Les bizarreries de l’affaire Lamine Diack

Les bizarreries de l'affaire Lamine Diack

Déclenchée au mois de novembre 2015, avec l’interpellation, le placement en garde à vue suivi de l’inculpation du mis en cause pour corruption passive et blanchiment aggravé, l’enquête sur affaire Lamine Diack piétine. Elle traîne de nombreuses bizarreries qui posent questions.

Liste rouge d’Interpol

Sur le forum du journal en ligne qui la relaie, un commentateur nommé… « Diack » (probablement un pseudo) affirme que l’information selon laquelle Pape Massata Diack ne figure plus sur la liste des personnes recherchées par Interpol, est fausse. En guise de preuve, il joint au bas de son commentaire un lien vers une page de l’organisation dont le siège se trouve à Lyon, en France.

On y voit effectivement la photo de l’intéressé avec la légende suivante : « Papa Massata Diack est recherché par la France pour complicité de corruption passive, blanchiment aggravé et concours en bande organisée à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit de corruption active. »

Mais lorsque l’on retourne sur le site principal d’Interpol, à partir de cette même page, ou qu’on y accède directement, aucune trace de Massata Diack. Sur les 135 personnes recherchées par l’organisation internationale de police à ce jour (vendredi 9 juin 2017) il n’y a que quatre Africains formellement identifiés : deux Marocains, un Algérien et un Gambien.

Une bataille de remportée pour le fils de Lamine Diack, l’ancien président de l’Iaaf empêtré dans l’affaire de dopage et de corruption qui secoue l’athlétisme depuis 2013 ? Probablement. « Mais Massata espère gagner la guerre en démontant pièce par pièce cette cabale dont ils font l’objet (lui et son père) et qui ne repose que sur des accusations mensongères et fallacieuses », rapporte un proche de la famille Diack, qui s’est confié à Seneweb sous le couvert de l’anonymat.

325 millions pour rien

Lamine et Massata Diack sont poursuivis pour corruption active, corruption passive et blanchiment aggravé, notamment. Ils sont soupçonnés d’avoir été au cœur d’un système d’extorsion de fonds et de corruption, sur fond de dopage impliquant, pour la plupart, des athlètes russes.

L’ancien patron de l’Iaaf a payé, il y a 7 mois, une caution de 325 millions de francs Cfa. Malgré tout le juge Renaud Van Ryumbeke, qui a lancé la procédure en octobre 2015, l’oblige à rester en France. Son fils, quant à lui, établi au Sénégal, refuse de répondre à la convocation du juge français. Préférant lui proposer de se déplacer à Dakar pour écouter sa part de vérité dans l’affaire.

Le Sénégal, à travers son Premier ministre, Mahammad Dionne, a clamé son refus d’extrader Massata Diack. Qui fait l’objet d’une procédure, lancée en février 2016, par le doyen des juges Samba Sall.

« Les enquêteurs français sont obligés de collaborer avec la justice sénégalaise dans le cadre de la convention d’entraide judiciaire signée en 1974 », souligne une personne au fait du dossier.

Question de compétence

Lancée sur les chapeaux de roues en octobre 2015, l’enquête semble en perte de vitesse. Le parquet financier du Tribunal de Grande instance de Paris peine visiblement à réunir les preuves substantielles pouvant lui permettre de boucler l’instruction.

« Ça ne me surprend pas, au regard des failles et bizarreries du dossier », sourit un avocat sénégalais. Ce ténor du barreau de Dakar « n’arrive pas à comprendre la saisine de la justice française pour des  faits qui ne se sont pas déroulés en France ».

La justice française, elle, se considère compétente. Elle soutient que l’achat de montres de luxe en France et la remise présumée de 50 mille euros (environ 33 millions de francs Cfa) au médecin français Gabriel Dollé (ex-responsable de l’antidopage à l’Iaaf), par Massata Diack, ainsi que la nationalité (française) d’Habib Cissé, ex-conseiller juridique de Lamine Diack, sont des éléments suffisants justifiant sa saisine.

Du côté de la défense, on manque de s’étrangler : « C’est léger. L’Iaaf est une association de droit privé monégasque. Et les faits reprochés à Lamine Diack et aux autres mis en cause se seraient déroulés à Monaco, Singapour, au Sénégal, en Russie et en Turquie. Sans compter que la plainte initiale a été déposée par le Français Essar Gabriel (secrétaire général de l’Iaaf entre 2011 et 2015) au niveau de la police monégasque. »

« Curiosités et mensonges »

Autres « curiosités de l’enquête » relevées par un des avocats de Massata Diack : « Lamine Diack et son staff n’ont jamais été entendus, selon le principe du contradictoire, par les enquêteurs de la Commission indépendante de l’Ama dont le rapport sert de base aux enquêteurs français. Le procureur national financier, Elianne Houlette, s’est ouvertement affichée avec une partie civile de l’affaire, la Wada/Ama, lors de leur conférence de presse tenue à Munich le 14 janvier 2016. Et aujourd’hui, on ne parle plus des Français mis en examen dans cette affaire, Gabriel Dollé et Habib Cissé, ni de l’une des personnes clés, le Russe Valentin Balakhnichev, ex-trésorier de l’Iaaf. »

Par ailleurs, dans une interview accordée au journal sportif français L’Équipe, Massata Diack avait pointé « les mensonges contenus dans le rapport de l’Ama », qui les accable, lui et son père, mais il n’était pas rentré dans les détails.

Il se serait confié à un de ses proches. Qui rapporte : « Contrairement aux affirmations de l’Ama, qui parle de 2000, le contrat de Massata avec l’Iaaf date de 2007. Lamine Diack n’a employé qu’un de ses fils (Massata, donc) alors qu’il est question de deux dans le rapport. Le montant des droits Tv des Mondiaux-2013 était de 1,2 million de dollars et non 6 millions comme déclaré par l’Ama. L’Iaaf n’a jamais employé Ianton Tan de Black Tidings comme consultant et la société Black Tidings n’a jamais appartenu à Massata, qui n’a jamais rencontré Andrei Baranov et Alexei Melnikov les 4 et 5 décembre 2012 à Moscou. »

« Peut-on sur la base d’un rapport truffé de ces mensonges et imprécisions lancer un mandat d’arrêt contre Massata Diack et retenir son père en France ? Il faut être sérieux », s’indigne une personne au fait du dossier.

À qui profite le crime ?

La défense demande l’annulation de la procédure contre Lamine Diack. Elle s’est pourvue en appel et a saisi la Cour européenne des Droits de l’homme pour se faire entendre. En outre, renseigne un de ses proches, « Massata Diack mise sur la neutralité du Tribunal arbitral du sport qu’il a saisi pour obtenir l’annulation de sa suspension à vie du monde de l’athlétisme, décidée par la commission d’éthique de l’Iaaf ».

Aussi, nous dit-on, le fils de Lamine Diack entend prouver que lui, comme son père, sont « victimes d’une machination de l’Agence mondiale antidopage et du Comité olympique français ». « Ils sont persuadés que les Français cherchent à se venger de Lamine Diack, renseigne une source de Seneweb. Ils le tiennent pour responsable de leurs cinq échecs pour l’organisation des Jeux olympiques (1992, 2004, 2008, 2012 et 2018). »

Cette affaire, qui se déroule alors que Paris brigue l’organisation des Jo de 2024, semble loin de connaître son épilogue. Comme pour les coureurs d’un marathon, les parties devront se montrer endurants et résistants.

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