La violence se propage en RD-Congo

Policiers assassinés, civils massacrés, experts de l’ONU disparus, la violence s’installe dans le Kasaï, au centre de la République Démocratique du Congo.

En zone de turbulence, la RD-Congo navigue à vue. Depuis le mois de septembre, le centre du pays s’enfonce dans la violence et l’effroi. Lundi 27 mars, la police a accusé la rébellion Kamwina Nsapu, qu’elle combat dans cette région depuis cet été, d’avoir massacré 39 de ses agents.

Selon le colonel Pierre-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police, ses collègues seraient tombés vendredi matin dans une « embuscade » tendue par cette rébellion à Kamuesha, à environ 75 km au nord-est de Tshikapa, capitale de la province du Kasaï. La nouvelle n’a pas été confirmée par des sources non-gouvernementales.

À la suite de cette annonce, l’Union européenne, l’Union africaine, les Nations unies et l’Organisation internationale de la Francophonie ont exprimé hier leur « profonde préoccupation » quant à « la grave situation » au Kasaï.

Cette crise date du mois de juin avec la rébellion d’un chef coutumier contre le comportement des agents de l’État dans la région. Le mouvement s’est radicalisé et s’est amplifié après sa mort violente, le 12 août.

Le non-respect par les forces de l’ordre des rites sacrés qui devaient encadrer ses funérailles a mis le feu aux poudres aux provinces du Kasaï, du Kasaï-Central, du Kasaï-Oriental et du Lomami. Au moins 400 personnes auraient été tuées dont 67 policiers et militaires, selon le régime.

Si des crimes ont été commis des deux côtés, l’ONU a relevé l’ultra-violence des forces de l’ordre : elle les accuse de faire un « usage disproportionné » de la force contre des miliciens armés essentiellement de bâtons et de lance-pierres.

Après avoir nié les faits, le régime a admis des « excès » commis par ses soldats. Samedi 18 mars, la justice militaire a même annoncé avoir arrêté sept soldats pour un massacre perpétré dans le Kasaï, dont la vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux.

Il y a une semaine, la coordinatrice de l’unité « rapport et enquête du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) », Barbara Matasconi, annonçait avoir dénombré dix fosses communes dans la région : sept à Nkoto, pour des faits remontant à la fin du mois de septembre 2016, et trois aux alentours de Tshimbulu, pour des violences plus récentes.

Deux experts des Nations unies, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan, et leurs quatre accompagnateurs congolais avaient même été portés disparus dans cette région, depuis le 11 mars. Hier, les corps des deux experts de l’ONU ont été retrouvés.

La FIDH redoute des violences généralisées

D’autres foyers de violence enflamment la RD-Congo. Parmi les groupes armés nouveaux venus : le mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo dans le Kongo-Central. Dans le Tanganyika, Pygmées et Bantous s’affrontent régulièrement.

Et l’est du pays – Nord-Kivu et Sud-Kivu – est toujours pris en otage par plus de 70 groupes armés et par le jeu trouble de ses puissants voisins dans la région que sont le Rwanda et l’Ouganda. Le Sud-Kivu doit également faire face à l’arrivée massive de réfugiés Burundais qui fuient la répression de Pierre Nkurunziza.

Lundi, la fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) redoutait que « la situation sécuritaire précaire qui règne en RDC » dégénère « très rapidement » et plonge « dans des violences généralisées » un pays où sévit depuis des années de nombreuses milices.

Sur le volet politique, le blocage persiste entre le pouvoir et l’opposition. Près de trois mois après la signature d’un accord qui autorise le président Joseph Kabila à demeurer au pouvoir jusqu’à la fin 2017, en échange d’un mécanisme de cogestion du pays, aucune avancée n’est apportée.

Lundi soir, les évêques catholiques qui assurent la médiation entre les deux parties – accusées toutes deux de faire preuve de mauvaise volonté – ont constaté une nouvelle fois leur impuissance à les mettre d’accord, sans pour autant jeter l’éponge.

« La classe politique est irresponsable »

Père Donatien Nshole

Secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco)

« Des divergences entre le pouvoir et l’opposition cachent une volonté de maintenir le pays dans la crise et retardent l’application de l’accord de la Saint Sylvestre qui doit accompagner le processus électoral.

La classe politique irresponsable est animée de mauvaise foi au détriment d’une population préoccupée par une situation économique et financière qui se détériore. Dans cette situation, les évêques n’acceptent plus de poursuivre indéfiniment cette mission de bons offices, au risque d’abandonner les responsabilités exigeantes de leurs diocèses respectifs ».

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