MES EXCUSES ÉMINENCE… JE SUIS CATHOLIQUE MAIS JE NE PRIERAI PAS POUR LE MAIRE DE DAKAR

Un vieux dicton français nous dit qu’il faut hurler avec les loups, si l’on veut courir avec eux. Cependant, le Larousse nous explique qu’hurler avec les loups, c’est être cruel ou injuste pour ne pas déplaire à d’autres personnes…

J’ai été l’autre jour choqué en écoutant cette personnalité religieuse musulmane s’exclamer sur le perron de Reubeuss : « je viens de rendre visite à un ami dans l’épreuve. Que Dieu exauce les Prières pour qu’il retrouve les siens ». Je m’étais surpris entrain de me dire, que dire de cette immixtion du Spirituel sur le Droit ? Reubeuss la MAC, avec ses milliers de détenus en préventive principalement, ne méritait-elle pas une prière collective, en lieu et place d’une pensée religieuse dédiée uniquement à l’ami, le bienfaiteur, celui qui confondait sa caisse d’avance, l’argent du contribuable, à des fonds politiques ?

Notre pays étant encore si fragile parce que jeune, le catholique que je suis, allait peut-être ouvrir la boîte confessionnelle de Pandore si je m’aventurais à commenter les propos du marabout. Je me suis donc tu.

Que dire aujourd’hui quand je lis son Éminence convoquer pour cette affaire de droit commun, somme toute régulière en démocratie, « le Dieu de Justice et de Bonté, Maître de nos vies et de l’Histoire », pour nous demander de prier pour le Maire de Dakar, aujourd’hui incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction de Reubeuss.

Nous connaissons tous les chefs d’accusation qui maintiennent en détention Monsieur le maire. Il s’agit de « Détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des derniers publics, complicité de faux en écriture de commerce, faux et usage de faux en écriture publique et blanchiment ». Il devra batailler ferme pour s’en sortir car la Loi est dure mais elle est la Loi.

Éminence, je vous suis si proche par le cœur et par l’Esprit, pour tout ce que vous avez fait pour l’essor de l’Eglise. Mais pour le citoyen-maire de la capitale, je ne brûlerai pas le Sénégal. Je ne vous suivrai donc pas dans la démarche spirituelle à laquelle vous nous conviez, nous qui vous sommes proches. Je ne ferai pas des prières quotidiennes pour Khalifa Ababacar Sall, même si j’avais apprécié en son temps l’importante donation qu’il avait faite à l’Eglise lors de l’acquisition  de l’orgue symphonique qui accompagne la liturgie, dans cette Cathédrale qui nous est si chère. Oui Khalifa a beaucoup aidé l’Eglise, mais il ne faut pas l’oublier, avec des fonds publics. Quoi de plus normal car il en a fait autant ou davantage pour tous les autres cultes. C’est d’ailleurs là une de ses responsabilités en tant que premier magistrat de la ville de Dakar doté de ce budget que l’on connaît désormais, avec une rubrique bien spécifique dénommée « Subventions aux lieux de culte ».

Éminence, vous avez dit « Dieu de Justice ». Oui parce que la Justice est morale. Elle est donc un sentiment. Cependant la Justice et le Droit, deux concepts si proches, sont en réalité bien différents. Le Droit est « écrit » et « normé » et c’est en cela qu’il est « positif ». Il dérive de la Constitution, cette charte fondamentale qui exprime notre commun vouloir de vie commune dans cet espace de vie déterminé qui s’appelle le Sénégal.

Laissons donc la Loi s’exprimer dans ce cas-ci comme dans d’autres qui rythment le vécu du citoyen, car c’est à travers elle et à travers elle seulement que s’exprime la plénitude de l’ordre juridique dans la société.

Dominique Ndiaye

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