La vérité sur le maintien de Khaf en prison

La Cour suprême a rendu, jeudi dernier, son verdict concernant le recours en annulation de la procédure contre le maire de Dakar. Mais, le juge a rejeté ledit recours pour défaut de paiement de la consignation. D’ailleurs, au lendemain de ce face à face avec le juge, Khalifa Sall, dit-on, était « noir de colère »à cause de la bévue de ses avocats qui ont oublié verser ladite consignation qui est un élément essentiel pour sa libération. L’avocat au Barreau de Paris, Pape Ndiogou Mbaye, est largement revenu sur la question dans une tribune où il s’inquiète que la justice ne se soit pas désolidarisée de la volonté politique d’écarter Khalifa Sall des affaires.

D’une manière tout à fait surprenante, Monsieur le député Khalifa Ababacar SALL, Maire de Dakar- capitale de la république du Sénégal-est toujours en détention nonobstant sa personnalité, les garanties de représentation certaines qu’il présente et l’absence de tout antécédent judiciaire. C’est dire qu’il réunit les garanties que la loi sénégalaise mais surtout le droit communautaire et international exigent généralement pour qu’une personne puisse bénéficier d’une liberté quand bien même celle -ci serait provisoire le temps qu’un tribunal libre et indépendant statue sur les accusations portées contre lui.

Contre toute attente, une requête aux fins d’annulation de la procédure, présentée par ses avocats aurait été rejetée par la Chambre criminelle de la Cour suprême du Sénégal le 21 septembre 2017.

Il faut préciser que le désormais député est poursuivi pour présomption de détournement d’une somme de 1,8 milliard de francs CFA dans le cadre de la gestion de la caisse d’avance de la municipalité de Dakar dont il est le Maire.

Dans tout système civilisé et démocratique la détention est une exception et la liberté la règle.

Il est à craindre que ce député du peuple sénégalais ne sortira pas de prison par le seul combat de ses soutiens, ni par les demandes de libertés provisoire ou même la dénonciation du caractère politique de cette détention, tant l’influence réelle ou supposée de son adversaire dans l’appareil judiciaire est importante.

Pour sortir de cette détention il faut entre autres moyens agréger toutes les luttes, les dénonciations et surtout observer un strict respect de toutes les dispositions de la procédure pénale.

En un mot n’offrir aucune possibilité de ne pas aller au bout du raisonnement juridique de ses avocats donc des moyens que Monsieur le député fait valoir.

Sans avoir accès à ce dossier, il semble que la cour suprême ait statué en constatant l’irrecevabilité pour absence cde consignation. Cette dernière étant une condition de recevabilité cette action ne pouvait donc prospérer sans ce préalable.

La loi organique n° 2008-35 du 7 août 2008 portant création de la Cour suprême, prévoit dans son TITRE IV – PROCEDURE DEVANT LES FORMATIONS DE LA COUR SUPREME un certain nombre de dispositions formelles qu’il convenait de respecter.

Sur le moyen d’irrecevabilité retenu par la Cour suprême

Cette loi indique en son article 35-3 :

« Le demandeur au pourvoi en cassation est tenu de consigner, dans le délai de deux mois à compter de l’introduction du pourvoi, une somme suffisante pour garantir le paiement des droits de timbre et d’enregistrement calculés aux droits fixes.

La justification des sommes consignées doit être effectuée par la production du récépissé de versement dans le délai sus-indiqué. A défaut, le demandeur est forclos et, en conséquence, déchu de son pourvoi. »

Cette consignation est destinée à faire face à une éventuelle condamnation tel que prévue ainsi :

« En cas de rejet, s’il apparaît que le pourvoi est abusif, la chambre saisie condamne le demandeur à une amende civile dont le montant ne peut excéder un million (1.000.000) de francs. »

Le Maire devait donc consigner dès lors qu’il n’entre pas dans les catégories bénéficiant d’une dispense de consignation et énumérées par l’article précité.

Sur la forclusion

Cette absence de consignation pouvait être régularisée comme le prévoit la même disposition en ces termes :

« Le premier président de la Cour suprême ou son délégué peut, après avis du ministère public, relever le demandeur au pourvoi de la forclusion résultant de l’expiration du délai, si celui-ci justifie d’un motif légitime.

Le premier président est saisi sur simple requête. La demande n’est recevable que si elle est formée avant l’expiration des délais de mise en état de l’affaire. »

La Cour suprême n’a fait qu’appliquer une disposition de sa loi organique dans ce cas précis, ce qui a pour conséquence de voir maintenir en prison Monsieur le député et Maire de la capitale du Sénégal Khalifa Ababacar SALL.

Que les adversaires du député de Dakar souhaitent qu’il soit écarté des affaires n’a rien de surprenant, en revanche que la justice ne se soit pas désolidarisée de cette volonté politique est plus qu’inquiétant.

Pape Ndiogou MBAYE

Docteur en Droit

Avocat au Barreau de PARIS

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