C’est une visite sur fonds de polémique qui risque de faire jaser longtemps l’opinion africaine. Initialement annoncée à Bamako au Mali, c’est au Tchad que Marine Le Pen a choisi d’effectuer une visite de deux jours, les 21 et 22 mars. En pleine campagne électorale pour la présidentielle française d’avril-mai prochain, et quelques heures seulement après avoir pris part au premier débat télévisé entre les principaux favoris, la candidate du Front national a embarqué à bord d’un avion privé à destination de N’Djamena où elle a atterrit ce mardi en milieu de journée.
La présidente du Front national devrait visiter l’Etat-major de l’opération française Barkhane basée dans la capitale tchadienne avant de mettre le cap pour Amdjarass, localité située à 900 kilomètres de là, afin de rencontrer également les militaires engagés sur le terrain contre les jihadistes qui sévissent au Sahel. Jusque-là rien de surprenant puisqu’il y a quelques mois, le candidat des Républicains, François Fillon avait également conduit une visite similaire à Niamey et à Bamako pour s’entretenir avec les soldats français en mission à l’extérieur. Du reste et afin de lever toute équivoque, des sources proches du cabinet du ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, avaient souligné à plusieurs médias que « tous les candidats qui en font la demande peuvent se rendre sur les théâtres d’opérations ».
Cependant, si la visite du candidat Fillon s’est limitée à la rencontre de militaires français, Marine Le Pen, n’entend point se limiter à ce qui pourrait être considéré comme une « affaire franco-française ».
Déby et Cie au menu
Selon le programme publié par le staff de la candidate du FN, Marine Le Pen rencontrera aussi le président de la république tchadienne, Idriss Déby Itno, « avec lequel elle s’entretiendra sur la situation sensible de cette partie de l’Afrique ». Elle prononcera également une allocution dans laquelle elle entend décliner sa vision des relations franco-africaines à venir.
Autres activités au menu de l’agenda de Marine Le Pen, une réception par la première dame, Hinda Deby Itno, présidente de la fondation « Grand Cœur » avec qui elle visitera un hôpital pour enfants. Toujours au cour de son séjour en terre tchadienne, elle sera aussi reçue par le président de l’assemblée nationale tchadienne Haroun Kabadi et échangera par la même occasion avec les députés du pays, avant de boucler sa visite par une conférence de presse de fin de séjour dans la soirée du mercredi 22 mars.
Une visite presque officielle
C’est donc une visite à tout point de vue officielle que Marine Le Pen est en train de conduire au Tchad, ce qui ne manquera pas de soulever une polémique dans le pays et au-delà. La visite de la présidente du FN au Tchad n’est pas en effet du goût de tout le monde et si certains dans le pays l’ont qualifié de non-événement, l’opposition politique s’est déjà prononcée en défaveur de la venue de Marine Le Pen au Tchad.
Dans un communiqué au vitriol publié le 18 mars dernier, le principal parti de l’opposition qui conteste toujours la légitimité du président Déby, a fait part de sa désapprobation de cette visite.
« L’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) s’oppose catégoriquement à la visite annoncée de Mme Marine Le Pen, candidate de l’extrême droite raciste et xénophobe à l’élection présidentielle en France ».
Le parti de l’opposant Saleh Kebzabo a ainsi estimé que « le Tchad ne doit pas montrer une quelconque sympathie pour cette candidature sous le prétexte de visiter la force Barkhane et rencontrer les autorités tchadiennes ». Dans la même lancée, l’UNDR a d’ailleurs tenu à rappeler que « Mme Le Pen a été la première personnalité française à féliciter Idriss Déby après son coup d’État électoral » avant de s’interroger si à travers cette visite, la candidate du FN ne vient pas au Tchad « pour récolter la récompense de ce minable geste ? ».
Le ton est donc donné surtout que ce n’est pas la seule structure politique ou associative à s’aligner sur cette position de rejet alors qu’ailleurs sur le continent, le débat ne fait que s’enflammer.
Il est vrai qu’avec Déby, elle pourrait réitérer sa position anti-franc CFA qui lui a permis d’enregistrer une certaine audience au sein d’une certaine opinion africaine mais cela sera loin d’occulter l’antipathie que ses positions tranchées sur l’immigration suscitent sur le continent. Du reste pour l’ordre du jour de sa visite au Tchad, n’est-il pas aux antipodes de ses déclarations médiatiques sans cesse ressassées sur son engagement à mettre fin à la « Françafrique » et aux récurrentes ingérences de l’ancienne puissance coloniale sur le continent ?
Le discours qu’elle prononcera justement dans la capitale tchadienne sur sa politique africaine permettra peut-être à l’opinion africaine d’en savoir un peu plus sur celle qui croit, plus que jamais, à ses chances d’accéder à l’Elysée. Ce qui sera un des mérites de cette visite empreinte de propagande électoraliste.
Latribune.fr