Le Pen joue plus qu’un siège dans le Pas-de-Calais

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Marine LePen

Une nouvelle tentative de se faire élire députée dans le Pas-de-Calais, où Marine Le Pen échoue depuis 15 ans, revêt une importance particulière pour la présidente du Front national, soucieuse de restaurer son crédit auprès de ses troupes un mois après l’échec de la présidentielle. La candidate, dont la lourde défaite face à Emmanuel Macron (33,9%) a laissé un goût désagréable chez une partie de l’état-major et de la base frontiste, ambitionne de se refaire en entrant à l’Assemblée nationale à la faveur des législatives.

La porte-voix autoproclamée de l’opposition, pour qui ce titre sera caduc en cas d’échec la semaine prochaine, a de bonnes raisons d’espérer. Le 7 mai, elle a totalisé 58,17% des voix dans sa circonscription, celle d’Hénin-Beaumont, et un sondage réalisé par Ifop-Fiducial lui prête 44% des intentions de vote au premier tour face à la myriade de ses concurrents.

Un premier tour triomphal n’est toutefois pas une garantie de victoire pour Marine Le Pen, qui avait échoué à une centaine de voix du socialiste Philippe Kemel, en 2012, après avoir viré largement en tête le dimanche précédent (42,26%). Depuis lors, son parti n’a cessé de progresser dans cette terre de tradition ouvrière, où la gauche a sombré, à tel point que l’héritière de la dynastie Le Pen, native des Hauts-de-Seine, y fait désormais campagne comme en terrain conquis.

« Ici, c’est comme ça, on vote pour elle », a estimé Christiane, une électrice âgée de 58 ans, lors d’un vide-grenier à Drocourt, sur lequel Marine Le Pen est venue distribuer des tracts. « Je ne voterai pas pour quelqu’un d’autre, je ne vote pas pour le FN, je vote pour Marine. Ce n’est pas pareil. » En trois semaines d’une campagne-éclair, la présidente du FN a multiplié les déplacements comme celui-là, sur les marchés et dans les brocantes de la circonscription, en compagnie du maire d’Hénin-Beaumont et vice-président frontiste, Steeve Briois.

Elle a également accordé quelques interviews à des médias parisiens pour incarner le rôle qu’elle souhaite camper durant le quinquennat Macron, celui d’opposante en chef.

ÉPARGNÉE PAR LES ATTAQUES

Car les enjeux nationaux se mêlent aux enjeux locaux pour la candidate, qui ne s’est jamais fait élire à l’Assemblée, contrairement à père, Jean-Marie Le Pen, et à sa nièce Marion Maréchal-Le Pen. Comment pourrait-elle continuer à se prévaloir d’un rôle de premier plan face au chef de l’Etat si les portes du Palais-Bourbon lui restent fermées ? Et si son parti ne dispose pas des 15 députés nécessaires pour former un groupe ? Lors d’un meeting à Calais, jeudi, Marine Le Pen a évoqué cette possibilité pour s’en laver les mains.

« Si, en ayant rassemblé plus d’un Français sur trois à la présidentielle, nous n’avions pas de groupe parlementaire, en réalité ça ne serait pas le problème du FN mais le problème de la démocratie dans notre pays », a-t-elle déclaré lors de ce seul discours d’avant-premier tour. A l’origine, le FN nourrissait de plus grands espoirs mais la présidentielle a instillé le doute dans un parti divisé. Sans attendre un congrès à venir fin 2017 ou début 2018, les cadres de second rang hostiles à Florian Philippot ont lâché leurs coups contre ce proche conseiller de Marine Le Pen, qu’ils considèrent comme l’artisan de la défaite.

La campagne des législatives a donc été dominée par les échanges acerbes entre les deux camps rivaux, y compris sur Twitter, par le retour du débat sur l’opportunité de maintenir la sortie de l’euro dans le programme économique, par la retraite anticipée de Marion Maréchal-Le Pen et par les réactions, souvent ulcérées, suscitées par la création d’une association sous l’égide de Florian Philippot, Les Patriotes.

Même si sa prestation – ratée, de son propre aveu – lors du débat de l’entre-deux-tours face à Emmanuel Macron a jeté le trouble, Marine Le Pen est pour l’heure épargnée par les attaques. Depuis le départ de sa nièce, personne au sein du FN ne semble avoir la volonté, ni la surface politique suffisante pour contester son leadership, observe le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite. « Si ce n’est pas elle, c’est qui ? », dit-il.

(Avec Pierre Savary, édité par Yves Clarisse)

Auteur: Reuters – Reuters

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