Khalifa Sall, enfin!

Le maire de Dakar a fait le choix définitif de croiser le fer avec Macky Sall. Surtout que chaque jour le chef de l’État pose un jalon qui confirme qu’il entend bien réduire son mandat.

Ira ? Ira pas ? Selon toute vraisemblance, Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar et « candidat naturel » du Parti socialiste à la prochaine élection présidentielle, devrait, sous peu, rendre publique son option pour une candidature à la présidentielle de 2017. À moins que le PS l’agrée par un congrès extraordinaire d’investiture, qui n’est pas encore programmé, il devrait l’annoncer au cours d’une conférence de presse ou toute autre forme de communication.Dans ce cas échéant, cela signifierait tout simplement, que n’ayant pas, l’onction officielle de son parti, il s’adjugerait le droit légitime de compter sur une coalition comme en juin 2014, lors des élections communales et départementales. Avec ou sans l’imprimatur de son parti divisé sur cette question.

Cependant, au sein de son entourage immédiat, on ne fait plus mystère de cette éventualité, qualifiée « d’irréversible ». Il se dit dans les rangs de ses partisans, que le maire de Dakar, grand vainqueur des dernières élections municipales et départementales de juin 2014, que cette victoire éclatante sur l’ancien Premier ministre Aminata Touré, n’était qu’un petit tour de chauffe avant le grand combat de février 2017.

Le très futur candidat, affûte ses armes, constitue ses équipes, affine déjà une réflexion sur sa stratégie. Et pourtant, la tête de gondole socialiste continue de garder le silence après qu’il eut, en juillet dernier, tenté de freiner les ardeurs de ses militants, qui démultipliaient concomitamment les mouvements de soutien en sa faveur et les cris de guerre déchaînés contre l’APR.

Il avait donné l’impression de siffler la récréation en réaffirmant son engagement auprès de son secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng, tiraillé entre son obligation de loyauté au Président Sall dans la coalition Benno Bokk Yakaar et celle de ne pas laisser le PS rater de l’historique rendez-vous de 2017. Ce drame cornélien taraude Tanor et hante ses nuits.

Khalifa Sall a-t-il réussi à se débarrasser du pesant corset de Tanor, Cheikh Seck, Aminata Mbengue Ndiaye et autres Vilane, plutôt favorables à un soutien au Président Sall, dans le cadre de Benno.

Le risque est grand pour le PS de se diviser sur ce sujet aussi clivant. Mais, Khalifa Sall le sait. Ce statu quo réduit son champ d’action et ses chances de se mesurer au locataire de l’Avenue Senghor. Il sait aussi que le temps lui est compté et qu’une campagne électorale se prépare au moins deux ans. Défier un président-candidat rend sa tâche autrement plus complexe.

Mais prendre le risque de diviser, voire faire éclater le PS, est la perspective que Khalifa Sall redoute le plus. Surtout que dans la même foulée, il se délesterait du soutien de grosses pointures du PS- et de leur électorat- fortement implantées dans leur base politique. Sans doute, il pourrait bien récupérer de l’autre main, le soutien d’anonymes électeurs non partisans, d’éléments de la société civile et certainement d’autres forces politiques qui pourraient venir de la coalition Benno Bokk Yakaar.

Cependant, ce jeu à sommes nulles, peut amoindrir un peu plus ses chances. Car dans un scrutin qui s’annonce très serré, tout pourrait se jouer dans un mouchoir de poche. Et Khalifa Sall, qui jouit d’un capital sympathie très fort, ne devrait rien négliger qui puisse lui soustraire des voix. Encore moins la qualité d’un appareil électoral comme celui du PS, attributaire d’un conséquent maillage territorial, même très affaibli par sa perte du pouvoir et les successifs revers électoraux. Et aussi, l’image fortement érodée de son inamovible secrétaire général.

Le maire de Dakar a pris toute la mesure de ces enjeux. Il va s’engager dans l’arène. Il ne semble plus donc faire de doute que Khalifa a fait son choix définitif de croiser le fer au président sortant Macky Sall. Il en piaffe d’impatience. Surtout, que chaque jour le Président Sall pose un jalon supplémentaire qui confirme qu’il ne se déjugera pas. Et qu’il entend bien s’appliquer la réduction du mandat présidentiel à cinq ans.

Fini le temps des atermoiements ! Il est pour le PS, un impératif devoir de choisir entre son destin politique et la solidarité gouvernementale, deux logiques, a priori inconciliables.

Le Président Sall a jusqu’ici bien géré son temps. Il a usé du clair-obscur avec une admirable dextérité pour se donner le temps de reconfigurer un projet de société, un programme gouvernemental, en espérant et faisant espérer que les fruits donneront la promesse des fleurs.

Toute la kyrielle de projets qui poussent comme des champignons, sortent de terre comme de jeunes pousses prêtes à germer (PSE, CMU, PUDC, bourses de solidarité sociale, projets agro-pastoraux, financements de projets d’entreprises, de création d’emplois, d’habitats sociaux), entre dans l’escarcelle de son bilan à, à peine quinze mois de l’élection présidentielle de février 2017. Il est plutôt inscrit dans une trajectoire de reconquête. Il remobilise son parti. Il jette ses ministres au front pour communiquer sur le bilan gouvernemental. Il va jusqu’à impliquer les franges importantes du Benno Bokk Yakaar (jeunes et femmes), dans la promotion des actions gouvernementales. Et le PS y est chaque fois bien et ostensiblement représenté.

Dans le même temps, le Président Sall ne rate aucune occasion pour encourager et féliciter le ministre PS de l’Education, Serigne Mbaye Thiam (dialogue sociale, UNESCO), histoire de ferrer davantage son allié dans la coalition gouvernementale. Toutes ces stratégies recoupées pourraient le renforcer et surtout renforcer le sentiment d’une certaine vacuité dans les rangs de l’opposition en quête de remobilisation, au moment où on note une certaine accalmie dans les rangs de Benno Bokk Yakaar.

Le sentiment que le Président Sall est sorti du tunnel du doute après un exceptionnel état de grâce, devient prégnant. Il a réussi, tant bien que mal, à recentrer les débats sur ses projets et non plus sur la cascade de dérives des années 2012, 2013 et 2015 jusqu’en mi-2015. N’eût été la grosse bourde notée dans le choix des présidents de groupes de parlementaire dans lequel sa main noire est apparente, il aurait pu terminer l’année 2015 sur les chapeaux de roue.

Il est vrai que les prédications du FMI sur les difficultés handicapantes de l’économie sénégalaise et le rang peu enviable de notre pays dans le cercle des nations les plus démunies de la planète donnent du grain à moudre aux opposants. Mais il faut bien noter que pour la première depuis trois ans de gouvernance, on a le sentiment les stratégies économico-sociales lancées seraient de nature à susciter de l’espoir. En tout cas, beaucoup plus que les sombres périodes des trente derniers mois, caractérisés par un dangereux tâtonnement, avec un record d’instabilité gouvernementale, trois premiers ministres en moins de trois ans. Seul Wade a pu faire mieux. Ou plutôt pire.

Tout ceci, pour dire que Macky Sall peut amorcer l’année 2016 avec moins d’angoisse existentielle. Le référendum est annoncé pour dans six mois. Mais si le Président reste mutique sur les calendriers électoraux et la date de la délivrance du Conseil constitutionnel, il trouverait là une autre source de mécontentement populaire préjudiciable à son image. Il se dit que dans son adresse à la Nation du 31 décembre, le Président pourrait édifier les Sénégalais sur les futures échéances, maintenant que l’élection de 2017 ne semble plus être un mystère.

Pour Khalifa Sall, l’heure de vérité a sonné. Garder le mutisme serait aussi suicidaire et que le silence du Président Macky Sall sur le calendrier républicain. Khalifa-Macky deux personnalités différentes, certes, mais qui partagent le même souci de laisser du temps au temps. Pour combien de temps encore ? Une seule certitude, pour les deux, le temps est plus que précieux. Et à force de chercher à tuer le temps, c’est le temps qui risque de les « enterrer » politiquement.

Momar Seyni Ndiaye 

 

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