Une phrase, une seule, et Mouammar Kadhafi serait encore en vie. Et il aurait peut-être fêté ses 65 ans le 19 juin. Il ne serait certainement pas à la tête de la Libye, mais quelque part dans un pays africain pour profiter de ses vieux jours, sous son turban d’exilé.
En 2011, alors que la guerre en Libye fait rage et que son régime est au bord du chaos, Kadhafi accepte de se retirer. Pour s’exiler. « Il était d’accord de quitter la Libye avec des conditions », révèle l’ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio sur le plateau de l’émission Opinion (Walf Tv).
Il fallait d’abord convaincre les Américains qui, à leur tour, pourraient freiner le Président français Nicolas Sarkozy et l’Otan, qui étaient engagés à fond dans la bataille. Gadio fait ses valises et traverse l’Atlantique.
« Je suis allé aux États-Unis et j’ai négocié difficilement, rembobine celui qui fut ministre des Affaires étrangères sous Wade pendant onze ans. Ils m’ont dit qu’ils sont d’accords, mais à condition de l’envoyer (Kadhafi) au Venezuela. Je leur ai dit qu’il n’ira pas au Venezuela ni nulle part, il va rester et mourir en Afrique. »
Pendant ce temps, les chefs d’État africains tenaient une réunion à Addis-Abeba, en Éthiopie, sur la Libye. Les États-Unis saisissent la balle au bond. Ils font savoir à Gadio que si les homologues de Kadhafi soutiennent sa démarche et acceptent de mettre dans une résolution la phrase suivante : « Nous exigeons l’arrêt de la guerre et l’ouverture de négociations », ils valideront la solution de sortie de crise. Kadhafi sera épargné.
Cet élément de langage ne figurera pas dans la résolution des chefs d’État africains. Pour des raisons que l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise n’a pas dévoilées. « La guerre a continué et Kadhafi a été assassiné », regrette Gadio, qui se remémore cet épisode des relations internationales le cœur gros, avec la forte conviction que certains présidents africains sont en partie responsables de la mort de l’ancien guide libyen.