Projet de loi de finances pour l’année 2020 : Macky Sall instaure deux grandes réformes

Le Président Macky Sall a procédé à d’importantes réformes dans la gestion du budget. En plus d’instaurer un budget programme, le projet de loi de finances pour l’année 2020, adopté hier en conseil des ministres met fin au monopole du ministre des Finances, jusque-là ordonnateur unique du budget de l’État en recettes et en dépenses. À partir du 1er janvier 2020, chaque ministre sectoriel ou président d’institution va devenir l’ordonnateur principal des crédits de son département ou de sa structure.

D’importantes réformes ont été opérées dans le projet de loi de finances pour l’année  2020 adopté hier en conseil des ministres. en effet, le Sénégal s’apprête à vivre un moment crucial, celui d’un changement total de paradigme dans la gestion de ses finances publiques, qui se décline principalement au travers de deux réformes : la budgétisation en programmes et la déconcentration de l’ordonnancement. le projet de loi de finances (Plp) pour l’année 2020 est le marqueur de cette révolution. car, comme cela a pu être dit dans d’autres pays, il s’agit moins de la réforme du budget de l’État que de la réforme de l’État par le budget. Pour en comprendre la portée, il convient de se rappeler qu’en termes de présentation, jusqu’à la seconde loi de finances rectificative de 2019, les ressources publiques sont affectées à des services ayant, en principe, au moins le statut de Direction (pour le budget de fonctionnement) ainsi qu’à des projets (pour le budget d’investissement). le réceptacle de cette affectation est représenté, service par service, projet par projet, par le chapitre budgétaire. ici, domine la logique de moyens, qu’on répartit entre des structures et des projets.

Or, dans le budget-programme, les crédits sont regroupés autour d’un dénominateur commun qui est la politique publique, abstraction faite des services qui l’exécutent. concrètement, il s’agit d’abord de commencer par identifier une politique que doit mener l’État (exemples : la promotion et la valorisation des industries culturelles et créatives ; l’accès à l’eau potable ; l’éducation de base des jeunes et des adultes ; l’éducation surveillée et la protection judiciaire du mineur). c’est cette politique publique qui représente le programme budgétaire ; ensuite, d’évaluer tous les moyens qui sont nécessaires à la bonne exécution de la politique publique, quelle que soit leur nature économique (dépenses de personnel, de fonctionnement, d’investissement ou de transferts) et enfin, de structurer ces moyens, c’est-à-dire ces crédits budgétaires, autour de grandes actions à mener par les services chargés de mettre en œuvre la politique publique, lesdites actions étant elles-mêmes détaillées en activités, chaque activité faisant l’objet d’un chiffrage très précis en termes de coûts. en d’autres termes, lorsqu’on agrège les coûts des activités, on reconstitue celui des actions, et si l’on fait le cumul du montant des actions, on retombe sur l’enveloppe budgétaire qui est allouée au programme. le premier intérêt, et il est aisé de s’en rendre compte, c’est que le budget-programme améliore la lisibilité de l’action de l’État : le citoyen perçoit mieux à quoi servent les crédits budgétaires, il sait à quelles fins est dépensé l’argent public (son argent). Mais le second intérêt c’est que le budget-programme ne se contente pas de modifier le mode de présentation des crédits : il change aussi la manière de les utiliser. en effet, à chaque programme doivent être associés des objectifs précis, arrêtés en fonction de finalités d’intérêt général ainsi que des résultats attendus. ces résultats sont mesurés par des indicateurs vérifiables de manière objective et font l’objet d’évaluations régulières. on reconnaît là, la logique de performance qui se trouve au cœur de la gestion axée sur les résultats : c’est exactement le paradigme qui sous-tend le présent projet de loi de finances.

Le Sénégal va basculer du budget de moyens au budget de résultats

À partir du 1er janvier 2020, le Sénégal va donc basculer du budget de moyens au budget de résultats. Mais le projet de loi de finances 2020 ne constitue pas seulement le point de départ d’une nouvelle ère dans la gestion des finances publiques, il constitue également l’acte final, le point culminant, du processus de rationalisation de la dépense publique. D’un point de vue pratique, on peut retenir que le budget de chaque ministère est désormais présenté sous forme de programmes, dont le nombre varie entre deux et neuf. Un programme dit « support » (dénommé « pilotage, gestion et coordination administrative » pour tous les ministères), regroupe les crédits affectés aux services transversaux ou d’appui. a côté de ce programme support, figurent des programmes dits « métiers » dont le nombre (entre un et cinq), la dénomination et le montant des crédits dépendent, évidemment, du périmètre de compétences du ministère. a cela, s’ajoutent les programmes des comptes spéciaux du trésor (cst) dont le nombre global est de sept et concerne juste quelques départements (Présidence (1), Forces armées (1), intérieur (1), économie maritime (1) et Finances et Budget (3). chaque programme est piloté par un responsable, nommé par décret sur proposition du ministre concerné. le responsable de Programme est chargé, sur le plan opérationnel, de gérer le programme : élaboration des plans de travail, répartition des moyens entre les services techniques chargés de la mise en œuvre du programme, suivi des indicateurs de performance, animation du dialogue de gestion, pilotage des dispositifs de contrôle interne et de contrôle de gestion.

Des responsables programme nommés par décret

C’est en cela que le budget-programme favorise le décloisonnement et encourage la transversalité car il est fréquent que la mise en œuvre d’une politique publique soit partagée entre différents services, qui seront ainsi obligés de coopérer s’ils veulent solidairement atteindre les objectifs de performance. le responsable de Programme a pour feuille de route un projet annuel de performance (Pap) et il rend compte de sa gestion, en fin d’exercice budgétaire, dans un rapport annuel de performance (rap). l’assemblée nationale dispose de ces Pap et de ces rap, qui seront également mis à la disposition des citoyens sur le site internet du ministère des finances et du budget. le budget de chaque département va désormais être voté programme par programme, afin de permettre aux députés de mieux mesurer la destination concrète des crédits qu’ils allouent aux ministères. en 2021, à la même période, au moment où ils seront invités à se prononcer sur le projet de loi de finances 2022, les rap de la gestion écoulée (2020) les renseigneront sur l’atteinte ou non des objectifs de performance qui avaient été fixés et qui avaient justifié l’allocation des ressources de ladite gestion. la cour des comptes, en sus des contrôles de régularité qu’elle met habituellement en œuvre, est expressément chargée de contrôler les résultats des programmes ainsi que d’évaluer leur efficacité, leur économie et leur efficience. a ce titre, elle émet un avis sur les rap. on voit donc comment les budgets-programmes s’efforcent de substituer à l’application mécanique des procédures qui constituait jusqu’ici l’alpha et l’oméga du fonctionnaire Sénégalais pétri dans le modèle bureaucratique, une nouvelle culture de la performance et d’amélioration continue de la qualité du service rendu aux usagers et aux citoyens et de la responsabilisation des gestionnaires publics.

Le ministère des Finances perd le monopole de l’ordonnancement

C’est la deuxième grande réforme qui va être effective à compter du 1er janvier 2020 : le ministre chargé des finances, jusque-là ordonnateur unique du budget de l’État en recettes et en dépenses, va perdre ce monopole. chaque ministre sectoriel ou président d’institution va devenir l’ordonnateur principal des crédits de son département ou de sa structure. le ministre chargé des finances va demeurer l’ordonnateur des dépenses de son propre département, des charges communes et des charges financières de la dette publique ainsi que celui des recettes budgétaires, des opérations de trésorerie et des comptes spéciaux du trésor. cette redistribution des cartes est appelée « déconcentration de l’ordonnancement ». au-delà de la terminologie, faire des ministres et présidents d’institutions des ordonnateurs autonomes entraîne un certain nombre de changements très concrets dans la gestion des finances publiques. Jusqu’ici l’initiative de la dépense budgétaire est laissée aux ministres sectoriels en leur qualité d’administrateurs de crédits. Mais en réalité, la phase administrative de la dépense demeurait de la responsabilité de l’ordonnateur, l’administrateur de crédits ne faisant que des propositions, lesquelles ne produisant d’effet juridique qu’après validation par l’ordonnateur. la déconcentration ou transfert de l’ordonnancement, en clarifiant l’imputabilité de la dépense publique, est donc la conséquence logique de la budgétisation par programmes. ces deux réformes sont les deux branches d’une même paire de ciseaux, le binôme paradigmatique visant à insuffler un nouveau souffle, une nouvelle méthode ainsi qu’une nouvelle philosophie dans la gestion des finances publiques. elles ne sont pas les seules réformes de finances publiques qui vont entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2020 puisque figurent aussi à l’agenda lla restructuration du réseau des postes comptables du trésor, afin de l’adapter à la démultiplication du nombre d’ordonnateurs ; la mise en production d’un nouveau système intégré de gestion de l’information financière, qui va se substituer, en les fédérant, aux applications utilisées pour les opérations budgétaires (le siGFiP) et pour les opérations comptables (aster) ; la mise en place d’une comptabilité patrimoniale de l’État qui va rapprocher les comptes de l’État de celle d’une entreprise puisqu’elle obéit pour l’essentiel aux mêmes principes et règles que le SYSCOHADA, avec notamment un bilan d’ouverture recensant l’ensemble du patrimoine public (l’actif mais aussi le passif) recensé au Sénégal et à l’étranger, mise en œuvre d’une nouvelle catégorie de crédits : les autorisations d’engagement, qui vont permettre d’améliorer la soutenabilité budgétaire des dépenses publiques et la gestion des engagements notamment pluriannuels – de l’état et la certification des comptes de l’État par la cour des comptes.

Les chiffres clés du budget 2020

Le projet de loi est arrêté est arrêté, à 3 258,45 milliards FcFa en recettes et 3 708,95 milliards de FcFa en dépenses, soit un déficit budgétaire de 450,5 milliards FcFa, correspondant à 3% de déficit. comparé à la lFr1 qui est arrêtée en recettes à 2 964,79 milliards FcFa et en dépenses (hors amortissement de la dette)à 3 398,65 milliards de FcFa pour la lFr1, le présent projet de loi connait une hausse respective de 293,66 milliards de FcFa (9,9%) et 310,33 milliards de FcFa (9,1%) en valeur absolue. ces montants se répartissent entre le budget général et les comptes spéciaux du trésor. le budget général pour l’année 2020 s’élève à 3 122,55 milliards FcFa en recettes et à 3 573 milliards de FcFa en dépenses. les comptes spéciaux du trésor (cst) sont projetés, comme dans la lFr1 2019, en ressources et en charges à 135,95 milliards de FcFa.

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