Sylvain Ndiaye, la casquette du recruteur

Ancien footballeur international sénégalais, devenu recruteur du Liverpool de Jürgen Klopp, Sylvain Ndiaye est-il taillé pour le job ? Eléments de réponse dans cette enquête menée par L’Obs auprès de José Anigo, son ex-entraîneur à Marseille, Christophe Mongai, son agent, Amara Traoré et Abdoulaye Sarr, qui l’ont accueilli en sélection.

Pendant longtemps, très longtemps, Sylvain Ndiaye a parcouru le monde en culotte courte, en quête de sensations fortes. Sur les différents terrains européens qui ont été les théâtres de ses œuvres les plus accomplies, l’ancien international sénégalais a laissé des traces indélébiles. Ses passes lumineuses faisaient chavirer les cœurs et le Sénégal du foot chantait en chœur sa finesse technique, son inspiration. Son sens du jeu. Dès son entrée en équipe nationale, le 30 décembre 2001, en match amical contre l’Algérie, les promesses étaient belles. Au finish, la Tanière a été pour lui une forteresse imprenable, même si son talent faisait l’unanimité. En sélection comme en club. José Anigo, son entraîneur à l’Olympique de Marseille, se montre élogieux : «Sylvain a fait de bons clubs et a atteint des objectifs qui étaient, pour lui, importants quand il démarrait ce métier (de footballeur). La chose qui est en lui assez frappante, c’est son intelligence. Dans un match, quand il est en situation, il est capable de vite analyser les choses. Il a une intelligence assez impressionnante et très réactive. En plus d’être brillant, Sylvain est très structuré. Ce n’était pas exceptionnel, mais un très bon joueur professionnel.»

Seulement, l’ancien international sénégalais, qui a raccroché ses campons après 18 ans de carrière (1993-2011), n’avance plus balle au pied, mais stylo en main. Il n’est plus sous les projecteurs, mais dans l’ombre, pour mieux apprécier le spectacle et en tirer la quintessence. Ce footballeur, un des rares à son époque, à comprendre que faire une passe au bon endroit, au bon moment et au bon partenaire, vaut tout le reste, est devenu dénicheur de pépites. Recruteur pour les Français. «Scout» pour les Anglais. Valence lui a mis le pied à l’étrier, Psg lui a donné une reconnaissance mondiale, Liverpool, champion d’Europe, en a fait son œil en Espagne et au Portugal pour asseoir davantage son hégémonie. Sylvain Ndiaye et les ficèles du métier Ancien journaliste devenu un agent connu en France, reconnu à travers le monde, Christophe Mongai a managé de main de maître toute la carrière du joueur. Il n’est pas surpris par sa reconversion. «Sylvain a l’œil et le feeling pour identifier les futurs cracks. Je suis persuadé qu’il fait son travail dans les meilleures conditions de respect pour son employeur, parce que c’est quelqu’un de consciencieux. Je suis persuadé qu’il fera de grandes choses.» Dans ce métier, le statut d’ancien joueur n’est pas une garantie de réussite, il faut maîtriser les codes pour y exceller. José Anigo l’a très tôt compris. L’ancien défenseur central de l’Olympique de Marseille, devenu directeur sportif de l’Om (2005-2006), a démontré à plusieurs reprises son sens de l’observation. Son flair. Les recrutements, en 2005-2006, de Franck Ribéry, Mamadou Niang, Mathieu Valbuena, Steve Mandana, ont contribué au titre de champion de France décroché par le club phocéen en 2010. Preuve que José Anigo connait les ficèles du métier. «Il faut avoir l’œil, le feeling, faire les choses sans écouter les uns ou les autres. Avoir la faculté de faire sa propre analyse et anticiper sur l’avenir d’un joueur : c’est-à-dire l’analyse du lieu où il doit se trouver. Le contexte. La personnalité du joueur est importante aussi. Quand vous avez tout cela, c’est vous qui allez être le déclencheur : quand on s’engage pour un joueur, il faut y croire à 100%. Il ne faut pas le faire pour les autres, mais parce qu’on y croit vraiment soi-même.» «C’est quelqu’un de très structuré» Alors question : Sylvain Ndiaye a-t-il vraiment le profil de l’emploi ? Agent de joueurs sénégalais ayant bâti sa légende avec Didier Drogba, trois fois vainqueur du Ballon d’Or africain et champion d’Europe, Thierno Seydi répond par l’affirmative : «C’est un garçon qui a l’œil, qui est posé et a des propos très rassurants». Pas que. Son profil de recruteur est aussi large que la palette technique du footballeur qu’il fut. José Anigo, qui l’a vu dans ses nouveaux habits, en est resté baba. «Je l’ai croisé il y a quelques années, il travaillait pour Valence en Espagne. A l’époque, je travaillais encore pour Marseille. On voyait beaucoup de joueurs ensemble. Je savais qu’il allait trouver sa place dans ce métier. C’est quelqu’un de très structuré. Qui s’engage, prend des responsabilités. Ce n’est pas quelqu’un qui va faire les choses à moitié. C’est quelqu’un qui s’engage et c’est essentiel dans ce métier. Je pense qu’on le trouvera certainement un jour dans un autre club, avec d’autres responsabilités, parce qu’il peut travailler à des postes beaucoup plus valorisants encore.» Pour mieux appréhender l’avenir, Amara Traoré apprécie le présent. L’ancien sélectionneur trouve que le costume de son ex-coéquipier lui va parfaitement. «Un recruteur, c’est presque un espion. Par sa manière de vivre, sa façon de parler et d’être, Sylvain est un espion. Au sens positif du terme Dans un groupe, il est là sans être là. Il a du caractère, de la personnalité, de la dignité, tout en restant effacé. Un bon recruteur doit être invisible pour être là avant les autres. Mieux, poursuit Amara Traoré, même en tant que joueur, Sylvain avait déjà le flair du recruteur. «C’est un gars posé, réfléchi, qui prend toujours du recul. Il perçoit bien les choses et le football en particulier. Un garçon très tactique, qui a su faire des bons choix. Il avait le sens du jeu à la Guardiola. Un joueur qui se moule dans le groupe avec humilité, de façon effacée. Ce sont les caractéristiques d’un bon recruteur. C’est quelqu’un qui est capable de déceler un talent, parce qu’il est patient, toujours dans le questionnement.» A cela, Christophe Mongai ajoute une kyrielle de qualités humaines. «Sylvain est une personne intelligente, calme et réfléchie, qui a le sens des valeurs et n’oublie pas d’où il vient, qui il a été. Et ce sont des choses vraiment importantes. Il a la tête sur les épaules. C’est une personne toujours bienveillante, amicale et dévouée. Je peux dire que j’ai eu la chance, l’honneur et le privilège de le diriger durant toute sa carrière et que j’ai rencontré peu d’hommes comme lui.» Le profil est rare.

Avec les Lions, une symphonie inachevée

Difficile d’ouvrir le livre de l’ancien footballeur, Sylvain Ndiaye, sans s’arrêter sur le chapitre de la Tanière. Ce joueur binational, qui suscitait beaucoup de fantasmes, est reparti sans que les Sénégalais ne récoltent les fruits que son potentiel promettait. Ceci n’étonne pas Abdoulaye Sarr, qui replace son arrivée dans son contexte pour mieux apprécier la valeur du joueur à qui l’ancien sélectionneur adjoint en 2002 prédit un avenir radieux dans son métier de recruteur. Témoignage. «Sylvain Ndiaye est venu en équipe nationale (le 30 décembre 2001 en match amical contre l’Algérie) au moment où dans la Tanière, il y avait non seulement une belle ambiance, mais surtout un groupe très soudé, solidaire, et qui avait de l’ambition. La motivation était totale. Sur le plan managérial, on avait créé un environnement qui permettait à chacun, selon sa personnalité, de bien s’exprimer. Bien s’exprimer dans notre cadre, c’était donner le meilleur de soi-même. Le Sénégal avait besoin de reconnaissance et cette génération avait compris, très tôt, son rôle, aussi bien sur le plan sportif que sur le plan social. Même les devanciers ont par leur talent, montré les possibilités que le Sénégal offrait en matière de football, ces jeunes là avaient un sentiment national très fort et s’oubliaient, sur le terrain, au profit des populations. Cela avait fait un effet entraînant qui mettait tout le peuple d’accord sur un même projet. Sylvain est arrivé dans ce contexte, dans une telle ambiance, une telle atmosphère. La première chose à faire, pour lui, c’était de vaincre le dépaysement. Par nature, Sylvain est un compétiteur «timide» qui, sur le plan des valeurs, était exemplaire. C’était quelqu’un d’introverti, mais qui mettait en avant un élément important : le respect. Si vous l’approchez, c’est un bon communicant. Il n’a pas fait ses classes au Sénégal, bien qu’ayant une famille ici. Ses parents sont venus de Saint Louis pour le voir à l’hôtel. Toute une famille. Ce jour-là, je me suis chargé d’aller informer Sylvain. L’une de ses tantes habitait les Hlm. Voilà quelqu’un qui sur le plan humain, était vraiment agréable à vivre. Sur le plan professionnel, Sylvain avait un comportement irréprochable. On n’avait pas besoin de lui faire certaines remarques. Il avait le sens de l’anticipation, aimait et respectait son métier, à tel point qu’on pouvait se servir de lui comme élément catalyseur. Bien qu’il ne soit pas un meneur d’hommes, parce qu’effacé, par son comportement, Sylvain pouvait entraîner tout un groupe vers l’objectif. Sur le terrain, son sens tactique l’emportait sur les autres facteurs : les qualités physiques ou athlétiques, les qualités mentales. Il sentait les choses, avait une très bonne lecture du jeu, mais n’était pas un joueur très physique. Sylvain pouvait éviter facilement certains duels dans un match, par son intelligence. Et pour un joueur, la première qualité, c’est l’intelligence. Seulement à ce poste (milieu récupérateur), il y avait des titulaires indiscutables, il fallait lutter se faire une place. S’intégrer dans ce groupe était très facile, y avoir une place de titulaire c’était autre chose. Sur le plan de l’ambiance, ces joueurs avaient du caractère, savaient ce que c’était que la concurrence et le staff n’a jamais fait dans le sentiment. Il fallait avoir beaucoup de métier pour tenir la concurrence pendant longtemps. Dans son rôle de doublure, Sylvain a su, à chaque fois qu’il avait la chance d’être sur le terrain, éclairer le jeu par son intelligence. Sa technique. Pour sa reconversion, dans n’importe quel domaine, je ne me fais pas de souci, parce que c’est quelqu’un d’équilibré qui a déjà un niveau intellectuel assez intéressant, avec une bonne capacité d’analyse sur le plan tactique. Je crois qu’il s’était déjà donné les moyens pour réussir dans ce métier. Je ne l’ai pas suivi de très près pour voir comment il a su se former, mais il peut faire avancer des jeunes dans des structures. Intègre, intelligent, Sylvain ne parle que football. Il connait à fond les bases pour faire enrôler des joueurs intéressants selon les profils qu’on lui demandera, parce qu’il sent le football. Tout dépend de la philosophie de jeu de l’équipe qui l’engage, Sylvain peut ne pas se tromper. C’est un Monsieur très posé, qui peut faire profiter de son expérience à certains clubs qui le solliciteraient dans ce domaine. C’est son domaine, qu’il aime : le football. Même s’il est un peu timide, c’est quelqu’un qui peut, dans ce milieu assez difficile (le recrutement), se frayer un chemin.»

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