Salah Abdeslam, le survivant des attentats de Paris ne veut plus être filmé 24 heures sur 24 en prison

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Seul djihadiste encore en vie des commandos du 13 novembre, le prisonnier se trouve sous la surveillance permanente d’une demi-douzaine de caméras.

Salah Abdeslam peut-il être filmé dans sa cellule 24 heures sur 24 ? L’avocat du seul djihadiste encore en vie des commandos du 13 novembre a demandé mercredi à la justice de suspendre cette mesure, autorisée par arrêté ministériel, mais qu’il juge contraire à ses droits fondamentaux. Les juges des référés (procédure d’urgence) du tribunal administratif de Versailles, qui siégeaient exceptionnellement à trois au lieu d’un seul, rendront leur décision dans la journée de vendredi.
Détenu le plus surveillé de France, Abdeslam est détenu à l’isolement à Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d’Europe, dans une cellule spécialement aménagée, sous la surveillance ininterrompue de caméras, deux dans sa cellule, d’autres dans sa salle de sport et ses cours de promenade.
« Le droit au respect de la vie privée »
Salah Abdeslam « entend vous demander l’application d’un droit », « le droit au respect de la vie privée », « l’arrêt de cette vidéoprotection », a déclaré son avocat, Me Frank Berton, à l’ouverture de l’audience. « Il n’a plus de vie privée, il a une vie publique. » Une visite à Fleury-Mérogis le 29 juin du député LR Thierry Solère avait déclenché la colère de l’avocat. L’élu avait eu accès à la salle de vidéosurveillance d’Abdeslam et décrit ce qu’il avait vu dans Le Journal du dimanche, du brossage de dents à la prière du détenu.
La défense d’Abdeslam demande la « suspension de la décision ministérielle du 17 juin » qui ordonne sa mise sous vidéosurveillance 24 heures sur 24 et pour trois mois, dénonçant une « atteinte manifestement grave et illégale à sa vie privée ». Elle attaque aussi l’arrêté pris par le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, le 9 juin 2016, permettant la mise en place d’un tel dispositif pour prévenir l’évasion ou le suicide – qui pourrait « avoir un impact important sur l’ordre public » – de détenus placés à l’isolement.
Selon la défense, cet arrêté, base légale de la décision du 17 juin, est insuffisant. Car, plaide Me Berton, selon la Constitution, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit au respect de la vie privée et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), de telles mesures doivent être encadrées par la loi et non par un simple arrêté.
« C’est un vrai débat de société »
« Je ne demande pas autre chose qu’une loi », a lancé l’avocat aux juges. « C’est un vrai débat de société, vous êtes les garants de nos libertés individuelles ». Selon lui, c’est « une décision importante à prendre » également pour les autres suspects incarcérés pour les mêmes faits et qui, eux, « n’ont pas de mesure de vidéoprotection ».
Mercredi, Jean-Jacques Urvoas s’est dit prêt à présenter une loi pour donner « un fondement juridique suffisant » à la vidéosurveillance en prison si les juges versaillais devaient ordonner la levée du dispositif. De son côté, le représentant de la Chancellerie, Fabrice Verrièle, a contesté devant le tribunal le caractère urgent de la demande de Salah Abdeslam, soulignant qu’il a mis plus de trois semaines à saisir la justice, et défendu une mesure « nécessaire et proportionnée ». « Pourquoi 24 heures sur 24 ? », l’a interrogé le président. « Question de responsabilité de l’administration pénitentiaire », a-t-il répondu, « pour garantir l’intégrité physique de M. Abdeslam ».
La hantise d’un suicide du djihadiste

La principale hantise de l’administration est un suicide du djihadiste, à l’instar de Yassin Salhi, l’homme qui avait décapité son patron dans une mise en scène islamiste et s’est pendu fin 2015 dans sa cellule, à Fleury-Mérogis. Risques d’évasion ou de suicide ? Des arguments balayés par Me Berton, qui a visité son client « huit fois ». « On veut qu’il comparaisse vivant à son procès », mais « au lieu de le protéger contre lui-même, on le rend dingue, on l’isole ».
Arrêté le 18 mars en Belgique après une cavale de plus de quatre mois, transféré en France le 27 avril, Salah Abdeslam, 26 ans, a jusque-là refusé de s’expliquer. Il fait « parfois » de l’arrêt de la vidéosurveillance « un préliminaire d’explication devant les juges », a ajouté son avocat après l’audience. « Il ne passe son temps qu’à parler des caméras. »

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