«Le Comité rappelle sa jurisprudence, selon laquelle, il appartient généralement aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et preuves, sauf s’il peut être établi que la conduite du procès ou l’appréciation des faits et des éléments de preuve ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice. Au vu des informations dont il dispose, le Comité n’est pas en mesure de conclure que les autorités de l’État partie ont agi de manière arbitraire dans l’appréciation des faits et des éléments de preuve en l’espèce, et il considère en conséquence que le grief n’est pas suffisamment étayé aux fins de l’article 2 du Protocole facultatif». Il y a lieu de suivre cette jurisprudence en l’espèce.
Enfin, la communication est encore irrecevable dès lors qu’elle n’est pas compatible avec les dispositions du Pacte. En effet, l’auteur articule toute sa communication autour de l’affirmation selon laquelle l’article 14, § 5 du Pacte exige la mise en place d’une voie d’appel. Or, cette prémisse est foncièrement erronée. Il importe à cet égard de bien rappeler la portée de l’article 14, § 5 : «faire examiner par une juridiction supérieure». L’article 14, § 5 ne consacre pas un droit d’appel. C’est un autre examen par une juridiction supérieure qui est exigé. L’auteur se méprend sur la portée réelle de la disposition.
Comme l’a indiqué Votre Comité dans l’affaire Rolando c. Philippines, l’article 14, § 5 n’exige ni «un nouveau procès sur les faits de la cause», ni une «nouvelle audience». L’examen requis de la juridiction supérieure doit permettre d’évaluer les éléments de preuve et la conduite du procès ayant abouti à la décision de culpabilité et à la condamnation. Il s’agit là d’une condition nécessaire mais suffisante. Or, tel a été le cas en l’espèce. Par un examen circonstancié et un arrêt longuement motivé que l’on ne peut qualifier de «purement formel», la Cour suprême s’est attachée à vérifier notamment si les règles du procès équitable ont été respectées, si les éléments de preuve ont été légalement recueillis, s’ils ont légalement fondé ia déclaration de culpabilité et la condamnation prononcée à charge de l’auteur et si, plus généralement, la loi entendue au sens large a été correctement appliquée.

Pour le surplus, la République du Sénégal se réfère à ses précédentes observations émises sur la recevabilité, ainsi qu’à ses secondes observations sur la recevabilité et le fond, réputées être ici intégralement reproduites.

C’est, dès lors, à titre subsidiaire que la République du Sénégal examine le fondement de la communication.

Quant au fondement de la communication.
Dans ses «commentaires» sur le fond, l’auteur croit tout d’abord devoir souligner que «dans sa réponse, l’Etat du Sénégal ne consacre que les huit dernières pages, sur 44 a tenté de présenter au Comité des droits de l’homme quelques arguments de fond sur la question unique de la violation de l’article 14 paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques».

L’Etat du Sénégal peine à voir dans ce constat un argument au soutien de la thèse défendue par l’auteur. La force d’un argument ne se mesure pas à la longueur de son développement. Au contraire même, celle-ci dément généralement celle-là. Ce qui importe n’est point la quantité de papier produite à l’appui d’une thèse mais bien sa justesse.

La République du Sénégal tient également à observer qu’alors que la communication invoque exclusivement la violation de l’article 14, § 5 du Pacte, l’auteur consacre dans ses «commentaires» un nombre substantiel de considérations critiques concernant l’enquête préliminaire, l’instruction et le jugement dont il a été l’objet. Il convient de rappeler, une fois encore, que ce qui est en cause devant Votre Comité, est exclusivement la question du respect de l’article 14, § 5, toutes les critiques de l’auteur étrangères cette disposition étant inopérantes. Pour le même motif, sont tout aussi inopérantes les considérations politiques développées constamment par l’auteur.
Si la République se tient à la disposition du Comité dans (‘hypothèse où celui-ci entend élargir sa saisine, la réplique se concentre, en l’espèce, sur le seul respect de l’article 14, § 5 du Pacte.

La République du Sénégal tient, par ailleurs, à préciser qu’elle ne dénie aucunement le droit pour l’auteur, qui s’est rendu coupable d’actes graves d’enrichissement illicite, de bénéficier des dispositions de l’article 14, § 5 du Pacte. Ce droit n’est aucunement remis en cause.

Jamais, du reste, la République du Sénégal n’a indiqué que «la violation du droit reconnu à M. Wade par l’article 14, paragraphe 5 du Pacte pourrait être excusée ou justifiée par la volonté proclamée des autorités sénégalaises de lutter contre la corruption»

Au-delà de ces considérations liminaires, force est de constater que dans ses «commentaires», l’auteur se méprend à nouveau sur la portée de l’article 14, § 5, du Pacte. Ainsi, l’auteur continue de prétendre que cet: article impose un droit d’appel impliquant un pouvoir de réformation. Or, il n’en est rien.

L’article 14, § 5, du Pacte, dont il faut, rappeler les termes, dispose : «Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi». Il ne s’agit donc pas d’un droit d’appel mais d’un «droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi». Il s’ensuit notamment que la référence opérée par l’auteur, en page 27 de ses «commentaires», à l’article 8.2. h) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme est tout aussi vaine qu’inopérante dès lors que cette dernière disposition vise, quant à elle, un «appel», ce que ne vise pas l’article 14, § 5 du Pacte.

Comme Votre Comité l’a rappelé à plusieurs reprises, «le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’exige pas ‘un nouveau procès sur les  faits de la cause ni une ‘nouvelle audience’».

Ce que cet article 14 exige, en son paragraphe S, c’est donc bien un «examen» par une «juridiction supérieure», «conformément à la loi». Tel a été le cas en l’espèce. Il y a bien eu, en l’espèce, «examen» par une «juridiction supérieure», «conformément à la loi». Et cet examen n’était point factice, Il est à cet égard erroné de prétendre, comme le fait pourtant l’auteur à plusieurs reprises dans ses «commentaires», que la CREI a statué en dernière instance sans examen par une juridiction supérieure. L’auteur a pu saisir la Cour suprême d‘un pourvoi. Ce pourvoi a été admis et dûment examiné.

La Cour suprême s’est attachée à vérifier notamment si les régies du procès équitable ont été respectées, si les éléments de preuve ont été légalement recueillis, s’ils ont légalement fondé la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcée à charge de l’auteur et si, plus généralement, la loi entendue au sens large a été correctement appliquée.

Force est de constater que l’examen auquel la Cour suprême a procédé en l’espèce, n’était pas un contrôle factice ni purement formel, limité à la censure de l’arbitraire ou du déni de justice. L’arrêt de la Cour suprême est, du reste, longuement et minutieusement motivé. Ce contrôle n’était pas entaché d’arbitraire.

Conformément à la jurisprudence constante de Votre Comité, la critique portant sur l’application du droit sénégalais relève d’un débat qui ressort précisément de la compétence des juridictions sénégalaises, sauf arbitraire manifeste ou déni de justice, inexistants en l’espèce.

Par ailleurs, dire que la CREI est une juridiction spécialisée ce qui est exact – ne veut aucunement dire qu’elle relève d’une justice d’exception, prétendument créée pour écarter un opposant politique.

D’une part, la CREI est bien un «tribunal établi par la loi», en l’occurrence par la loi n°81- 54 du 10 juillet 1981. Cette loi n’a pas été adoptée pour condamner M. Wade.
D’autre part, le Sénégal n’est point le seul Etat à connaître pareille type de juridiction pour certains types de contentieux (ratione materiae) concernant certaines catégories particulières de justiciables (ratione personae). Il convient de rappeler que M. Wade a exercé de hautes fonctions gouvernementales et qu’il n’était pas un citoyen ordinaire.
On notera, par exemple, qu’en France, la Constitution prévoit qu’une juridiction spéciale, la Cour de justice de la République, est compétente pour apprécier la responsabilité pénale des membres du gouvernement s’agissant des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions (articles 68-1 et 68-2). De même, en Belgique, l’article 103 de la Constitution prévoit que «les ministres sont jugés exclusivement par la cour d’appel pour les infractions qu’ils auraient commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il en est de même des infractions qui auraient été commises par les ministres en dehors de l’exercice de leurs fonctions et pour lesquelles ils ont été jugés pendant l’exercice de leurs fonctions». La République du Sénégal pourrait multiplier les exemples.

L’on peut tout autant se référer au privilège de juridiction des magistrats, qui sont, dans beaucoup d’Etats, jugés soit par une juridiction spécialisée, soit directement par une juridiction d’appel.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, singulièrement son article 14, § 5, ne s’oppose pas à l’existence de telles juridictions. La République du Sénégal relève qu’il n’y a pas lieu d’examiner plus avant les développements de l’auteur concernant l’instruction (voir notamment pp. 35 à 37 de ses «commentaires»), dès lors que l’article 14, § 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne concerne que l’examen d’une déclaration de culpabilité et d’une condamnation et ne concerne donc que la phase postérieure au jugement au fond.

De même, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant les longs développements relatifs au procès de Madame Ndiongue (voir les «commentaires» de l’auteur), qui n’est pas partie à la procédure devant le Comité.

Enfin, si l’auteur estime que les droits garantis par la Charte africaine des droits de l’homme ont été méconnus dans son chef – ce qui n’est pas le cas -, il lui appartient de saisir les instances compétentes pour connaître de cette prétendue violation. Or, l’auteur n’a pas introduit une telle action.

En revanche, contrairement à ce que l’auteur allègue dans ses «commentaires», il est bien pertinent de se référer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 2 du Protocole n°7. En effet, cette disposition consacre, à l’instar de l’article 14, § 5 du Pacte, «le droit: de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation». Or, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est extrêmement limpide et éclairante.
Il a déjà été fait état dans les précédentes observations de la République de Sénégal de l’arrêt Krombach c. France du 13 février 2001.

Cet arrêt énonce, pour rappel : «La Cour rappelle que les Etats contractants disposent en principe d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des modalités d’exercice du droit prévu par l’article 2 du Protocole no 7 à la Convention. Ainsi, l’examen d’une déclaration de culpabilité ou d’une condamnation par une juridiction supérieure peut soit porter sur des questions tant de fait que de droit soit se limiter aux seuls points de droit ; par ailleurs, dans certains pays, le justiciable désireux de saisir l’autorité de recours doit quelquefois solliciter une autorisation à cette fin».
D’autres décisions et arrêts peuvent être cités. Tous convergent pour dire que I’ «examen» requis de la «juridiction supérieure» ne doit pas être un appel impliquant un pouvoir de réformation, mais un examen portant soit sur les points de fait et de droit, soit exclusivement sur les points de droit. La République du Sénégal relève, entre autres, les décisions suivantes : ai la décision Bastone c. Italie (irrecevabilité1 du 21 octobre 2003.

Cette décision énonce explicitement : conformément à la jurisprudence des organes de la Convention en la matière, la Cour estime que la procédure en cassation doit être considérée comme un examen au sens de l’article 2 du Protocole no 7 (voir, mutatis mutandis, Emmanuello c. Italie, no 5791/97, 31 août 1999 et Nàss c. Suède, no 18066/91, décision de la Commission du 6 avril 1994, Décisions et rapports 77, op. 37- 40),» la décision Kwiatkowska c.. Italie (‘irrecevabilité ) du .30 novembre 2000.
Dans cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme a unanimement confirmé qu’au regard de l’article 2 du Protocole n°7, «la procédure en cassation doit être considérée comme un examen au sens de cette disposition».

La décision c. France (irrecevabilité) du 22 juin 2000
Dans cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que «la possibilité offerte au requérant de se pourvoir en cassation (…) répondait aux exigences de l’article 2 du Protocole n° 7 à la Convention». Plus précisément, la Cour européenne des Droits de l’Homme a rejeté le grief pris de la violation de l’article 2 du Protocole n°7 en ces termes : «La Cour constate que le requérant a été reconnu coupable d’empoisonnement avec préméditation et condamné à vingt ans de réclusion criminelle ainsi qu’à l’interdiction pendant dix ans des droits civils, civiques et de la famille par un arrêt de la cour d’assises de la Seine-Maritime du 25 mai 1997. Elle relève que l’intéressé n’a pas eu la possibilité d’interjeter appel «au fond» de cet arrêt puisque le seul recours ouvert en droit français à l’encontre des arrêts d’assises est le pourvoi en cassation et que le «réexamen» auquel la Cour de cassation est alors susceptible de procéder est limité aux questions de droit».

La Cour rappelle toutefois qu’il ressort du texte de l’article 2 du Protocole n°7 que les États parties conservent la faculté de décider des modalités d’exercice du droit à réexamen et peuvent restreindre l’étendue de celui-ci ; dans nombre de ces États, ledit réexamen se trouve ainsi limité aux questions de droit (voir les décision de la Cour des 30 mai et 18 janvier 2000 dans les affaires Loewenguth c. France et Pesti et Frodl c. Autriche, requêtes n° 53183/99 et nos 27618/95 et 27619/95 respectivement ; telle était aussi la position de la Commission européenne des Droits de l’Homme : voir Nieisen c. Danemark, requête n° 19028/91. décision du 9 septembre 1992, DR 73 p. 239, N. W. c. Luxembourg, requête n° 19715/92. décision du 8 décembre 1992, Altieri c. France, Chypre et Suisse, requête n0 28140/95, décision du 15 mai 1996. et Saussier c. France, requête n° 35884/97. décision du 20 mai 1998).

La Cour estime, dès lors, que la possibilité offerte au requérant de se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 25 mai 1997 répondait aux exigences de l’article 2 du Protocole n°7 à la Convention. Partant, cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ I et 4 de la Convention».
d) la décision Kotouianski c, France (‘irrecevabilité) du 25 septembre 2008.

Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau confirmé sa jurisprudence constante, selon laquelle «la possibilité offerte [au justiciable] de se pourvoir en cassation (…) répondait aux exigences de /‘article 2 du Protocole no7».
En l’espèce, Sa requérante invoquait Sa violation de l’article 2 du Protocole n°7. Ce grief a été jugé «manifestement mal fondé» par Sa Cour européenne des droits de l’homme qui a relevé ce qui suit :
«La Cour relève que la requérante a été reconnue coupable d’une contravention de la quatrième classe par la juridiction de proximité. Le seul recours ouvert en droit français contre les jugements des juridictions de proximité est le pourvoi en cassation et le «réexamen» auquel la Cour de cassation est susceptible de procéder est limité aux questions de droit. Toutefois, la Cour rappelle qu’il ressort du texte de l’article 2 du Protocole n°7 que les Etats parties conservent la faculté de décider des modalités d’exercice du droit à réexamen et peuvent restreindre l’étendue de celui-ci ; dans nombre de ces Etats, ledit réexamen se trouve ainsi limité aux questions de droit (voir les décisions de la Cour des 30 mai et 2 juin 2000 dans les affaires Loewenguth c. France et Deperrois c. France, requêtes no 53183/99 et no 48203/99 respectivement)
La Cour estime dès lors que la possibilité offerte à la requérante de se pourvoir en cassation contre le jugement du 16 mars 2006 du juge de proximité répondait aux exigences de l’article 2 du Protocole no 7».

e) la décision Dorado Baulde c. Espagne l’irrecevabilité) du 1er septembre 2015
La République du Sénégal souligne en tout, état de cause qu’en l’espèce, la Cour suprême ne s’est pas bornée à valider sans autre motivation l’arrêt de la CREI.
Par un arrêt longuement motivé, la Cour suprême a dûment pris en considération les arguments de l’auteur et y a répondu en examinant attentivement l’arrêt rendu par la CREI, exerçant un contrôle réel et approfondi de cet arrêt:.

En vérité, tout le raisonnement de l’auteur repose sur la prémisse erronée selon laquelle l’article 14, § 5, du Pacte exige la mise en place d’une voie d’appel. Ainsi qu’il a déjà été démontré dans les précédentes observations de la République du Sénégal et qu’il a de nouveau été souligné ci-avant, une telle prémisse est juridiquement inexacte. Le raisonnement de l’auteur repose également sur la prémisse tout aussi erronée selon laquelle aucun contrôle n’a été pratiqué sur l’arrêt rendu par la CREI. En réalité, l’auteur tend à critiquer, sous la bannière de l’article 14, § 5, du Pacte, l’ensemble de la procédure judiciaire menée à son encontre.

Or, il est. de jurisprudence constante que c’est aux juridictions des Etats parties au Pacte qu’il appartient d’examiner et d’évaluer les faits et les éléments de preuve, sauf à établir – ce qui n’est aucunement le cas en l’espèce – que la conduite du procès en droit interne ou l’évaluation des faits et des éléments de preuve ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice.

En l’occurrence, l’auteur tend à vouloir reporter le procès interne devant Votre Comité (ses considérations développées dans ses «commentaires» en attestent avec éclat). Il est ainsi symptomatique de constater que l’auteur demande à Votre Comité d’inviter la République du Sénégal à «annuler sans délai la déclaration de culpabilité et la condamnation de M. Wade» (p. 43 de ses «commentaires»).

Une telle demande revient à faire échec à l’ensemble de la procédure interne, alors que l’auteur a pu bénéficier du droit énoncé à l’article 14, § 5 du Pacte, dont il se prévaut devant Votre Comité. L’auteur cherche manifestement à créer un procès «politique» devant Votre Comité, ce qui ne peut être admis.

Les considérations développées dans ses «commentaires», notamment dans la partie relative aux faits, sont particulièrement révélatrices de cette intention, il en va ainsi de l’affirmation contenue aux pages 10 et 11 des «commentaires» de l’auteur qui allègue, de manière aussi fausse que grossière, que «d’une manière générale, depuis 2012. le Sénégal connaît une grave régression de l’Etat de droit et un recul des acquis démocratiques qui se caractérisent en outre par des interdictions systématiques de manifestations, des emprisonnements de responsables politiques ou de journalistes, des harcèlements de lanceurs d’alerte, des élections législatives entachées de graves fautes» (sic).

Il convient de rappeler qu’une procédure de communication individuelle présentée devant Votre Comité n’est pas une tribune politique.
Il s’agit d’une procédure judiciaire ou quasi-judiciaire où ii est débattu de la violation d’un droit consacré par le Pacte, en l’occurrence le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure.
Il ressort de tout ce qui précède que celui-ci n’a pas été violé à l’égard de M. Karim Wade.

PAR CES MOTIFS,
La République du Sénégal vous prie de :
– lui allouer le bénéfice, de ses précédentes observations sur la recevabilité et sur le fond,
– déclarer la communication de M. Karim Wade irrecevable ou, à tout le moins, non fondée,
– rejeter tout autre chef de demande présenté par M. Karim WADE.
Source: Dakartimes Quotidien

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