«Si on continue ainsi, les résultats des locales seront contestés»

Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, Moussa Diaw trouve que le processus électoral est entaché d’opacité

Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, Moussa Diaw trouve que le processus électoral est entaché d’opacité. Pour preuve, il cite les tensions et autres suspicions qui vicient le déroulement de la révision des listes électorales, et relève les blocages dont font l’objet les primo-votants. Avec ce cocktail, prédit-il, on s’achemine vers des élections tumultueuses dont les résultats risquent d’être fortement contestés.

Depuis l’ouverture de la révision des listes électorales, on assiste à une vive polémique entre les acteurs politiques autour de la délivrance des certificats de résidence. comment analysez-vous cette controverse ?

Le processus électoral commence à poser d’énormes problèmes, parce que le consensus n’y est pas. Au niveau du déroulement de ce processus, il y a quelques difficultés pour les jeunes à s’inscrire. On constate un certain nombre de blocages. Semble-t-il que certaines commissions ne sont pas officiellement constituées. Ce qui pose d’énormes problèmes. Pour éviter cela, il faudrait que ceux qui sont chargés de ce processus adoptent une attitude de transparence et communiquent davantage avec les citoyens pour que chacun d’entre eux, surtout les primo-votants, sache les documents à fournir et où s’arrêter au niveau des commissions. Il faut également que l’on identifie ces commissions et que tous les acteurs qui sont concernés soient à la disposition des citoyens pour les informer afin que tout le monde puisse s’inscrire. Cela éviterait les suspicions et autres malentendus.

Les primo-votants n’ont plus la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales avec un récépissé de dépôt de carte Nationale d’Identité.que pensez-vous de cette nouvelle donne ?

A mon avis, on doit bien s’entendre sur les modalités de l’inscription et les documents nécessaires pour s’inscrire. Que l’on n’adopte pas une stratégie de blocage pour demander des documents difficiles à obtenir, surtout que le délai est court. Donc, il urge de faciliter les modalités d’inscription pour que les primovotants puissent s’inscrire. Des instructions fermes doivent être faites aux mairies pour délivrer les certificats de résidence afin de permettre aux jeunes de s’inscrire. C’est un droit et l’administration chargée de l’organisation des élections doit leur faciliter cette tâche. Cela permettrait de clarifier le jeu et faciliterait le déroulement du processus d’inscription sur les listes électorales, plutôt que d’entretenir une certaine ambiguité avec des réticences à inscrire. Cela ne fait que créer des tensions. D’ailleurs, cette tension est palpable parce que cela se ressent dans les discours de l’opposition et des gens confrontés à des blocages. Cette situation risque de provoquer des difficultés avant même les élections. La tension est notée un peu partout dans le pays.

Compte tenu de ces nombreuses récriminations, ne peut-on pas dire que le Dialogue politique a été un échec ?

C’est justement cela le problème. On attendait tout du Dialogue politique et du Dialogue national. Et apparemment, le Dialogue politique s’est terminé en queue de poisson, parce que les avancées qui étaient attendues de la commission politique n’ont pas eu lieu. On savait pertinemment qu’il y aurait des sujets qui feraient l’objet de blocage. Mais on a fait comme si de rien n’était. Et à l’approche des élections, le Dialogue politique n’a pas pu régler un certain nombre de problèmes qu’on a soumis à l’appréciation du président de la République. Cela veut dire que les choses ne vont pas avancer. Parce qu’il y a des sujets qui devraient normalement faire l’objet de discussions, de débats contradictoires jusqu’à trouver un consensus entre les différents acteurs politiques. Chaque fois qu’il y a élection, on assiste aux mêmes problèmes. Je ne sais pas pourquoi on n’arrive pas à les cerner et les régler une fois pour toutes. Dans les grandes démocraties, ce sont les mairies qui organisent les élections et il n’y a pas de problème, parce que les gens respectent la loi. Il faut respecter la loi et qu’il y ait un contrôle et un suivi du déroulement de ces opérations, parce que c’est ça qui fait qu’on a confiance en cette opération. Mais si les choses se font dans l’opacité avec des stratégies de blocages, cela crée des tensions. Il y a suspicion car certains ne savent pas ce que les autres font. Beaucoup de jeunes veulent s’inscrire. Et puis, on sait bien la tendance des jeunes pour tel ou tel parti, c’est tout l’enjeu de la révision des listes électorales. Et cela favorise les interventions des uns ou des autres pour dénoncer ou pour clarifier le jeu politique, surtout en ce qui concerne les modalités d’inscriptions sur les listes électorales.

Comment appréhendez-vous les résultats des prochaines élections locales?

Si cela continue, est-ce qu’il y aura élections ? D’autant qu’on a entendu des idées de consignes, en cas de refus d’inscriptions à certains jeunes, de bloquer les commissions. Il faut éviter d’en arriver à ce stade. Pour cela, il faut qu’il y ait de la transparence. Que l’Etat joue son rôle et que la majorité clarifie le jeu en informant les citoyens que tout se passe dans la transparence. Surtout qu’il y a un enjeu considérable avec ces élections locales, puisqu’elles constituent un test pour les prochaines élections législatives et la Présidentielle. Car si on a de bons résultats aux élections locales, ce sera l’occasion de les conforter et de se préparer pour les échéances futures, c’est-à-dire législatives qui déterminent le rapport de forces au niveau national. Donc, il y a beaucoup d’enjeux autour des élections locales à venir. En raison de tous ces facteurs, il ne faut pas qu’il y ait des problèmes à la base. Surtout que tout le reste proviendrait de là. Si des jeunes veulent s’inscrire ou si des citoyens veulent changer de lieu de vote, il faut qu’on leur facilite cela. On doit pouvoir les inscrire sur les listes électorales de leur résidence ; c’est très important. Cela devrait être un acte banal. Les organes en charge de l’organisation des élections devaient simplifier et permettre aux gens de s’inscrire et les encourager à le faire, parce que c’est un acte citoyen. Il ne faut pas qu’on empêche les citoyens de remplir leur devoir de citoyen. Si cela continue ainsi, les élections ne vont pas se dérouler de façon acceptable et les contestations vont suivre. C’est maintenant qu’il faut anticiper en amont sur les inscriptions des listes électorales, faire en sorte que tout citoyen puisse s’inscrire s’il remplit les conditions. Il faut faciliter l’accès aux documents qui permettent au citoyen de s’inscrire. Sinon les résultats qui sortiront de ces élections seront contestés, parce qu’on dira qu’il y a eu beaucoup de blocages etc. Les instances chargées de ce processus doivent intervenir, surveiller et exiger qu’il y ait des commissions mixtes et un contrôle de cette opération. Car, si dès le départ il y a des suspicions, un manque de confiance, on a le terreau pour susciter des actions de violence au lendemain des élections.


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