Saadi Kadhafi, le transfert le plus improbable de l’histoire du football : joueur à Pérouse pour servir les intérêts de son père en Italie (notamment chez Fiat)

Saadi Kadhafi, le transfert le plus improbable de l'histoire du football : joueur à Pérouse pour servir les intérêts de son père en Italie (notamment chez Fiat)

Saadi Kadhafi, fils de…

L’histoire pourrait faire sourire mais elle est bien réelle, digne des plus grandes escroqueries du football moderne. Son surnom : « Mouhandis », l’ingénieur. Son nom : Kadhafi, Saadi, fils de colonel. Quand le football est instrumentalisé à des fins géopolitiques…

En vue d’améliorer les relations entre l’Italie et la Libye, le président du Conseil, Silvio Berlusconi, sollicite le président du club de Pérouse, Luciano Gaucci. À quelles fins ? Faire signer le fils Kadhafi et lui offrir du temps de jeu en première division italienne. Gaucci est un personnage assez particulier, capable de colères mémorables. La séquence se produit au milieu des années 2000 et elle est à rattacher à l’époque où Saadi Kadhafi dirigeait la candidature de la Libye concernant l’organisation de la Coupe du monde 2010.

 

 

 

 

Les Libyens avaient invité Blatter et auraient d’ailleurs été mêlés à diverses affaires de pots-de-vin touchant de hauts représentants du football africain. Mourad Zeghidi, ancien responsable du football italien à Canal+, se souvient. « J’étais en 2003 à la conférence de presse organisée par Saadi Kadhafi pour promouvoir la candidature libyenne pour les Mondiaux 2010 et 2014, car les proches du Colonel avaient aussi des vues sur 2014. L’un des axes de promotion de leur candidature, c’était de s’appuyer sur l’Italie… la Libye faisant partie de l’ancien empire colonial fasciste italien. Les liens étaient tels que Tamoil, société pétrolière libyenne, a été sponsor maillot de la Juventus. »

 

À l’arrivée, deux Supercoupes d’Italie seront consécutivement organisées à Tripoli. En août 2002, le fils Kadhafi a d’ailleurs réussi l’exploit de convaincre les instances dirigeantes du foot italien de maintenir la prestigieuse Supercoupe entre la Juve et Parme dans la capitale libyenne, sous une chaleur écrasante. Une aberration sportive. Montant de la transaction : 1 million de dollars. Cela valait bien quelques suées avec en arrière-plan tous les puissants du football transalpin : Adriano Galliani (directeur général de l’AC Milan), Luciano Moggi (directeur général de la Juventus) et Saadi Kadhafi prenant la pose… Une époque où Fiat (propriétaire de la Juventus) était beaucoup plus présente dans la gestion du club turinois. Les intérêts du colonel Kadhafi en Italie étaient si importants qu’il avait investi dans Fiat et d’autres entreprises transalpines.

Servant les intérêts de son père, Kadhafi Junior au profil multicarte : directeur de la candidature libyenne, vice-président de la Fédération libyenne de football, capitaine et président d’Al-Ittihad Tripoli, le club champion de Libye, capitaine de la sélection nationale, fin politique ayant eu à un moment l’ambition de devenir président de la Confédération africaine de football et… footballeur ! En tant que joueur, d’ailleurs, il inspirait souvent peurs et appréhensions au sein des équipes adverses. Les joueurs libyens redoutaient d’éventuelles représailles en cas de victoire face au club du « fiston ». Zeghidi poursuit : « Sur un coup de folie, Saadi Kadhafi se dit : « Je vais aller jouer en Italie. » Le deal se signe avec Gaucci. Le transfert le plus improbable de l’histoire… La légende dit même que Saadi aurait payé Gaucci pour jouer. À l’époque, l’entraîneur de Pérouse, Serse Cosmi, le fait rentrer soixante-dix minutes en six mois (dont quinze minutes contre la Juve !)… De simples bouts de match en Coupe d’Italie, mais malgré ce temps de jeu famélique, il réussit tout de même l’exploit d’être contrôlé positif (suspendu trois mois pour dopage). C’est dire son niveau. La blague s’est arrêtée là. L’entraîneur de Pérouse s’est très rarement exprimé sur le sujet. Il devait certainement avoir des ordres. »

Correspondant de La Gazzetta dello Sport à Paris, Alessio Grandesso force le trait. « Le fils Kadhafi footballeur, c’était quelque chose d’assez folklorique ; cela a toujours été traité sous cet angle en Italie. Cette époque paraît révolue. On peut toujours se demander ce qui se passerait si, demain, Mister Bee [futur propriétaire de l’AC Milan] ou James Pallotta, l’Américain de la Roma, disaient : « Je veux faire jouer mon fils… » Comme auraient pu, en leur temps, le demander Berlusconi (avec l’AC Milan) ou Moratti (à l’Inter), ce dont ils se sont abstenus.

 

 

 

Ce serait sans doute impossible aujourd’hui à la Juve. Il y a désormais un vrai projet sportif et financier à Turin. La Juventus a produit des bénéfices pour la première fois depuis quatre ans l’an dernier. Les comptes sont positifs au-delà de l’endettement parce qu’il y a une rigueur financière liée aux résultats sportifs du club. Donc on ne peut plus voir ce genre de situation. Il faudrait que l’héritier Agnelli soit aussi bon que Pogba. » [Rires.]

En juin 2005, Saadi Kadhafi rejoint l’Udinese avec laquelle il jouera onze minutes, puis l’année suivante la Sampdoria, où il ne jouera quasiment pas. Sa carrière de joueur professionnel se termine en 2007. Fin de l’histoire.

Extraits de « Les secrets du mercato dans les coulisses des transferts » de Stéphane Bitton et Antoine Grynbaun, publié aux éditions Solar, avril 2016. 

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