S’exprimant, le lundi 3 février dernier, en marge de la cérémonie de levée des couleurs sur les trois rapports de la Cour des comptes, le Président Macky Sall a annoncé la mise sur pied d’une commission chargée du suivi des recommandations de ces rapports. Saluée par ses partisans, cette annonce de Macky Sall donne cependant un sentiment de déjà-vu. Comme une sorte de gouvernance… bis repetita.
Tant il est constant chez le président de créer, depuis son arrivée au pouvoir en 2012, de mettre sur pied des Commissions et autres Comités pour dissiper des situations de crise. A l’instar de la Commission nationale de réforme des institutions pour éluder son engagement à respecter les Assises nationales, voire le Comité de pilotage du dialogue national pour, au-delà du souci d’accompagner la phase 2 du Pse, dissiper le malaise politique né au lendemain d’une élection présidentielle ayant rompu le pacte autour du Code consensuel de 2012.
Le président de la République Macky Sall est-il un adepte du «bis repetita» ? On est tenté de répondre par l’affirmative à cette question si on s’en tient à certains faits et gestes de l’actuel chef de l’Exécutif sénégalais depuis son arrivée au pouvoir et dont le dernier date a été posé le 3 février.
En effet, en marge de la cérémonie de levée des couleurs Macky Sall s’était exprimé pour la première fois sur les trois rapports de la Cour des comptes qu’il avait reçus trois jours auparavant des mains du Premier président de cet organe de contrôle public. Des documents de contrôle qui ont épinglé la gestion de plusieurs chefs de services publics et non moins hauts responsables de son parti. Macky Sall avait alors prôné une «compréhension des conclusions des rapports de corps de contrôle autre que celle de ceux qui s’épanchent dans la presse», avant d’annoncer la mise en place d’une commission pour l’exploitation de ces dits rapports de la Cour des comptes.
Alors que ses partisans saluent cette décision qui traduit, selon eux, l’engagement sans faille de leur mentor à lutter contre l’impunité dans la gestion des affaires publiques, cette annonce de Macky Sall donne plutôt un sentiment de déjà-vu. Pour cause, depuis 2012, année de son élection à la présidence de la République, l’actuel chef de l’Etat s’est déjà illustré à plusieurs reprises par ce genre d’annonce qui semble plutôt obéir à une logique de communication de crise visant à détourner la critique contre son camp que celle de reddition des comptes. Comme l’illustre cette commission chargée de faire le suivi du travail des magistrats dont la compétence n’est plus à démonter.
Toutefois, il faut dire que l’actuel chef de l’Etat n’est pas à son coup d’essai. De 2012 à nos jours, il s’est déjà illustré à plusieurs reprises par ce genre d’annonces qui, au fil du temps, ne donne ps grand-chose. Le premier cas qui mérite d’être souligné, c’est son volte-face sur les conclusions des Assises nationales.
À peine élu président de la République à l’issue d’un second tour qui l’avait opposé au candidat sortant, grâce au soutien de l’ensemble des douze autres candidats malheureux de l’opposition sur la base du programme de réforme de la gouvernance politique proposée par les Assises dans la charte de bonne gouvernance, Macky Sall n’avait pas hésité à revenir sur son engagement d’appliquer sans réserve cette charte. En lieu et place, il a annoncé la mise sur pied d’une Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) en faisant appel au Professeur à la retraite, Amadou Makhtar Mbow qui avait dirigé les travaux des Assises nationales pour présider cette nouvelle commission chargée de faire la même chose que les Assises. La suite, tout le monde le connait. Puisque, après deux mois environ de travaux, cette commission allait livrer ses conclusions avec même un projet de nouvelle Constitution. Mais, en récompense, le doyen Mbow et son équipe ont été accusés d’avoir « outrepassé» leurs prérogatives.
DENI D’ASSISES
Conséquence, alors qu’il a fait voter une révision constitutionnelle sensée sécuriser définitivement la charte fondamentale, certaines dispositions de la Constitution notamment, le mandat du président de la République, le fonctionnement des partis politiques, le statut du chef de l’opposition entre autres, continuent pourtant de susciter débat même au sein de sa propre formation politique au point qu’il est obligé de brandir le bâton de la sanction pour imposer le silence. À cela s’ajoute également le dialogue national en cours sous l’égide du président Famara Ibrahima Sagna. Convoquée par le chef de l’Etat dans la foulée de la confirmation de sa réélection, cette concertation suscite aujourd’hui beaucoup de questions.
Ce, d’autant plus que le président de la République a annoncé inscrire son second mandat sous le sceau de la phase 2 de son Plan Sénégal émergent (Pse), nouveau cadre de référence des politiques pour un Sénégal émergent à l’horizon 2035. Laquelle phase 2 du Pse s’appuie sur des stratégies articulées autour de 5 initiatives, 03 programmes phares et 05 accès universels devant être exécutés en mode «fast-track».
En plus, il est très difficile de trouver aujourd’hui, un secteur de la vie nationale où le Président Sall n’a pas appelé à des concertations sanctionnées par des rapports rangés dans les tiroirs du Palais de la République.
Du secteur de l’éducation nationale à celui du pétrole et du gaz en passant par le foncier, la santé, la justice et même l’enseignement coranique. Pour tous ces secteurs inscrits au menu des échanges du dialogue national, le Président Macky Sall dispose déjà un document fruit de réflexions riches et diverses.