Tragédie à La Mecque: « mort à al-Saoud », scandent des manifestants en Iran

Tragédie à La Mecque: « mort à al-Saoud », scandent des manifestants en Iran

La répétition d’accidents tragiques au pèlerinage en Arabie saoudite soulève des questions sur l’organisation de ce grand rassemblement musulman annuel, en dépit des milliards de dollars investis par les autorités pour améliorer la gestion des foules.

Le hajj cette année a été particulièrement meurtrier avec plus de 700 morts jeudi dans une gigantesque bousculade à Mina et plus de 100 morts le 11 septembre lors de l’effondrement d’une grue sur la Grande mosquée de La Mecque.

La sécurité passe toujours après

Quelque deux millions de musulmans sont venus du monde entier en Arabie saoudite et il s’agissait des premiers graves accidents depuis neuf ans. Mais des critiques sont lancées régulièrement concernant la sécurité des individus au hajj. Irfan al-Alawi, connu pour ses prises de position contre la stratégie gouvernementale de développement effréné des lieux saints de l’islam, affirme que le problème réside dans le contrôle des foules.

« Oui, ils ont essayé d’améliorer les installations, mais la priorité pour la santé et la sécurité passe toujours après« , dit Irfan al-Alawi, co-fondateur de l’Islamic Heritage Research Foundation, basée à La Mecque. Cet homme est un farouche adversaire du réaménagement des lieux saints, qui efface, selon lui, les liens tangibles avec le prophète Mahomet. « Tout se résume à la gestion« , explique Irfan al-Alawi depuis Londres quand on lui demande quelles sont les causes fondamentales de telles tragédies.

« Si la Turquie était chargée d’organiser le hajj…« 

Le directeur des affaires religieuses turques a indiqué que 18 Turcs étaient portés disparus après la tragédie de jeudi et il s’est insurgé contre de « sérieux problèmes » d’organisation à La Mecque. Vendredi, la mort de seulement cinq Turcs a finalement été confirmée.

Mehmet Ali Sahin, vice-président du Parti de la justice et du développement, parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie, a d’ailleurs estimé que si elle était chargée de le faire, la Turquie organiserait un meilleur pèlerinage que l’Arabie saoudite. « Peut-on parler de ‘destin’ pour ce qui s’est produit ? (…) Il y a des négligences en matière de sécurité, ces décès sont le résultat de ces négligences« , a-t-il déclaré, cité par l’agence de presse turque Dogan.

« Si la Turquie était chargée d’organiser le hajj, elle le ferait que sans personne ne subisse le moindre mal, avec l’aide de dieu« , a ajouté cet ancien ministre et ex-président du parlement. « Les lieux saints de l’Islam appartiennent à tout les musulmans« , a-t-il insisté, exhortant les pays de l’Islam à se réunir pour « trouver une solution aux problèmes de sécurité » en Arabie Saoudite.

Une position que ne partage néanmoins pas le président turc Recep Tayyip Erdogan : « Des mesures vont sans doute être prises pour éviter une répétition de cette tragédie. Je ne m’associe pas aux déclarations hostiles contre l’Arabie Saoudite« , a-t-il dit. Et il a ajouté : « Il faut voir le verre à moitié plein, il peut y avoir des défaillances dans chaque pays dans de telles organisations« .

« Mort à al-Saoud« 

L’Iran, qui a déploré la mort de 131 de ses pèlerins dans la bousculade, a dénoncé des failles dans le système de sécurité mis en place sur le site de lapidation par l’Arabie saoudite, son rival régional.

L’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite entretiennent des relations de rivalité politique et religieuse depuis l’instauration de la République islamique à Téhéran en 1979. Ces relations se sont très fortement dégradées ces dernières années avec les conflits en Syrie et au Yémen sur lesquels Téhéran et Ryad ont des positions diamétralement opposées.

Quelques heures à peine après la bousculade de jeudi, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a profité de l’annonce de trois jours de deuil national pour souligner que « le gouvernement saoudien doit accepter l’énorme responsabilité de cette catastrophe« . Selon lui, « la mauvaise gestion et les actions inappropriées » des responsables saoudiens ont provoqué la bousculade.

Nombre de responsables iraniens sont ensuite montés au créneau pour critiquer le grand rival politique et religieux, mettant en cause « l’incompétence » des responsables saoudiens. « L’Arabie saoudite est incapable d’organiser le pèlerinage« , a lancé de son côté l’ayatollah Mohammad Emami Kashani, l’imam qui a mené la prière du vendredi à Téhéran. « La gestion du hajj doit être remise aux (autres) pays islamiques« , a-t-il martelé.

Après la prière, des manifestations antisaoudiennes ont été organisées à Téhéran et dans plusieurs villes du pays aux cris de « mort à al-Saoud » (la famille régnante saoudienne).

Des responsables iraniens ont également accusé les autorités saoudiennes de minimiser le nombre des morts, qui selon eux dépasse en réalité les 1500.

Problème de langue

Un pèlerin soudanais qui se trouvait à Mina a estimé qu’il s’agissait du hajj le moins bien organisé sur les quatre auxquels il a participé. En raison de la chaleur, « les gens étaient déjà déshydratés et s’évanouissaient. Les pèlerins trébuchaient les uns sur les autres« . Il a indiqué qu’un Saoudien qui se trouvait à ses côtés lui avait dit avant le drame: « quelque chose va arriver« .

Mercredi, temps fort du hajj sur le Mont Arafat, certains pèlerins, à l’instar du Yéménite Mohammed al-Mikhlafi, 54 ans, se plaignaient déjà d’un « manque d’organisation« .

Le ministère saoudien de l’Intérieur a déclaré avoir déployé plus de 100.000 policiers pour assurer la sécurité des pèlerins, contrôler la circulation et canaliser les foules entre les différentes sites religieux qui sont situés dans des espaces relativement rapprochés.

Se pose pour certains pèlerins la question de la langue et de la compréhension des indications données par les autorités. Selon Alawi, les policiers chargés de la sécurité au hajj manquent de compétences dans les langues et n’ont pas été suffisamment formés. »Ils ne savent pas du tout comment communiquer avec ces gens » qui viennent du monde entier, sans connaître l’arabe, pour une partie d’entre eux, ajoute-t-il.

Le ministre saoudien de la Santé a attribué le mouvement de foule meurtrier de jeudi au manque de discipline des pèlerins qui ont tendance, selon lui, à ignorer les instructions des responsables du hajj.

« Si les pèlerins avaient suivi les instructions, on aurait pu éviter ce genre d’accident« , a déclaré Khaled al-Faleh après s’être rendu sur les lieux du drame, le pire à endeuiller le hajj depuis 25 ans. « De nombreux pèlerins se mettent en mouvement sans respecter les horaires » fixés par les responsables de la gestion des rites, a-t-il dit, ajoutant: « C’est la raison principale de ce genre d’accident« .

La tragédie s’est produite près du Jamarat Bridge, érigé au cours de la dernière décennie pour un coût de plus d’un milliard de dollars et qui était censé améliorer la sécurité des pèlerins et éviter justement qu’une foule n’entre en collision avec une autre.

Selon Irfan al-Alawi, les autorités devraient améliorer les systèmes de gestion des foules, avec un meilleur contrôle du « nombre de pèlerins susceptible d’entrer et de sortir » d’espaces bien définis.

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