Réflexions sur « l’Affaire Aida Diallo » : une femme, Guide religieux ?(Par Docteure Aoua Bocar LY-Tal).

À présent que les passions se sont un tant soit peu calmées et que la poussière est en train de
retomber, essayons de parler sereinement de « l’Affaire Aïda Diallo ».
Je ne veux point traiter de l’Affaire elle-même, car, je ne connais pas ses tenants et
aboutissements. Je veux plutôt qu’on analyse les réactions qu’elle a suscitées au Sénégal, dans
ses diasporas et même de non sénégalais-e-s. Allant de propos sarcastiques aux insultes en
passant par les menaces, la violence verbale qui s’abattit sur cette Dame fut inouïe. Comme
certain-e-s l’ont craint, elle aurait même pu subir une violence physique, si elle avait persisté.
Mais, de quoi le monde s’est-il tant indigné? À mon humble compréhension, l’indignation vient
du fait qu’une femme veuille être Guide religieux. D’aucuns prétendaient que l’on avait jamais
vu ça. Mais, est-ce vraiment vrai qu’on avait jamais vu, entendu et/ou lu qu’une femme ait été un
guide religieux? L’Histoire religieuse en général (Bouddhisme, Christianisme, Judaïsme) et
islamique en particulier, nous dit le contraire.
La première personne à croire et à répondre à l’appel du Prophète Mohammed Sala lahou aleyyi
wa Salam (PSL) ne fut-elle pas une femme ? C’est en effet Sayda Khadija (radhia Allâhou
anhounna ou r.a.) qui calma sa peur face à l’impressionnante lumière divine de la Révélation,
c’est elle qui le conseilla, qui le protégea contre les ennemis et mit à sa disposition sa fortune
pour l’accomplissement de sa mission. Bref, Sayda Khadija que le Prophète vénéra toute sa
vie et parla d’elle jusqu’à la fin de jours a été la Guide des Guides.
De même, quand le Prophète (PSL) apparut à Cheikh A. TIDJANI à Bousenghoum (Algérie)
que j’ai le privilège de visiter en plein jour à travers une immense lumière qui s’étendait
jusqu’au ciel et qu’il en fut terrifié, n’est pas auprès de sa tante maternelle, Jourkhoum qu’il
se réfugiea. Elle le couvrit d’un pagne, le réconforta et lui offrit un pain. Il révélera plus tard que
c’est une Sainte. Aussi, le Cheikh (Que Dieu l’Agrée) consultait souvent Lalla Mannana, la
Sainte de Larache (Maroc) et lui envoyait certains de ses compagnons chercher auprès d’elle
l’éclairage sur certaines situations. Ses réponses étaient toujours pertinentes et véridiques.
Qui Cheikh Omar Al Foutiyou TALL chantait-elle les louanges du Fouta à la Mecque en passant
par Hamdallahi, si ce n’est Sokhna Adama Aïssé, sa mère? Pourquoi vénère t-on Mame Diarra
BOUSSO, le mère du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba BA? À quel titre vénère t-on Lalla Zohra,
la mère l’Émir Abd Él Kader, le savant et mystique Algérien? Ces mères et tant d’autres sont
vénérées parce qu’elles furent les Guides de nos Guides religieux. On devrait donc reconnaître
que « Telle mère, tel Fils! » Loin de là, on dénigre les femmes sans retenue et sans considération de
leurs apports d’hier et d’aujourd’hui au rayonnement de l’Islam.
Mieux encore, au-delà d’être mères ou/et épouses de ces hommes, guides religieux, l’Islam a
compté un grand nombre de femmes savantes. Car, s’il y a eu des Sahaba ou Compagnons du
Prophète (PSL) il eut également des Sahabiyat ou Compagnes d’armes de Mohammad (PSL)
dans l’œuvre d’expansion et de rayonnement de la religion islamique. Comme le démontre le Dr.
Muhammad Zubayr Siddiqi dans « Women Scholars of Hadith, 2003 » :
«Depuis les premiers temps de l’islam, les femmes ont pris une part importante dans la
préservation et la culture du hadith, et cette charge perdura à travers les siècles. (Et,)
l’islam produisit un grand nombre d’éminentes femmes savantes. … Les noms de Hafsa,
Umm Habiba, Maymuna, Umm Salama et A’isha, (r.a.), sont familiers à tout étudiant des

sciences du hadith comme étant parmi les premiers et les plus distingués des
transmetteurs. A’isha (r.â.) (la plus épouse jeune du Prophète [PSL]) en particulier, est
l’une des figures les plus importantes de toute l’histoire de la littérature des ahâdîth- non
seulement en tant que l’une des premières à rapporter le plus grand nombre de ahâdîth,
mais également comme l’une des interprètes les plus attentives.»
À côté d’Aicha la plus grandes des Tradionnalistes à savoir les savant-e-s qui s’occupent de la
transmission et de l’enseignement des Hadiths, il y eut bien d’autres femmes qui enseignaient
l’Islam du vivant du Prophète (PSL) et longtemps après sa disparition. Certaines possédaient et
délivraient même des Izajas à savoir une Certification de fin d’études et/ou une autorisation
d’enseigner dans l’une des disciplines des sciences de l’Islam. De nombreux savants reçurent
leurs Izajas des mains des femmes. Ce fut le cas du grand voyageur Ibn Battuta r.a. qui étudia
les traditions durant son séjour à Damas en la compagnie d’Ajiba bint Abu Bakr. De même
que Ibn Arabi, le père du Soufisme qui avait une Guide spirituelle en la personne de Fatima
bint Muthanna Il en fut de même d’Ibn Asakir r.a., le célèbre historien de Damas, qui dit
avoir étudié auprès de 1200 hommes et de 80 femmes et obtint l’ijaza des mains de Zaynab
bint Abd al-Rahman r.a. pour le Muwatta de l’Imam Malik.
En Afrique Subsaharienne, tel que le rappelait Ibnou Malick dans son post sur Facebook, on a
connu Fadima Madina, fille de Cheikh Omar TALL désignée MOKHADEM par son père, le
Khalife des khalifes en Afrique de l’Ouest. Elle récitait chaque nuit 1000 Jawharatoul kamal.
Nous pouvons également citer Asma’ou, la fille d’Ousmane Dan Fodio, une poétesse
islamique, une enseignante d’hommes et de femmes. C’est dire que des femmes éruditEs en
Islam, des Guides d’une façon ou d’une autre ont réellement existé et déterminé la survie de cette
religion dont certains hommes se targuent aujourd’hui d’être les UNIQUES Dépositaires.
Cependant, à ma connaissance, Sokhna Aïda Diallo n’a prétendu ni au rôle d’Imam et encore
moins de Khalife, mais simplement à celui d’une Guide d’un Mouvement qu’on peut contester ou
pas. Si son défunt mari a pu le faire, pourquoi elle, Sokhna Aïda, ne peut-elle pas le faire? N’en
a-t-elle pas l’intelligence et la personnalité? Elle a prouvé que SI. Entendons nous bien, on ne
parle pas ici d’érudition religieuse, mais de la capacité d’organiser et de diriger des hommes et
des femmes uni-e-s par une conviction commune, qu’on peut partager du reste ou pas. Mais, ce
qu’on a accepté de la part de son mari, beaucoup de gens ne peuvent tolérer le 10 e de sa
part, parce que c’est une femme. Et, ce faisant, on doit la rappeler à l’ordre, la tasser et même
la casser. Ce qui n’on n’avait point fait à l’égard de son prédécesseur et mari. Pourtant beaucoup
s’indignaient de ses certaines façons de faire.
L’une des leçons que nous tirons de « l’Affaire Aida DIALLO », c’est que la guidance religieuse
est un pouvoir que les hommes tiennent à garder jalousement; ce, dans toutes les religions,
Islam compris. Sokhna Aida DIALLO a tenté un tant soit peu de sortir de ces chantiers battus
depuis le lendemain de la disparition du Prophète des prophètes, Mohammad (PSL), tout comme
Sayda Aicha (r.a), elle a subi une avalanche de violences (sarcasmes, dénigrements, insultes et
menaces). Es-ce juste ?
N’est-ce pas le temps de suivre le modèle du Prophète (PSL) en matière de respect de la
femme. Réfléchirons y pour la réhabilitation de l’Islam et le mieux-être de ses Communautés.
Cordialement,

D octeure Aoua Bocar LY-Tall,
Sociologue et chercheure en sciences sociales dont en études islamiques
Contact : [email protected]

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