Mame thierno Birahim Mbacké « le soufi de Darou Mouhty » par A.Aziz Mbacké (Majalis)

Mame Thierno Ibra Faty a depuis toujours symbolisé à nos yeux l’un des plus grands prodiges de Cheikh A. Bamba. Mais pas seulement à cause des raisons les plus couramment citées dans l’hagiographie mouride. Tels le fait qu’il soit son frère, qu’il fut confié au Cheikh dès son plus jeune âge, qu’il fut l’un des premiers qui ait cru en lui, qu’il ait passé avec lui toute sa vie, ait pris en charge sa famille en son absence avec un courage et une détermination extraordinaires etc.
Ce qui m’a, par contre, toujours le plus frappé chez Boroom Darou, c’est surtout sa remarquable CONSTANCE dans son engagement auprès de Serigne Touba, son sens inégalé de l’ORTHODOXIE islamique et sa SYMBIOSE inédite avec le Cheikh. Des qualités que tout disciple mouride doit s’évertuer, du mieux qu’il pourra, imiter pour prétendre être un jour compté parmi les Véridiques (murid sâdiq) dont le bras-droit de Cheikh A. Bamba est l’un des modèles les plus parfaits.
SA CONSTANCE
La constance de Mame Thierno est démontrée par le sens du sacrifice et de la sincérité auquel il n’a jamais failli durant plus du demi-siècle de compagnonnage avec son illustre grand-frère. Que ce soit au cours des dures épreuves de leur jeunesse, ou durant la dure traversée du désert de l’exil et de ses persécutions, ou lors des grandes crises et périodes de troubles à l’intérieur du Mouridisme etc. Mais la preuve la plus frappante, pour nous, de la fidélité de Mame Thierno à ses nobles principes est sa grande résilience et sa capacité à ne pas se laisser détourner de son objectif initial (qu’était l’Agrément Divin) aux moments les plus périlleux de l’opulence et de l’arrivée des bienfaits terrestres (à partir surtout de l’étape de Diourbel). Ainsi, sans jamais céder aux nombreuses tentations du statut de « cheikh » et autres sirènes de la richesse (auxquels beaucoup d’autres « cheikhs », pourtant, « aspiraient »), Boroom Darou sut excellemment persévérer dans la même démarche (pastéef) et les mêmes résolutions (pas-pas) prises depuis les origines, à Mbacké Cayor. A savoir, rechercher en toute chose et en tout lieu le seul objectif qui vaille la peine d’être recherché : l’Agrément et la Face Exclusive du Seigneur Tout-Puissant. Un puissant rappel pour nous, les mourides d’aujourd’hui, qui devrons apprendre de Mame Thierno à ne jamais nous laisser détourner de notre engagement initial et de notre affiliation à Serigne Touba. Aussi bien par les épreuves « négatives » (les maux et difficultés) que par les épreuves « positives » (les bienfaits et plaisirs) du monde d’ici-bas…
SON ORTHODOXIE
L’orthodoxie islamique de Mame Thierno, tout au long de sa vie, est autant étonnante. Ayant très tôt bénéficié du système d’éducation de Cheikh A. Bamba, plus qu’aucun autre (au moment privilégié où celui-ci se chargeait lui-même et directement de la formation de ses disciples), Boroom Darou s’est toujours attaché à la stricte observance de l’ensemble des règles du culte. Sans jamais y faillir, quel que soit le lieu ou le moment, de l’exacte manière dont il a toujours vu son maître et modèle le faire. Cette conformité légendaire à la mosquée, à la daara (instruction/éducation) et aux darous (société) nous semble être l’un des plus excellents modèles de conduite dont tous mes condisciples et moi-même devons plus que jamais nous inspirer pour nous rapprocher davantage de l’Archétype du véritable mouride…
SA SYMBIOSE AVEC SERIGNE TOUBA
La proximité extraordinaire et la symbiose que Mame Thierno entretenait avec Serigne Touba était assez rare, pour ne pas dire inédite. Un grand nombre de récits authentifiés démontrent cette relation privilégiée qui lui accordait même, détail assez significatif, le droit presque exclusif de s’opposer et de discuter avec le Cheikh sur les grandes décisions que celui-ci voulait prendre envers sa propre famille ou même la communauté mouride. Cette prérogative que le Cheikh (malgré toutes ses faveurs divines) lui avait accordée sur sa personne et sur ses propres affaires nous semble assimilable, en un sens, à la Shûra (consultation) prophétique, qui permettait dans certaines circonstances aux Compagnons-Disciples, comme Seydina Oumar, de contredire l’avis du Messager de Dieu. Ou même à l’adjonction de Haroûn comme Assistant-Prophète auprès de Moïse pour l’assister dans sa mission divine. Et ce n’est pas peu de dire que si Mame Thierno a pu obtenir ce grade inédit, ce n’est certainement pas et uniquement à cause de ses seules relations fraternelles avec le Cheikh et de leur histoire commune. Mais que c’est plus dû à ses qualités de sincérité, de constance dans l’engagement, d’orthodoxie envers les Ordres et Interdits de Dieu, de persévérance sans faille dans l’Adoration du Créateur (Ibâda) et le Service des créatures (Khidma), de perfectionnement spirituel, d’attachement aux qualités de véritable croyant (hanîf) etc. Des qualités auxquelles nous, les mourides du 21e siècle, devrons nous rappeler, en ce jour de son Magal, et nous attacher plus que jamais. Si nous voulons sincèrement nous rapprocher spirituellement de Serigne Touba et ne pas nous contenter de déclarations théoriques que contredisent quotidiennement nos actes…
Au vu de cette grande valeur de Mame Thierno Ibra Faty (dont le stade le plus élevé qu’il ait jamais revendiqué est celui de disciple), il ne nous semble nullement exagéré de soutenir qu’il constitue, à l’instar d’autres illustres grandes figures (comme Cheikh Ibrahima Fall, Mame Cheikh Anta, Serigne Ndame Abdourahmane, Serigne Mbacké Bousso etc.), non seulement un acteur de premier plan mais un « actionnaire » du Mouridisme. De l’exacte manière dont les musulmans de tous les temps demeureront à jamais redevables des Combattants de Badr. Ces disciples émérites de Serigne Touba pouvant être assimilés à des « investisseurs » dont les héritiers et « ayant-droits » ont aujourd’hui autant le droit que les autres descendants du Cheikh (qualifiés de « directs ») d’être honorés par tous les mourides et de jouer un rôle de premier plan dans la perpétuation du message et du « patrimoine » spirituel légué par Serigne Touba. Car nulle branche ou « succursale » du Mouridisme n’ayant historiquement le droit de réclamer la propriété exclusive ou privilégiée de tout ou partie dudit patrimoine indivis dont tous, es qualité d’ayant-droits spirituels, demeureront solidairement et indéfiniment responsables.
C’est cela, à notre sens, le véritable legs de Boroom Darou.

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