La société civile s’oppose à un troisième report des locales

Le Sénégal ne doit pas être dans un régime de prolongations de mandats, il faut faire l’effort de tenir les élections locales au cours du premier semestre de 2021

L’annonce d’un troisième report des locales prévues en mars 2021 est vivement dénoncée par la Société civile. Initialement prévues pour le 1er décembre 2019, puis annoncées pour mars 2020, les élections locales ont été reportées jusqu’au 28 mars 2021. Face à tous ces reports, la Société civile exige la tenue à date échue de ce scrutin. Elle dit ne pas être convaincue des arguments de blocage liés aux nécessités de l’évaluation et de l’audit du fichier électoral. Si, au niveau du volet politique du Dialogue national, l’idée d’un troisième report est défendue, la Société civile, à travers le Forum Civil dirigé par Birahim Seck et Moundiaye Cissé de l’ONG 3D, exige le respect du calendrier républicain. Quant au consultant en décentralisation Amadou Sène Niang, il estime que la tenue des Locales à date échue n’a jamais constitué une préoccupation pour l’Etat. Il en est du régime actuel comme de ceux qui l’ont précédé, selon lui.

Le report des élections locales est une question très controversée depuis la reprise des travaux du Dialogue national après 5 mois de l’arrêt à cause du covid19. En effet, notre pays s’achemine vers son énième report de ses Locales. Au sein de la classe politique, que ce soit du côté de la majorité comme de l’opposition, beaucoup de voix s’expriment en faveur d’un report. Les arguments brandis tournent autour de la nécessité de procéder au préalable à l’évaluation du processus électoral et de l’audit du fichier. Des arguments balayés par la société civile qui estiment qu’ils ne sauraient justifier un énième report des élections locales. Surtout qu’après un premier report de la date du 1er décembre 2019 initialement prévue dans le calendrier républicain, puis un autre de mars 2020, il est annoncé une nouvelle date du 28 mars 2021. Moundiaye Cissé, président de l’ONG 3D, soulève cependant quelques appréhensions par rapport à la nouvelle date retenue. «Même si on doit reporter, on doit rester dans l’année 2021. Je considère aujourd’hui qu’on doit respecter le calendrier électoral. Les élections locales ont des impacts sur nos institutions. Si on n’organise pas en mars 2021 les locales, il va falloir prolonger les mandats des membres du Haut conseil des collectivités territoriales qui se terminent en avril 2021.

Le Sénégal ne doit pas être dans un régime de prolongations de mandats, il faut faire l’effort de tenir les élections locales au cours du premier semestre de 2021. On a déjà prolongé les mandats des élus. Cette situation traduit une banalisation des reports des élections locales. Ce n’est pas normal. Aujourd’hui personne n’ose reporter l’élection présidentielle » souligne Moundiaye Cissé. Le président de l’ONG 3D ajoute que « l’évaluation du processus électoral et l’audit du fichier électoral, c’est une exigence de l’opposition. Je soutiens cette démarche. Mais je pense qu’on peut appliquer les conclusions pour les législatives de 2022. Un consensus intermédiaire est possible qui consiste à garder ce même fichier qui a permis de tenir la présidentielle, de dire que Macky Sall a été élu, de dire qu’Idrissa Seck est arrivé deuxième, qu’Ousmane Sonko est arrivé troisième. Qui a aussi permis à l’opposition d’avoir des groupes parlementaires à l’Assemblée. Les résultats de la présidentielle sont la base de la réclamation du statut de chef de l’opposition. Mon intime conviction, c’est qu’il est possible d’organiser les locales au cours de l’année 2021. Si on les reporte jusqu’en 2022, on sera forcément dans un couplage avec les législatives. Il y aura là une situation de confusion d’autant que les élections ne sont pas les mêmes».

Forum Civil pas convaincu par un audit du fichier justifiant un report !

Le Forum civil dirigé par Birahim Seck précise que les arguments évoqués pour justifier un report, à savoir l’évaluation du processus électoral et l’audit du fichier électoral, ne sont pas pertinents et ne sauraient être recevables. « Face à l’idée de plus en plus entretenue par certains acteurs politiques et de la société civile d’aller vers un troisième report de ces élections, le Forum Civil s’insurge contre la pratique, devenue fréquente, d’offrir illégalement des années supplémentaires ou des mandats de fait à des élus locaux. Les arguments évoqués pour justifier un report, à savoir l’évaluation du processus électoral et l’audit du fichier électoral, ne sont pas pertinents et ne sauraient être recevables. Ainsi, les conclusions retenues par un groupe, fut-il de la Commission du Dialogue politique, ne sauraient justifier la violation, par l’Etat, de la réglementation et des droits de millions de Sénégalais. Cette situation est grosse de l’exacerbation de la crise de légitimité qui se transforme très souvent en crise sociale dans le mode de gouvernance des affaires locales notamment la gestion foncière » a indiqué le bureau exécutif du Forum Civil dans un document. De ce fait, Birahim Seck et ses amis exigent le respect du calendrier républicain. Ils demandent au ministre de l’Intérieur de prendre les dispositions nécessaires afin d’aller vers l’organisation des élections départementales et municipales, conformément au décret portant promulgation de la loi adoptée le 19 novembre 2019.

Amadou Sène Niang, consultant en décentralisation : « La tenue des élections locales à date échue n’a jamais constitué une préoccupation pour l’Etat »

Pour le consultant en décentralisation Amadou Sène Niang, l’Etat n’a jamais fait de la nécessité de tenir les élections locales à date échue, sa préoccupation. A l’en croire, c’est ce qui justifierait tout ce bruit autour du report souvent avec des arguments infondés. « Depuis 1984, les locales n’ont jamais été organisées à date échue. La situation notée est que 5 ans après la fin des mandats des élus locaux, ces derniers sont toujours en place. Une entorse à la démocratie. En filigrane, nous pensons que la tenue des élections locales à date échue n’a jamais été une préoccupation pour l’Etat alors que les présidentielles sont toujours organisées à dates échues. Ce qui n’a jamais été le cas pour ces élections locales. Le fait de les maintenir ou de les reprogrammer ne dépend pas de la prérogative des élus locaux. C’est la responsabilité de l’Etat. C’est l’Etat qui doit organiser ces élections.

La carence de l’Etat à ce niveau ouvre la possibilité de mettre au niveau de chaque collectivité locale, une délégation spéciale. Or, c’est une entorse à la loi que de mettre des fonctionnaires à la tête des collectivités locales. En outre, les élus locaux qui sont sur place pendant ces 5 ans connaissent parfaitement le fonctionnement des collectivités locales et parviennent tant bien que mal à gérer les problèmes de ces dernières. C’est tout le contraire des fonctionnaires qui ignorent totalement ce qu’est une collectivité locale. Plus grave, souvent, ils n’habitent pas dans la zone où ils sont appelés à servir. Parce que c’est des enseignants, c’est des médecins qui sont des fonctionnaires de l’Etat qu’on choisit dans chaque localité. Est-ce que cela est pertinent pour gérer des collectivités locales ? Les délégations spéciales de Me Wade en 2001 ont causé d’énormes problèmes sur l’étendue du territoire » souligne le consultant en décentralisation Amadou Sène Niang.

L’histoire des reports des élections locales !

Amadou Sène Niang interpelle l’Etat pour le respect du calendrier électoral. Il ne pense pas que la crise sanitaire de la covid19 et l’évaluation du processus et de l’audit du fichier électoral soient des motifs valables d’un report. A l’en croire, ces reports d’élections locales ne sont pas le monopole du régime actuel puisque ceux quoi l’ont précédé y ont eu aussi recours. « Il faut que l’Etat respecte la date de l’organisation de ces élections. La crise sanitaire qu’ils (Ndlr : les acteurs politiques) évoquent est une prétexte supplémentaire. Chaque fois qu’on doit organiser des élections locales, il y a un prétexte. Cela a été le cas lors du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie en 1989. Cela était également le cas avec la réforme de l’acte 2 en qui avait nécessité de repousser ces élections en 1996. En 2001, l’arrivée d’un nouveau régime avait entraîné la mise de toutes les collectivités locales sous délégations spéciales. Ce qui était d’ailleurs illégal. En 2007, ces élections avaient été reportées jusqu’en 2008.

Et en 2008, on nous parlé de plan Diakhaye pour lutter contre les inondations pour reporter les locales jusqu’en 2009. C’est toujours des prétextes qu’on évoque à n’en plus finir. Ce n’est pas un problème d’opposition, c’est l’Etat qui doit organiser ces élections. Tous les régimes qui se sont succédé l’ont fait. Que ça soit le Ps ou le Pds, ils ont reporté. Ce qui est anormal. Il faut organiser les élections à dates échues. C’est un gage de responsabilité de l’Etat. Aujourd’hui, ceux qui se retrouvent dans une partie de l’opposition ne pouvaient évidemment pas s’opposer à ce report. Parce qu’ils l’ont déjà fait ! Le Ps l’avait fait en 1989 et 1995.

Le président Abdoulaye Wade l’a fait en 2001, 2007 et 2008. Le président Sall l’a fait en 2014 et 2019. Et il veut le refaire en 2020. Ils sont tous pareils ! Il faut que les hommes politiques respectent le calendrier électoral » soutient conclusion le consultant en décentralisation, Amadou Sène Niang

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