Nix s’assume et s’amuse

Le rappeur Nix a fêté son quarantième anniversaire le 19 septembre 2018, cinq jours après la sortie officielle de Excuse My Wolof 2 – The Ñuulest, son huitième album en quinze ans de carrière solo. Une production de 20 titres au total, dans laquelle il assume à la fois sa « sénégalité », à travers la langue wolof, et son identité, en évoquant la noirceur de sa peau. Entretien.

 Pour ceux qui ne parlent pas wolof, que signifie le titre de votre nouvel album ?

 Nix : « The Ñuulest » vient de « ñuul », en wolof qui veut dire noir. Je me suis approprié une déclinaison en anglais pour faire le superlatif « ñuulest », « plus noir ».

Et pour la première partie du titre, Excuse My Wolof 2 ? 

C’est le deuxième volet d’une série que j’ai commencée en 2016, Excuse My Wolof, qui était un EP. Le concept, c’était que je passais du français au wolof, parce que j’ai rappé en français pendant toute ma carrière. J’ai pris l’expression « Excuse My French », j’ai juste barré le (mot) « French » et mis à la place « Wolof ». Pour dire que je passe du français au wolof à ma manière. L’expression « Excuse My French », c’est pour s’excuser, mais pas vraiment, en même temps. Je trouvais que ça collait bien avec le concept. J’ai gardé l’expression « Excuse My Wolof » pour le volume 2, qui est mon deuxième album en wolof.

Parce que rapper en français en étant sénégalais ou au Sénégal, c’est un problème ? 

Ce n’est pas un problème, mais les gens peuvent ne pas le comprendre ici. Pour les Sénégalais, quand tu es né et que tu as grandi au Sénégal, si tu fais de la musique, ils ne comprennent pas forcément que tu la fasses en français intégralement.

Vous deviez montrer que vous êtes sénégalais à part entière ? 

Ce n’était même pas volontaire. Je me rendais compte de plus en plus que des Sénégalais qui m’écoutaient pensaient que j’étais quelqu’un de Paris. Ils sont vraiment attachés au wolof, et j’ai compris ça. Je parle wolof, j’ai grandi ici, ça ne me coûtait rien d’essayer de faire un projet en wolof. Pour faire plaisir aux Sénégalais, parce que, quand même, ils me soutiennent depuis plus de 15 ans malgré ça (ndlr : le fait de rapper en français), et aussi pour moi, me réinventer artistiquement. The Ñuulest est une affirmation de mon identité. Quand j’étais petit, on me taquinait à cause de ma couleur de peau. Mais c’étaient des vannes d’adolescents. Dans certains milieux, c’est quelque chose qui marque les gens (aujourd’hui encore). J’ai voulu utiliser ça.

Votre album s’ouvre avec un solo de guitare aux accents de rumba, Yann Solo – ce qui est peu courant pour un produit estampillé rap. Et on trouve des sons rock dans TFSL – « Teggal Fi Sa Lokho » (avec Mamy Victory), traditionnels dans Django ou Talouniou Fo, et dancehall dans Boul Falé (avec Aïda Sock). C’est pour « désétiqueter », par ouverture ou originalité ? 

Je suis quelqu’un de très ouvert musicalement. Pour l’intro Yann Solo, on était en studio avec mon guitariste, Yann Moni, et à un moment, il a commencé à jouer ce petit riff qui était super sympa. J’ai décidé de le garder pour l’album. Je ne m’enferme pas dans une case. J’aime beaucoup le rock, j’aime beaucoup la guitare électrique. Quand j’ai commencé à jouer en live avec des musiciens, souvent je demandais aux guitaristes de partir en mode « distorsion », guitare solo sur des morceaux. L’étape suivante, c’était de l’expérimenter sur un album. Ce qu’on a fait. L’autre influence musicale qui me tient à cœur, c’est tout ce qui est rythmes africains, comme dans Django, Talouniou Fo ou La Boca. Et je trouve que ça donne une énergie incroyable à la musique, surtout quand c’est mixé avec un beat de rap. Ça aussi, c’est quelque chose qu’on est en train de développer avec Passa, un des deux beatmakers qui ont travaillé sur l’album, avec Flagrandélit.

Dans un entretien avec Fatou Kandé Senghor publié dans le livre Wala Bok – Une histoire orale du hip-hop au Sénégal, vous avez dit : « J’essaye de faire de l’argent. Je sais qu’à la base, je ne suis pas un grand businessman ». Avez-vous réussi aujourd’hui ? Et êtes-vous devenu un grand businessman ? 
Je ne suis toujours pas un grand businessman, mais j’essaie de gagner de l’argent. Parce que dans tous les cas, la musique, c’est un métier, donc, c’est un business. Au-delà de la passion, il faut trouver un moyen de rentabiliser cette musique ou même de se diversifier, pour faire rentrer de l’argent et en même temps faire avancer l’industrie et l’écosystème dans lequel on vit. C’est ce que j’ai fait. Je fais toujours de la musique et j’ai développé des activités à côté.

Lesquelles ? 

J’ai développé principalement deux activités. La première est une plate-forme panafricaine de streaming qui s’appelle Deedo, un projet ayant mijoté depuis 4-5 ans (et lancé en octobre 2017, ndlr). J’ai travaillé avec une amie d’enfance, Awa Girard – elle a même rappé avec nous dans Kantiolis. On a développé ce projet dont on est très fier. On est ouvert sur quatre pays pour l’instant, mais on a pour objectif d’ouvrir sur 27 pays d’ici à 2020-2021. Ensuite, je me suis associé à des jeunes, on a sorti un web-média panafricain qui s’appelle Vudaf – comme pour Vu d’Afrique. Ça a été lancé il y a quelques mois. C’est un média pour nous, par nous, c’est-à-dire avec notre vision. On pense que c’est super important qu’on ait des médias qui mettent la lumière sur ce qui se fait de bien en Afrique. Par ailleurs, avec Papi, un artiste multifacettes – il est peintre, styliste -, on prévoit de développer pour sa marque de vêtements qui s’appelle Mwami une collection qui s’inspire de l’album. Elle va s’appeler « The Ñuulest ».

Talouniou fo veut dire… 
On n’est pas là pour s’amuser…

…mais on a l’impression que vous vous amusez – en tout cas, que vous vous êtes amusé à faire cet album ? 

Oui ! Pour moi, c’est primordial, sinon, je ne fais plus de musique. Une des raisons pour lesquelles j’ai eu cette longévité, c’est parce que je me suis toujours arrangé pour ne pas m’ennuyer en faisant de la musique, et pour m’amuser en faisant de la musique. Pour moi, même si c’est un métier que je prends au sérieux, ça reste quelque chose d’agréable à faire.

Auteur : Rfi

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