« Zakatou Guerté » ou la jurisprudence El Hadj Abdoulaye Niasse Le Grand (RTA)

Le brillant article de Cheikh Tidiane Camara (Ancien colonel des douanes) et fervent disciple Tidiane dont l’analyse frise la perfection ouvre un débat vieux d’un siècle sur la « Zakalibilité » ou non de notre arachide. Quant à l’argumentaire sur la non zakabilité de l’arachide, il y a lieu de revisiter l’approche et la démarche Niasséne en la matière. En effet, le saint homme, El Hadji Abdoulaye Niasse, profitant de son pèlerinage à la Mecque en 1903 avait emporté avec lui les échantillons de cette légumineuse introduite au Sénégal à la fin du 19 e siècle dans  la région de Louga par Monsieur Arendt dont le nom est devenu synonyme de la précieuse graine originaire d’Indochine. Partout où il l’aura exhibé au Moyen-Orient, il lui a été dit qu’il ne s’agissait pas du « Fustuq » pistache en Français mais bien de « Fuul soudanais », donc Haricot ou fève du Soudan (Afrique Noire). Cette première différence est apparente sur l’appellation. Quand il a demandé à voir la plante, ce que son passage par la Syrie en allant vers l’Egypte sur son chemin de retour lui a permis, il en conclut qu’il s’agissait là d’un arbre entrainant ainsi une différence d’appréciation et de taxation (Zakat.)
Fort de cela, il avait les éléments d’appréciation nécessaires pour savoir que deux plantes différentes portaient le même nom en Wolof, l’un Guerté (grabinier) alors que l’autre  (Guerté toubab) qui regroupent un nombre varié de noyers qui comprend les pistachiers  (arbre),  l’amandier et qui pouvait même être élargi à l’anacardier entre autres. Il s’est alors rendu compte qu’il s’agit pour ce qui le concerne de pistache de terre autrement appelé fève ou haricot du Soudan (Afrique Noire).
Au Caire où il a enseigné à la fameuse Riwaq-Tekrour de l’Université Al –Azhar du Caire, il y a mené d’innombrables discussions et échanges avec Oulémas, étudiants et autres grand connaisseurs de la taxe ZAKAT.
C’est ainsi qu’il commença en Egypte la  rédaction de son fameux livre » Zakatou Guerté ». Mené ainsi par deux points cardinaux. Le premier étant le rapport effort/ récolte qui constitue la base principale de toute  taxation « Zakatable » en matière agricole. C’est –à dire plus  on fait d’effort, moins on paie de taxe.
Ainsi un mil pluvial est taxé à 10%, or  s’il est arrosé manuellement, il est taxé à 5%. Toutefois, si ce même mil est récolté dans les champs abandonnés, comme c’est le cas dans d’anciens villages tombés en runes, l’assiette monte au cinquième soit 20% (Maximum de l’assiette pour une base 2,5%, métaux précieux dont l’Or, etc.)
Or un arbre planté une fois et pouvant être  récolté pendant des décennies  voire pendant des siècles, ne  peut être comparé à des graminées dont  le rapport récolte / intrant est en moyenne de 50%,  même  si ce rapport  peut connaitre des variations pour atteindre 200%.
L’autre facteur concerne les risques dus à la sécheresse ou l’aridité totale ou partielle dans les zones où l’arachide est cultivée. L’ensemble de ces facteurs ajoutés à un autre facteur très important pour le fondateur des Niassène est une question de piété.
Par crainte de Dieu le père de Mame  Khalifa et de Baye Niasse a préféré renoncer à une taxe dont il aurait été le principal percepteur et bénéficiaire avec sa famille. Le manque à gagner des Niassène se chiffre à des milliards de notre monnaie actuelle.  Si un million de talibés donnait chacun un quintal d’arachide par an soit à peu près 100.000 tonnes, équivalent à la production de sept départements du Sénégal.
Seydi El Hadji Malick quant à lui, tout en disant être convaincu de l’argument Niassène, a réagi par crainte de Dieu de n’avoir pas versé une dime du à son créateur. D’où la complémentarité active entre les deux hommes.
A cela s’ajoute l’argumentaire de la Zakat sur l’oléagineux. Cet argument se base sur l’olive dont l’huile constitue la base taxable, contrairement aux autres oléagineux tels que  soja, Colza, Palme, Cocotier Tournesol, Sésame, Coton, Mais , Karité, Acajou, Neb-Neb ou acacia nilotica, jujubier ou sidème ou datte  du désert).  Il s’agit là d’oléagineux qui tombent tous sous la jurisprudence d’El Hadji Abdoulaye Niasse le Grand. Nul produit ne peut payer la dime si l’assiette fiscale n’est pas prédéfinie par la doctrine des Oulémas et admise au moins par deux rites (Malikisme, Hanafisme, Zawahirisme, Chafiisme).
D’ailleurs, c’est pour cette raison relevant de l’assiette,  tels que les légumes  d’une manière générale et la plupart des fruits ne sont pas concernés par la Zakabilité.
La jurisprudence El Hadji Abdoulaye Niasse a ainsi l’avantage d’être systémique, alors qu’ailleurs c’est du cas par cas. A la réponse des contre arguments suivants, le nom de pistache de terre ne fait pas des arachides des pistaches.
Deuxième argument, le caractère oléagineux de cette solanacée.
Seul un oléagineux est taxable, l’olive ainsi que son huile et à l’exclusion de toutes les autres huiles.
L’argument de la visite de Sukeyrij , du reste,  n’est pas attestée par la tradition orale Niassène à la différence de celles de Sidy Tayeb  Sofiante intervenue en 1947 ainsi que celle de Sidy Ben Omar. Les deux hommes ayant laissé de nombreux homonymes. Une seule source (Rudiger Seeseman) évoque cette visite improbable qui du reste ne change rien aux faits et à la divergence d’appréciation sur la zakabilité ou non de l’arachide. Non plus  le fait qu’il l’ait mentionné dans une lettre poétique à laquelle n’est greffée aucun argumentaire chariatique sans lequel tout point de vue n’est que prose.
Cela dit, nous sommes étonnés de voir une sorte d’acharnement contre une décision ayant l’autorité de la chose jugée. Et admise par les deux grands hommes, de leur vivant, plus de trente ans après leur disparition en 1922 séparée d’à peine dix jours. Pour éterniser un faux débat qui sonne comme un appel insistant tendant à installer une polémique entre deux hommes qui, de leur vivant, ont toujours prôné le partenariat et la complémentarité. Et non pas la contradiction et l’adversité comme cela est prôné par des pêcheurs en eaux troubles
Contrairement aux attendus traditionnellement liés à un argumentaire jurisprudentiel. Cette lecture a cela de plus authentique qu’elle est conformé à ce que nous a dit le fondateur de la Tariqa « Ecartez tout ce qui m’est attribué si c’est non conforme à la sharia » et d’en conclure qu’on ne saurait rabattre une fatwa émise en bonne et due forme par un poème ayant valeur d’un message de courtoisie.
El Hadji Abdoulaye Niasse est simplement victime de son extrême honnêteté intellectuelle et de sa grande piété, Devancier de celui qu’on lui attribue tantôt comme étant son jumeau astral, tantôt comme le père à la place du père, Affirmation à laquelle je tiens.

AHMED KHALIFA NIASSE

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