La journaliste Dié Maty Fall harcelée au quotidien le Soleil : De la nécessité de revoir le mode de gestion des médias publics!

«Journaliste sénégalaise appelle à l’aide!» Tel est l’intitulé de la note reçue par AfricTivistes de Dié Maty Fall, reporter au quotidien national «Le Soleil». Elle dit faire l’objet d’un harcèlement dans l’exercice de ses fonctions.

Il lui est interdit de faire des commentaires sous prétexte que les publications engagent au premier chef l’Etat du Sénégal et dont les conséquences diplomatiques peuvent être immédiates sur les intérêts du Sénégal. Il est arrivé qu’après son départ, confie-t-elle, son papier soit éliminé et remplacé par une dépêche brute signée de son nom sans qu’elle ait eu à travailler dessus et sans son autorisation non plus. D’ailleurs, elle informe avoir reçu le jeudi 27 août à 14 heures, une demande d’explication pour avoir exécuté son travail de traitement de l’information internationale. Depuis, elle est cantonnée pour une journaliste de sa trempe à faire des synthèses de communiqué de presse. Une autre violence psychologique est de l’exiger d’écrire en politique alors que la morale personnelle, la déontologie professionnelle et toutes les chartes déontologiques l’interdisent formellement. Parce qu’elle est membre du bureau politique du PS, secrétaire à la communication et porte-parole adjointe.

Aujourd’hui, elle est tenue éloignée de tout ce qui concerne la marche du service et de la rédaction comme si, dit-elle, elle était une pestiférée et non pas une senior. Elle dit avoir été assommée un lundi en venant au travail de découvrir que son espace de travail, ainsi que celui de deux de ses collègues avaient été brutalement déplacés sans leur en avoir informé auparavant.

Pour se défendre, le Directeur du quotidien national «Le Soleil» estime que depuis sa nomination au Soleil, le 06 décembre 2017, à ce jour, n’avoir pas une seule fois adressé à Dié Maty Fall une demande d’explications. Il reconnaît cependant attiré l’attention de Dié Maty Fall sur l’incidence négative de ses articles (des commentaires) sur des sujets de politique internationale, avant de lui demander de cesser cela. Et que le lendemain, 26 août 2020, elle a récidivé pour «expliquer les raisons des tensions en méditerranée entre la Turquie et la Grèce». Des écrits qui, dit-il, engagent le Sénégal via son quotidien gouvernemental dans les affaires contentieuses de deux pays amis. Auparavant, dans ses écrits qui ont heureusement été gelés, elle s’était attaquée aux politiques des Présidents des États-Unis d’Amérique et de pays de la sous-région, a reconnu Yakham Mbaye. En outre, Yakham Mbaye soutient qu’on ne peut se prévaloir de son appartenance à un parti politique dont on est la Porte-parole adjointe pour imposer à son employeur le contenu de ses écrits. Et qu’à ce jour, Dié Maty Fall n’a pas une seule fois fait jouer la clause de conscience. Pour preuve, dans l’édition du Soleil de ce vendredi 03 septembre 2020, elle a à son actif un reportage sur la réunion de la direction du parti politique auquel elle appartient.

Interpellée par la journaliste, AfricTivistes, très regardant pour tout ce qui touche la liberté d’expression et par ricochet la liberté de la presse, rappelle tout simplement les dispositions de la loi sénégalaise régissant le secteur des médias. La loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse dispose son article 6 que le journaliste et le technicien des médias ont le droit de refuser d’accomplir tout acte, et en particulier de refuser d’exprimer une opinion contraire aux règles de leur profession ou à la clause de conscience. Ils ne doivent encourir aucune sanction du fait de leur refus. Dans l’article 7 du même texte, il est indiqué que le journaliste a le droit de refuser toute directive et toute subordination contraires à la ligne éditoriale de l’entreprise de presse dans laquelle ils exercent. Et cette ligne doit lui être obligatoirement communiquée par écrit. Toujours dans ce nouveau code de la presse adopté en 2017 ; il est écrit clairement que le journaliste doit collecter et traiter l’information en toute honnêteté et en toute impartialité, dans le respect du droit du public à l’information. Et qu’il doit défendre la liberté d’information et les droits qu’elle implique, notamment la liberté du commentaire et de la critique, l’indépendance et la dignité de la profession.

AfricTivistes note que l’actuel DG du journal «Le Soleil » n’en est pas à sa première prise de bec avec ses agents. Certains sont renvoyés avant d’être réembauchés, d’autres poussés à la démission ou réembauchés. On peut rappeler les affaires Mor Sylla, Bouba Sow, Serigne Mansour Cissé, Samboudian Camara, Fatou Ly Sall Croquette, Mbaye Sarr Diakhaté. A la RTS, le DG Racine Talla est aussi accusé d’entretenir des conflits sociaux. A en croire un communiqué du Synpics daté au mois de juin dernier, le Directeur Général a ordonné la suspension de salaire sans préavis ni décision disciplinaire préalable de certains agents, et qu’il poursuit sa politique d’abus de pouvoir en refusant de payer les frais de mission aux bénéficiaires au motif qu’il s’agirait d’un luxe.

A l’Agence de presse sénégalaise (APS), le DG a licencié dernièrement Yaye Fatou Diagne et Fatou Diop Wade, respectivement cheffe du service commercial et cheffe du service administratif et financier de l’Agence de presse sénégalaise (Aps) avant de suspendre Ahmadou Bamba Kassé journaliste dans le même organe.

AfricTivistes pense que tout ceci repose le débat de la gestion des médias nationaux. Nous condamnons avec la dernière énergie le harcèlement dont la journaliste Dié Maty Fall est victime.

L’importance de la presse pour la démocratie est telle qu’il faudrait essayer de la dépolitiser pour la confier à de vrais professionnels sans aucune coloration politique et apte à diriger ces structures dans le respect des règles d’éthique et de déontologie, gage de démocratie et de transparence dans l’exécution des politiques publiques.

AfricTivistes demande au DG du Soleil de privilégier le dialogue et la négociation dans ses relations avec ses agents. Nous lui demandons également de pacifier l’espace de travail et de redonner aux journalistes leur pleine liberté.

AfricTivistes invite les acteurs des médias professionnels (privés et publics) à faire preuve de solidarité et de mutualisation pour garantir aux journalistes un environnement sain et sécurisé pour l’exercice de leur fonction.

AfricTivistes appelle le président de la République à revoir le mode de gestion des médias publics et à engager des réformes qui vont permettre d’avoir des médias nationaux digne de ce nom, exclusivement être au service du Public, ouverts à toutes les sensibilités du pays, avec des journalistes épanouis qui travaillent en toute liberté.

igfm

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici