Zimbabwe : Robert Mugabe refuse de démissionner

Dans son discours à la nation le 19 novembre, Robert Mugabe a défié les attentes en s’abstenant de démissionner. Le président zimbabwéen est allé jusqu’à affirmer qu’il présiderait le congrès de son parti le mois prochain.

« Le congrès doit se tenir dans les prochaines semaines, a déclaré Robert Mugabe ce dimanche 19 novembre à la surprise générale, quelques heures après avoir été démis de ses fonctions de président de la Zanu-PF, le parti au pouvoir. J’en présiderai les débats ». Une source proche de son entourage avait auparavant annoncé que le président zimbabwéen, âgé de 93 ans dont trente-sept au pouvoir, avait accepté de remettre sa démission.

Dans la foulée de ce discours, les anciens combattants de la guerre d’indépendance ont appelé les Zimbabwéens à descendre de nouveau dans la rue le mercredi 22 novembre prochain pour obtenir le départ du plus vieux dirigeant en exercice au monde.

L’armée a pris le contrôle du pays dans la nuit du 14 au 15 novembre, à la suite de l’éviction du vice-président Emmerson Mnangagwa, et assigné le président à résidence. Le 18 novembre, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour soutenir cette intervention et demander le départ du président.

Destitution

« L’opération à laquelle j’ai échappée n’a pas remis en cause mon autorité en tant que chef de l’Etat et commandant en chef de l’armée », a toutefois estimé ce 19 novembre Robert Mugabe, flanqué de plusieurs hauts responsables militaires.

« Quels que soit les pour et les contre de l’opération de l’armée, moi, en tant que commandant en chef, je reconnais les problèmes qui ont été soulevés », a-t-il ajouté, avant de critiquer « les messages contradictoires du gouvernement et du parti ».

« Tout cela doit cesser, alors que nous adoptons une nouvelle culture de travail », a-t-il encore lancé dans ce long discours, lu avec grand peine et retransmis en direct à la télévision d’Etat.

« Ce discours était totalement déconnecté de la réalité, a immédiatement réagi le chef de l’association des anciens combattants, Chris Mutsvangwa. Nous soutiendrons toute procédure de destitution et appelons à manifester mercredi ».

Plus tôt dimanche, la Zanu-PF avait annoncé qu’elle entamerait une procédure de destitution si le président ne remettait pas sa démission d’ici ce 20 novembre à la mi-journée.

JEUNEUAFRIQUE

Non seulement Robert Mugabe n’a pas démissionné, mais il a promis de présider le congrès du parti au mois de décembre. Analyse d’un discours qui a pris tout le monde de court.

Les agences de presse, les commentateurs les mieux informés du pays et d’ailleurs, tous annonçaient à l’unisson la démission en direct à la télévision du président du Zimbabwe au pouvoir depuis 37 ans. C’est tout l’inverse qui s’est produit.

« La réunion d’aujourd’hui avec le commandement militaire souligne l’importance pour notre nation de revenir à une situation normale pour que chacun puisse profiter d’un environnement de paix et de sécurité, et que la loi et l’ordre continuent comme avant. L’opération à laquelle j’ai fait allusion ne constituait pas une atteinte à l’ordre constitutionnel auquel nous sommes si attachés, ni une atteinte à mon autorité en tant que chef de l’Etat et de gouvernement. »

Jusqu’à ce moment précis du discours, on peut encore s’imaginer que Robert Mugabe peut annoncer sa démission ou non. Il dédouane l’armée pour son comportement. Mais à la fin, non seulement il ne parle pas de démission, mais lorsqu’il évoque le congrès de la Zanu-PF, il assure qu’il va le présider alors qu’il a été démis de ses fonctions. Il évoque même « des développements censés avoir été pris au nom du parti ». Pour José Brito, ex-ministre des Affaires étrangères de la République du Cap-Vert qui côtoie Robert Mugabe depuis longtemps, l’homme est en plein déni de réalité…

Mais d’autres observateurs pensent que Robert Mugabe sait bien ce qu’il fait, qu’il a intentionnellement écarté certaines parties de son discours. En tout cas, on le voit s’emmêler dans ses feuilles à la 7e minute : « Notre plus grande inquiétude… laissez-moi lire cela à nouveau… Je suis désolé. Notre grande inquiétude… », bafouille le vieux chef.

Son chef d’état-major, le général Chiwenga, l’homme qui l’avait mis en résidence surveillée, lui désigne une feuille. Et Robert Mugabe hoche la tête, sans pour autant obéir.

A-t-il fait semblant d’être sénile?

A la minute 10, le général Chiwenga va même jusqu’à lui tendre sans doute la même feuille que le vieux chef d’Etat écarte à nouveau. Ce geste est noté par les militaires qui échangent des mots inaudibles. A la fin du discours, le général Chiwenga ne tient plus sur sa chaise, il a les yeux partout. Et Robert Mugabe semble s’excuser d’avoir oublié certaines parties du discours

« J’espère qu’on pourra corriger ça. C’était un long discours. »

Pour Peter Godwin, journaliste et auteur zimbabwéen, Robert Mugabe a joué un tour à son entourage. « Vous pouvez le voir dans le langage corporel des gens dans la salle. Les militaires sont confus, ennuyés. Ce n’est pas ce qu’ils attendaient, ça c’est clair. Ils pensaient qu’il allait démissionner, il avait promis de le faire et il ne l’a pas fait. Peut-être qu’il l’a promis, parce qu’il voulait juste pouvoir avoir accès à la télévision nationale, parler directement à la population, comme si rien ne s’était passé. Mais s’il pense que ce tour de passe-passe va marcher, c’est qu’il a vraiment perdu tout contact avec la réalité. Ce qui en plus n’est pas impossible. C’est vrai qu’on ne reste pas au pouvoir pendant plus de 37 ans, si vous n’êtes pas magouilleur ou machiavélique. Il est comme ça, c’est pour ça que c’est possible que tout ça ne soit qu’un tour qu’il ait joué, aller jusqu’à faire semblant qu’il est sénile. »

Robert Mugabe a-t-il joué un tour aux généraux et aux autres acteurs de la crise zimbabwéen pour tenter de rester ? Le réponse dans les 48h. Avec d’éventuelles réactions, ou même cette procédure de destitution qui est envisagée par le Parlement.

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