Mamadou Diop Decroix révèle: « Il est très probable qu’Ousmane Tanor Dieng se présente en 2019 »

Secrétaire général d’And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads), Coordonnateur du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr), regroupement de l’essentiel des partis politiques de l’opposition, Mamadou Diop alias Decroix, révèle dans le quotidien le soleil qu’Ousmane Tanor Dieng pourrait se présenter contre Macky Sall en 2019

Au moment où vous vous apprêtez à marcher, le parti du Président Macky Sall, l’Alliance pour la République, a entamé une tournée à l’intérieur du pays. Ne risquez-vous pas d’être en retard en direction de la présidentielle de 2019 ?
Je crois savoir que le Président de l’Apr est à la manœuvre pour recoller les morceaux de son appareil qui peine à redémarrer. La presse en a rendu compte. Les fractures sont béantes dans ce qui lui tient lieu de parti. S’il doit y avoir retard, il faut chercher du côté du pouvoir avec, d’ailleurs, un Ousmane Tanor Dieng qui risque bien de se présenter à la prochaine présidentielle.

Ah bon ? Croyez-vous réellement à une candidature d’Ousmane Tanor Dieng, si l’on sait qu’il fait partie des principaux alliés du Président Sall ?
Il est très probable qu’Ousmane Tanor Dieng se présente. Nous n’avons pas le temps de dégoupiller cela en analyse politique, mais c’est ce qui risque de se produire. Concernant l’opposition, tous les leaders que je connais sont sur le terrain. On se réunit, mais les gens sont sur le terrain. Pour nous, la question de la sécurisation du processus électoral est aussi importante que le travail de terrain. L’Apr ne peut, en aucun cas, être en avance sur nous. Elle a suffisamment de problèmes. Elle n’arrive pas encore à démarrer.

Est-ce que vous n’avez pas de problèmes vous aussi vu que l’opposition n’a pas vidé la question de la candidature unique ou plurielle ?
Le syndrome « Benno Siggil Sénégal » avec le duo Niasse-Tanor, nous n’en voulons pas. La question d’une candidature unique n’est même pas discutée au sein de l’opposition. C’est une question qui ne se pose pas chez nous. Nous ne posons pas la problématique d’une candidature unique. J’estime que l’existence de pôles dans l’opposition pour aller aux élections est une excellente chose. Chaque pôle faisant le plein de ses voix. Ici, c’est ce qui compte, contrairement aux élections législatives où c’est la liste majoritaire qui a pu permettre à la coalition « Benno Bokk Yakaar » de prendre les sept députés de Dakar avec seulement 34 % des voix. A la différence de ce mode de scrutin, la présidentielle est à deux tours. Pour passer au premier tour, le candidat doit avoir au minimum 50% des suffrages plus une voix.

A l’Apr, on fait une projection de 60%…
L’Apr a perdu 16 points entre 2012 et maintenant. En 2012, elle avait 65%. Aux dernières législatives, elle a eu 49% dans les conditions que nous savons… Il y a une baisse tendancielle des parts de marché de la coalition au pouvoir dans l’électorat sénégalais. Et cette baisse ne s’arrêtera pas. J’ai entendu des tenants du pouvoir promettre la victoire dès le premier tour à leur candidat, c’est de la rodomontade. Ils devraient plutôt implorer le ciel pour avoir leur candidat au second tour.

Votre parti a-t-il déjà un candidat ?
Nous n’avons pas encore désigné un candidat. Nos instances doivent se réunir pour en discuter. Je vous dis que notre priorité, aujourd’hui, est d’avoir un processus électoral fiable parce que s’il ne l’est pas, même si nous avons un seul candidat, toute l’opposition réunie, Macky Sall nous battra à plate couture, car l’élection ne sera pas régulière.

Vous ne parlez pas le même langage avec les autres. Des voix de l’opposition ont déjà annoncé des candidatures…
Vous êtes en train de confirmer ce que je vous ai dit. J’ai dit que nous ne cherchons pas de candidat unique. Peut-être que ces voix là ont déjà choisi leurs candidats. Je vous dis que nous ne sommes pas pour la candidature unique. Nous mettons l’accent sur un processus électoral fiable. A partir de ce moment, quelqu’un d’entre-nous sortira.

Vous étiez en alliance avec le Parti démocratique sénégalais aux dernières législatives. Cette alliance sera-t-elle maintenue ?
Nous sommes encore avec le Pds et d’autres partis politiques dont « Bokk Gis-Gis » et « Tekki ». La liste est longue. S’agissant de la présidentielle, nous n’avons pas encore pris une décision. Pour l’instant, nous nous occupons des batailles nécessaires pour fiabiliser le processus électoral.

Le Pds maintient la candidature de Karim Wade en dépit de son absence du territoire national. Qu’en pensez-vous ?
Decroix Itw 4Le Pds a tenu un congrès à l’issue duquel il a désigné son candidat en la personne de Karim Wade au terme d’un scrutin avec plusieurs candidatures. Le Pds m’avait fait l’amitié de m’inviter. Je ne vois pas pourquoi Karim Wade ne pourrait pas porter les couleurs du Pds. Pour ce qui est de son absence, je vais vous avouer le sentiment que j’en ai est que son retour au Sénégal pour prendre part à l’élection présidentielle est aussi sûr pour lui que le soleil qui se lève à l’Est. Je m’entretiens régulièrement au téléphone avec Karim Wade.

Il sera au Sénégal ?
Ne pas être au Sénégal ne lui traverse même pas l’esprit.

La presse a annoncé « un plan » que Wade serait en train de concocter depuis Doha. Confirmez-vous cela ?
Je ne suis pas au courant d’une stratégie de Doha. Même si le je savais, je ne vous l’aurais pas dit. Par contre, j’ai la certitude qu’au vu de la campagne des dernières élections législatives, de ce qu’elle a révélé comme attachement, comme confiance de ces millions de jeunes que j’ai vus courir derrière la voiture du Président Wade partout au Sénégal, cette ferveur qui a fait couler des larmes, il y a une très forte probabilité que le prochain Président de la République du Sénégal soit celui dont la candidature sera soutenue par le Président Wade.

Karim Wade ?
Je dis celui que le Président Wade soutiendra.

Me Abdoulaye Wade est le secrétaire général national du Pds…
Voilà !

Autrement dit, vous soutenez la candidature de Karim Wade ?
Je ne l’ai pas dit. Je vous ai déjà dit que le parti convoquera ses assises et prendra ses décisions. Le Pds a convoqué son congrès pour désigner son candidat. Les partis sont souverains. Chaque parti verra quelles sont les procédures par lesquelles il doit passer pour désigner son candidat.

Pensez-vous qu’il peut juridiquement être candidat, si l’on se fonde sur la condamnation qui a été prononcée à son encontre ?
C’est de la politicaillerie. Cela ne m’intéresse pas.

En 2019, le pouvoir va mettre en exergue le bilan du Président Sall qu’il juge positif. L’opposition pourra-t-elle démontrer le contraire ?
Dieu fasse qu’il garde ce cap. Ce sera tout bénéfice pour l’opposition. Au Sénégal, on ne gagne pas une élection par le bilan. Wade a atterri à l’aéroport Blaise Diagne en 2012. Il a ouvert l’autoroute avant le second tour. Malgré tout, il a perdu. Il n’a pas perdu sur les réalisations. Tout le monde disait, y compris ses opposants les plus radicaux : « Il a travaillé, mais…». Le « mais » renvoie à la gouvernance. C’est sur la gouvernance qu’on perd des élections au Sénégal. Là-dessus, si sous Wade, les gens étaient des artisans, sous Macky Sall, ses partisans sont dans la grosse industrie en matière de mal gouvernance.

N’est-ce pas exagéré un tel propos ! Avez-vous des éléments pour prouver vos accusations ?
Sous Wade, à partir de cinquante millions de FCfa, vous ne pouviez pas faire une entente directe pour exécuter des marchés. Sous le Président Sall, à partir de cinquante milliards de FCfa, vous pouvez ne pas avoir d’appel d’offres. C’est ce qu’on appelle l’offre spontanée. On a légalisé l’entente directe à partir de cinquante milliards et au-delà. Si ce n’est pas le summum de la pratique de la corruption, je ne vois pas ce que cela peut être.

Mais, sous Wade, c’était le défilé des scandales financiers montant à des dizaines de milliards de FCfa, portés par des ententes directes à n’en plus finir, notamment l’aéroport de Diass…
Les ententes directes ont été multipliées par dix aujourd’hui.

Dans le secteur de l’éducation, avez-vous le sentiment que l’Education pour tous est en train d’être réalisée ?
Les statistiques que nous avons disent que près de deux millions d’enfants ne sont pas dans le système. J’aurais été plutôt préoccupé par cet aspect. Ceux qui nous gouvernent ne marchent pas sur leurs deux jambes. Ils marchent sur une seule jambe. Ils ne montrent que ce qui, d’après eux, fonctionne et est beau. Alors qu’au fond, il faut s’intéresser à ce qui n’est pas bon. C’est cela qui fera qu’on se dote des moyens pour mieux faire face. Quand j’entends le gouvernement dire qu’il va mettre fin aux abris provisoires, je dis qu’il ne comprend pas. A sa place, je transformerai chaque arbre à palabre de chaque village en salle de classe, voire en école, où tous les âges viendraient partager le savoir. C’est cela qui nous fera sortir de l’ornière.

Maintenant les abris provisoires ne doivent pas être là définitivement. Il ne faut pas confondre des abris provisoires définitifs à la nécessité de multiplier par cinq ou dix les écoles. Une école, ce n’est pas seulement quatre murs. Ce sont des gens qui veulent apprendre et des enseignants motivés qui sont là pour les pousser.

Vous n’allez tout de même pas faire table rase des efforts et avancées colossaux qui ont été enregistrés, avec notamment le renforcement de la carte universitaire et la construction de collèges ?
Nous n’avons que des universités en chantier. C’est ça l’effet d’annonce ! Nos amis vivent d’effets d’annonce. Les effets d’annonce ne font pas vivre. Vous avez l’impression d’avoir l’impression d’avoir le ventre plein, mais le moment venu, vous allez tomber d’anémie. On n’annonce que des universités.

La carte universitaire laissée par Abdoulaye Wade n’a pas encore changé. Dakar et Saint-Louis étaient là sous les prédécesseurs de Wade. Les universités de Ziguinchor, Bambey et Thiès ont été construites sous Wade. Attendons que les chantiers s’achèvent. Encore une fois, c’est le problème des raccourcis. On ne peut pas faire comme les autres pour y arriver. Les moyens financiers ne suffiront jamais et les autres avancent plus vite que nous. Il nous faut imaginer des raccourcis.

Quelle appréciation faites-vous des avancées annoncées après les négociations entre le Gouvernement et les syndicats d’enseignants ?
Il s’agit essentiellement des indemnités de déplacement et correction relatives aux examens du baccalauréat, du Bfem, du Cfee, etc. Le Gouvernement s’était engagé à payer les enseignants le 30 novembre dernier. Nous sommes en janvier. Non seulement les indemnités ne sont pas payées, mais les enseignants ont subi des ponctions sans précédent sur leurs salaires. Les indemnités d’examens sont alimentées par les inscriptions des candidats, c’est-à-dire les élèves. Donc, à ce niveau, ce qui est exigé de l’Etat, c’est de cesser de détourner de son objectif l’argent du Fonds d’appui des examens et concours (Faec) logé au Trésor public. L’autre demande, la plus importante à leurs yeux, c’est l’augmentation de toutes les indemnités, notamment celles d’enseignement et de logement. Le Gouvernement propose une augmentation de 10 %, ;ce qui équivaut à 6000 FCfa pour compter de janvier 2019, comprenez une promesse électorale ! Comparé aux 20 000 FCfa donnés par Wade en son temps, c’est dérisoire. C’est la preuve du manque d’ambition et de volonté de Macky Sall et de son Gouvernement pour un système éducatif sénégalais performant.

Cela a été rectifié…
Ah bon ? Il y a un problème de confiance entre les deux parties qui portent sur les engagements contractés. C’est le problème qu’on rencontre. On se dit, même si le Gouvernement signe, qu’est ce qu’il faut faire. Les syndicats n’y croient pas. C’est cela le drame.

Que pensez-vous de la politique de santé du pouvoir ?
Le syndicat autonome des médecins va en grève le 30 janvier pour le non-respect d’accords signés en 2014. Il y a un problème de confiance. D’une façon générale, le budget alloué à la santé est très faible. La rationalisation de la dépense publique est là. Si le budget, aussi faible soit-il, arrivait intégralement à destination pour soigner, oui à la limite. Mais, non seulement le budget est faible, mais la dépense publique n’est pas efficace. Si vous injectez 100 milliards de FCfa dans le tuyau, peut-être que ce sont 20 milliards qui sortent.

Vous soupçonnez des détournements d’objectifs ?
C’est constant. C’est partout.

Il y a eu le renforcement du plateau sanitaire ainsi que la mise en œuvre des Cartes d’égalité des chances…
Depuis « Dalal diam », il n’y a pas de nouvel hôpital. Macky Sall n’a pas construit un nouvel hôpital au Sénégal. Je n’ai pas souvenance d’un hôpital construit sous sa présidence.

Vous parlez de la Carte d’égalité des chances, en 2014, le régime nous avait dit que, chaque année, 50 000 allaient être distribuées. On aurait dû être à 100 000, voire 150 000 cartes distribuées. Mais, en février 2017, le régime était à peu près à 24 000 mille cartes, c’est-à-dire le quart des objectifs fixés. Avec la Cmu (Ndlr : Couverture maladie universelle), les structures de santé croulent sous le poids de la dette du Gouvernement. Elles sont en train de prendre l’argent que les populations versent pour couvrir les dépenses prévues par la Cmu, alors que les fonds ne sont pas versés par le Gouvernement. Les structures sont exsangues parce qu’elles dépensent sans recevoir du côté du Gouvernement.

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