Si l’histoire de la gendarmerie nationale m’était contée ?

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Si l’histoire de la gendarmerie nationale m’était contée ?

Elle a été au cœur des opérations militaires qui ont forgé l’image et la réputation de l’armée sénégalaise. Au coup d’État manqué de Koukoy Samba Sagna, ses troupes firent partie des soldats qui ont débarqué en Gambie lors des opérations Fodé Kaba 1 et Fodé Kaba 2. Ils ont contribué à enrayer la menace et sauver la première dame gambienne en détresse avec son bébé. A la guerre du Golf, au Cambodge, au Koweït, en Centrafrique, en Côte d’Ivoire ou encore en République démocratique du Congo, partout, la gendarmerie nationale a opéré avec un professionnalisme reconnu. Comment est né ce corps d’élite de la grande muette ? Comment a-t-elle hérité de la mythique garde rouge ? Seneweb a tenté de percer le mystère.

À la grande caserne Samba Diery Diallo de Colobane, l’heure est à la répétition générale. Tenues soigneusement arborées, bottes méticuleusement cirées et scintillant sous l’effet du petit soleil matinal, les hommes préparent, dans la grande rigueur, une prestation. Avec notre guide, l’adjudant-chef Kassé, nous fendons ce grand monde pour nous retrouver devant le musée de la gendarmerie nationale, là où réside la mémoire vive de l’institution, ses hauts faits, son histoire, l’histoire de ses grands hommes… Mais, pour bien capter la plénitude de cette passionnante histoire, dans ce musée, un voyage dans le passé est un passage obligé !

Naissance du spahi

«L’histoire a commencé à partir de Joseph Vanini, né en 1808 à l’île d’Elbe en Turquie. Il a eu une existence aussi romantique que guerrière. On l’appelle Joseph, mais qui dit Joseph dit Youssouf. Et le Bey n’est rien d’autre qu’un titre : le roi. Enlevé à l’âge de 6 ans par un corsaire tunisien, il est vendu au Bey de Tunis où il devient Mameluck à son service», explique l’adjudant-chef Abdoulaye Mamadou Diène, conservateur du musée de la gendarmerie nationale, un homme qui maîtrise son sujet et dont l’éloquence captive.

Mais, Joseph Vanini, à la suite d’une intrigue amoureuse avec la fille du Bey, a dû s’enfuir de Tunis pour rejoindre Alger à bord d’un navire battant pavillon français. Il débarquera à Alger et de 1830 jusqu’à 1845 date de l’insurrection, il participera à toutes les campagnes françaises contre les Algériens. Il sera fait général de division en mars 1865 par les français. Et le lien entre cet homme et l’histoire actuelle de la gendarmerie nationale est simple : c’est lui qui a donné naissance à l’unité des spahis sénégalais, dont l’histoire impactera la future gendarmerie nationale.

Lat Dior et les spahis

«La métropole voulant mettre fin aux razzias des Maures Trarzas, avait recruté des civils autochtones qu’elle a formés pour en faire des spahis. Et la première unité était composée uniquement de spahis sénégalais. C’était en 1880», renseigne le conservateur. Certains guerriers traditionnels autochtones, qui furent de farouches adversaires, vont plus tard garnir les rangs de l’unité. Ils en deviendront même, petit à petit, les plus valeureux éléments. Auparavant, le quartier de Chevigné, actuel Caserne des sapeurs-pompiers de Saint-Louis, faisait office de quartier général pour les spahis sénégalais.

L’unité s’imposera, au fil du temps, comme le bras militaire indigène incontournable du colon. Elle combattra dans de nombreuses contrées africaines et affrontera les guerriers toucouleurs et nombre d’autres résistants locaux. Certains de ces guerriers tomberont sous ses balles. «Lat Dior Ngoné Latyr Dior est né en 1842 à Keur Amadou Yella. A l’âge de 20 ans, il fut intronisé Damel. En 1864 les français le chassent du Kayor. Puis en 1886, lui, ses deux fils et 78 de ses compagnons, furent tués par une colonne de spahis sénégalais commandés par le capitaine Palois. C’est pourquoi Lat Dior est entré dans l’histoire des spahis sénégalais», renseigne l’adjudant-chef Diène.

La Garde rouge

A l’approche des indépendances, l’unité des spahis sénégalais écrira les dernières lettres de son histoire. Elle deviendra vers les années 1928, la garde coloniale. «Les spahis sont nés bien avant la gendarmerie nationale. La gendarmerie nationale est dérivée des spahis sénégalais. Les spahis sénégalais datent de 1880 alors que la gendarmerie nationale, dans la continuité des spahis sénégalais, a pris forme à partir de 1960», explique M. Diène. Et à cette dernière date, l’Unité des spahis sénégalais, muées en garde coloniale en 1928, se réincarnera dans la garde présidentielle ou «Garde rouge».

A partir de 1959, place à l’œuvre de construction de la gendarmerie nationale sénégalaise. Celle-ci recevra ses premiers cadres à cette date. Et en 1960 ses premiers officiers furent installés par le ministre de l’Intérieur, Valdiodio Ndiaye, à la Caserne Samba Diery Diallo, alors appelée Caserne de la Médina. «De 1960 à 1963, la gendarmerie nationale a été sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Et ce n’est qu’en 1963, avec le décret 63-294, que la gendarmerie fait partie intégrante des forces armées. La gendarmerie nationale a pris forme à partir du 20 aout 1960», explique l’homme de tenue.

La touche de Senghor

Mais, les traces des spahis sénégalais ne s’envoleront pas de sitôt. La garde présidentielle, communément appelée «Garde rouge», sera la réincarnation actuelle des cavaliers du matin. Elle garde, jusqu’à nos jours, son burnous, son pantalon bouffant, sa chéchia, son épée, son cheval etc. Elle appartenant à la Gendarmerie mobile et est chargée de la sécurité et du service d’honneur du chef de l’État. En 1968, le Président Senghor réformera son uniforme en y apportant sa touche personnelle. «En 1968, le président Senghor a jugé nécessaire de mettre en place cette garde qu’on appelle la garde rouge. Il a changé les tenues des gardes rouges et les a remplacés par les tenues actuelles». Cette garde comptera des éléments à pied et des éléments à cheval.

Naissance de la gendarmerie nationale

Au fil des années, à l’amorce de la grande œuvre de construction de la gendarmerie nationale sénégalaise, plusieurs corps naitront. La Légion de gendarmerie d’intervention (Lgi), la Légion de sécurité et de protection, le cyno groupe, l’Inspection Interne de la Gendarmerie nationale, le Groupe d’intervention de la Gendarmerie Nationale (Gign), etc., tous verront le jour. «La première intervention la plus musclée du Gign, c’était en Gambie. Il venait tout juste de naitre. Il n’avait pas encore 4 ans. C’est le Gign qui est allé libérer Madame Lady Jawara et son enfant au moment où son mari était en visite officielle à Londres. Lady Jawara est l’épouse du Président gambien Daouda Kairaba Jawara. Cette opération a connu un franc succès. Ce qu’il faut retenir, c’est la manière dont les gendarmes ont eu à opérer. Ils ont opéré avec leurs techniques propres de rapt d’enfants, de libération d’otages qu’ils apprennent régulièrement», nous relate l’homme de tenue avec une éloquence parfaite.

A la tête de cette grande institution se succéderont des hommes de tenue qui construiront et façonneront la gendarmerie nationale. Parmi eux, le général Daouda Niang, le Général Waly Faye, le général François Gomis, le Général Mamadou Diop, le Général Pathé Seck, le Général Abdoulaye Fall etc. d’aucuns guideront les premiers pas de la gendarmerie, d’autres la feront grandir jusqu’à sa réputation actuelle.

Les martyrs et la crypte

Mais, l’aura de notre gendarmerie nationale ne s’est pas construite, sans gouttes de sang. En effet, nombreux sont les hommes de cette grande institution, qui ont perdu la vie en service commandée, ici, ou sur le théâtre des opérations militaires internationales. Leurs noms sont solennellement gravés dans la crypte logée au cœur du musée de la gendarmerie nationale. Parmi ces illustres disparus, Amadou Tidiane Gadio et Ignace Dioussé, premières victimes de la rébellion casamançaise, tombés lors de la sanglante journée du 6 décembre 1983 à Ziguinchor. Le gendarme Papa Dia, lui, fait partie des Jambars tombés en Arabie Saoudite lors de l’invasion Koweitienne. Joseph Diam, lui,avait raté son virage en escorte présidentielle. Il n’y survivra pas. C’était en 1968.

Youssou Bakhoum, alors jeune gendarme, promis à un bel avenir militaire, qui poursuivait des malfaiteurs au Port autonome de Dakar, y a perdu la vie, électrocuté. Feu Thierno Mbodj, lui, est tombé vers 14 heures au moment où il escortait le Président de la République, Abdou Diouf. D’autres perdront la vie au front, loin de leur patrie, loin de leurs familles. Et c’est au prix de leur courage, de leur sang, de leur abnégation, que la gendarmerie sénégalaise a grandi et est devenue aujourd’hui une institution militaire louée par son professionnalisme à travers le monde entier.

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