“Mbaraane, endettement, tontines…” : Le prix à payer des jeunes filles pour acquérir les fameux cheveux naturels

cheveux naturelsSe faire belle, une obsession pour la gente féminine sénégalaise. Et une belle tenue allant toujours avec une coiffure spéciale, beaucoup de jeunes filles dépensent, de nos jours, sans compter, quand il s’agit d’acheter des cheveux naturels. Mais à quel prix ? Voilà une question qui garde tout son pesant d’or. Dans le cadre de sa série de reportages sociétaux, Actusen.com a donné la parole aux uns et aux autres. Des commerçants aux clients, les commentaires vont bon train. Et tout y est : du «mbaraane» à l’endettement, les jeunes nymphes de Dakar sont prêtes à toutes les folies, pour se taper des cheveux naturels. Reportage !

Il est 10h30 minutes. Nous sommes au rond-point Sandaga. Le soleil tape fort dans la nature, le bruit des véhicules est mêlé au bavardage des marchands ambulants par-ci et par-là. Le lieu est bondé de monde, nous nous faufilons donc entre les passants à la recherche d’une personne, afin d’aborder avec elle l’utilisation des cheveux naturels par les jeunes filles. En effet, depuis un certain temps, les nymphes de Dakar rivalisent d’ardeur, quand il s’agit de paraître belles, avec surtout une belle coiffure.

“J’ai deux cheveux naturels de longueurs différentes ; j’ai soutiré leurs prix d’achat de mes copains”

A cet effet, certaines filles dakaroises ne lésinent pas sur les stratégies, pour se doter des cheveux naturels. Et si certaines s’endettent pour obtenir ces cheveux, d’autres s’amourachent pour arriver à leurs fins. Pour cette demoiselle rencontrée, il n’y a pas de mal à ce que son ou ses petits cœurs le lui offrent. Mais à quel prix? «Les cheveux naturels, c’est trop cher, mais «yalla bakhna» (Dieu est grand). Les miens je les ai  achetés à 150 000 fr. Pour me faire belle, ça en vaut la peine. Personnellement, j’en ai deux de longueurs différentes », nous confie-t-elle. Et pour être franche, poursuit-elle, «ce sont les sommes que je soutirais de mes copains, je l’avoue, honnêtement».

Confession de cette fille : «je ne sors pas avec un homme qui ne met pas la main à la poche»

La jeune dame au teint clair, rencontrée à l’allée  de la pharmacie Guiguon, déambule dans un jean bleu très serré qui laisse apparaître toutes ses rondeurs. Jean assorti d’un crop-top rose, elle souligne que jamais, elle ne fréquente des hommes qui ne mettent par la main à la poche. «Je ne sors pas avec un homme qui ne satisfait pas mes besoins ; souvent, nous avons des copains qui sont prêts à tout faire pour nous, surtout les vieux. Il faut, donc, en profiter, car ses vieux ne comprennent souvent rien de rien», se justifie-t-elle, toujours se gardant de s’exprimer dans l’anonymat.

Contrairement à elle, cette ancienne étudiante interrogée, dit préférer prendre à crédit ses cheveux puis les payer par tranche avec sa bourse. Croisée au “rouk disket“ coin des jeunes filles à Sandaga, Amina Ka est en train de marchander un pantalon avec un vendeur.

Habillée  en robe blanche avec des rayures vertes, elle indique, «c’est avec ma bouse que j’ai payé mes cheveux naturels ; à l’époque, j’étais encore étudiante, ma voisine, qui venait de France, les vendait à 80 000 francs le paquet et j’en avais pris deux à 160 000fr». Elle signale que plus tard, elle a pu payer le reste avec sa bourse, «Chaque mois, je versais 20 000fr mais, au bout de quatre mois lorsque j’ai reçu mon rappel sur ma bourse, j’ai payé tout le reste» déclare t- elle, toute fière.

Mamy Faye : «les cheveux naturels, je les aime, mais je les ai achetés avec mes propres moyens”

S’il y en a qui réunissent toutes leurs économies pour se procurer des cheveux naturels, certaines les achètent sans problèmes avec leurs propre moyens. Pour Mamy Faye ce n’est pas une question de luxe, mais il faut s’en acheter si on a les moyens ou si on en a envie. Elle comprend mal qu’une personne décide de vivre au dessus de ses moyens.

«Les cheveux naturels, je les aime, mais je les ai achetés avec mes propres moyens. On ne peut pas persister à acheter quelque chose au dessus de ses moyens. Pour ma part, je ne suis pas allée chercher ça n’ importe où, ou à n’importe quel prix», lance t-elle. Avant de faire une précision : «j’ai travaillé pour m’acheter des cheveux naturels et cela m’a fait plaisir.  Je n’ai pris le temps de m’en procurer quand je n’en ai pas eu les moyens», nous dit  Mamy, accompagnée de ses deux copines.

Habillée d’un body blanc, le visage dégagé en queue de cheval avec de longs cheveux naturels, elle ajoute, «pour moi, acheter les cheveux naturels ce n’est pas du gâchis. Car on peut les garder aussi longtemps que l’on veut. Ils sont plus garantis que les mèches synthétiques. Avec le même paquet de cheveux naturels, on peut mettre plusieurs coiffures différentes et c’est plus économique».

Créer des tontines pour s’acheter des cheveux naturels

Les méthodes ne manquent pas chez les filles pour obtenir, coûte que coûte, les cheveux naturels. Pour avoir ce produit bien précieux aux yeux des jeunes filles, certaines n’hésitent pas à créer des tontines. Aux parcelles assainies, des filles se cotisent chaque fin du mois et à tour de rôle, chacune pourra se procurer ces fameux cheveux naturels. Anna Basse, la trentaine, s’apprête à sortir, certainement pour des courses. Trouvée dans la boutique de la maison ou elle habite, elle fait l’appoint de monnaie, avant de pouvoir prendre  son bus. La jeune dame au teint marron affirme que, «dans ce quartier, il y a une tontine pour les cheveux naturels. Chaque fin du mois, des femme cotisent chacune 20 000 fr, la somme servira à acheter les cheveux naturels à celle dont le nom sortira par tirage au sort».

Elève au Lycée de Kennedy, elle confie : «ce n’est pas pour des cheveux naturels que je vais faire du n’importe quoi»

Au boulevard du lycée John Kenedy l’ambiance est tout autre. Les lycéennes se dirigent vers les vendeurs de goutté. Elles semblent être beaucoup plus préoccupées à manger qu’à discuter. Interpellées, certaines d’entre elles préfèrent ne pas donner leur grain de sel dans le débat sur les cheveux naturels. Avant que deux parmi elles acceptent quand même de se prêter à nos questions. «Des cheveux naturels, j’en ai. Mais c’est ma  mère qui me les a  offerts. Si elle n’avait pas les moyens de me les payer, j’aurais  mis des synthétiques. Ce n’est pas pour des cheveux naturels qui je vais faire du n’importe quoi,  c’est à l’encontre de mes principes», dit l’une d’elles, d’un ton ferme.  

Sortir avec un commerçant vendeur de cheveux naturels, la ruse facile de cette jeune fille

Flirter avec les commerçants de conteneurs pour avoir des cheveux naturels est inévitable pour des filles qui veulent ressembler à des stars. Seuls des copains immigrés feront l’affaire. Dans les rues de Dakar, une élève attend que la circulation soit au ralenti pour traverser la route. Portant l’uniforme de son école, mais très fashion, elle nous informe qu’elle est en classe de première. Ses propos qui vont suivre, elle les assume tout haut.

«Être élève ne veut pas dire qu’on ne doit pas prendre soin de soi, c’est bien des cheveux naturels que j’ai mis, comme vous le voyez», revendique-t-elle. Tout en nous montrant du doigt sa coiffure. Hésitante, elle poursuit : «c’est mon copain qui est à l’extérieur, qui ramène des conteneurs de cheveux naturels et d’autres produits de beauté. J’en profite au maximum».

Plus loin, nous nous retrouvons  nez à nez avec deux jeunes filles. Elèves en classe de Terminale S, elles ne présentent aucune marque de dépigmentation, mais des cheveux naturels, elles se sont coiffées jusqu’à une certaine longueur. Yacine, vêtue d’une chemise longue, couleur vert-menthe, est une habituée des coiffures aux cheveux naturels. «J’ai des sœurs qui me les envoient depuis l’extérieur, je sais, en tout cas, que ça vaut une fortune», se contente t-elle de dire.

Seynabou Gakou : “des filles qui sont prêtes à tout pour obtenir des cheveux naturels, j’en connais”

Pour sa copine Seynabou Gakou qui est en tenue de sport, elle en connait des filles qui sont prêtes à tout pour obtenir des cheveux naturels. La noirceur d’ébène souligne que «les cheveux naturels, c’est la tendance, toute les filles rêvent d’avoir les cheveux naturels ; et pour cela, elles sont prêtes à tout pour arriver à leurs fins. C’est des filles qui viennent à l’école rien que pour se montrer et pour se vanter. Alors que, nous savons que  c’est les petits amis de gauche à droite qui leur donnent des sous, se sont les “mbaranes“ et même si elles ne l’admettent pas c’est de la prostitution déguisée», admet-elle.

De l’autre coté du Lycée Kennedy, dans la cour C, c’est l’ambiance de la grande pause. Les filles se taquinent entre elles. Ndeye Ami Gningue, une voilée, est en classe de Terminale. Elle prend tranquillement son petit-déjeuner. Pour elle, «pour se procurer des cheveux naturels, certaines vont jusqu’à s’endetter ou encore emprunter chez les camarades. Elles s’en fichent des problèmes que ça peut causer. Que ce soit au plan sanitaire ou autre, ça leur est égal».

Des jeunes filles qui se crêpent le chignon sur «facebook» à cause de cheveux naturels

Et comme pour confirmer les dires de Ndèye Amy Gningue, l’on retrouve dans le lot des ces jeunes filles en quête de cheveux naturels, celles qui usent de toutes les stratégies, rien que pour en avoir. Sur le réseau social Facebook par exemple, deux filles en sont arrivées à se crêper le chignon pour le produit. Chacune, désignant l’autre comme la voleuse, pendant des jours durant, elles se sont échangé tout genre de propos. Allant même chacune jusqu’à vouloir porter plainte contre l’autre. Pour que le nom de sa femme ne soit pas traînée dans la boue, l’époux de l’une des deux filles a dû casquer fort pour que l’histoire ne soit pas révélée à la Police.

Selon plusieurs témoignages, il est fréquent que des jeunes filles soient traînées devant la Police, par la faute des cheveux naturels. “Soit pour ne pas avoir honoré leur engagement, soit pour un vol de cheveux naturels dans des lieux publics”, confie-ton à Actusen.com. Des histoires qui sont aussi traitées parfois dans les Tribunaux de Dakar. D’où la question à savoir jusqu’où ira la folie de ces filles ?

Anna Alberta MENDEZ, stagiaire (Actusen.com)

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