Koulibaly, Balotelli insultés en Italie… comment lutter contre le racisme dans le football ?

A nouveau, et comme une triste habitude, le racisme a frappé en Italie. Le public du Stade Olimpico, où jouait le Napoli de Kalidou Koulibaly, s’en est pris à l’international sénégalais, incitant l’arbitre à interrompre le jeu pendant quelques minutes. Une nouvelle polémique qui doit mener à des sanctions. Reste à savoir lesquelles.

Cela fait des décennies que des footballeurs africains ou d’origine africaine sont les cibles en Italie de cris de singe ou de lancers de bananes. Plus récemment, lors du « Boxing Day » à l’italienne en décembre, Kalidou Koulibaly a été confronté à des insultes constantes des ultras de l’Inter. Ce week-end, le défenseur sénégalais a été une nouvelle fois victime de cris racistes pendant le match entre l’AS Rome et Naples.

Toujours plus gangrené par le racisme. Dimanche 3 novembre, en plein match contre le Hellas Vérone, l’attaquant star de Bescia Mario Balotelli tentait de se débarrasser de ses adversaires dans un coin de corner, quand, alerté par des chants racistes, il s’est saisi du ballon et l’a expédié à destination des supporters qui le visaient. Menaçant de quitter le terrain, il a été retenu par ses coéquipiers et ses adversaires, le temps pour le speaker du stade de prévenir ces supporters que la partie s’arrêteraient si leurs chants abjects se reproduisaient. Un exemple de plus, sept mois après celles essuyées par les Juventini Moise Kean et Blaise Matuidi, ou encore ceux visant l’Interiste Romelu Lukaku ou le Napolitain Kalidou Koulibaly, du caractère endémique du racisme dans le Calcio.

« Dans le contexte actuel, ce sont les joueurs noirs qui sont les cibles… »Ce qui fait dire à Fabien Archambault, historien et maître de conférences, la chose suivante : « Face à ça, il y a une autre grille de lecture qui est de dire que ce n’est pas juste pour cibler les meilleurs joueurs de l’équipe adverse, que c’est du racisme pur et dur. Il y a des groupes de supporters qui sont explicitement racistes. Ce qui s’est passé à Cagliari, c’est dû à la fois au contexte politique avec Matteo Salvini au pouvoir (il a depuis dû quitter le pouvoir, ndlr) et qu’en face ce sont la Juve et le Naples, les meilleurs club d’Italie. Forcément, ça a une résonance plus forte qu’avec les équipes en deuxième ou troisième division, où c’est régulier. »

« Il y a une ‘tradition’ qui vise à stigmatiser les joueurs pour leurs origines, poursuit l’universitaire. Entre l’Hellas Vérone et Naples, c’est du racisme anti-méridionaux. Dans le contexte actuel, ce sont les joueurs noirs qui sont désormais les cibles » d’une société italienne traversée depuis quelques années par une vague anti-immigrés et raciste. « Ce qui est paradoxal, c’est que ça continue alors que des mesures ont été prises ».

Des supporters suspendus à vie ?

En réaction à ces débordements, la Fédération italienne de football (FIGC) a déjà durci le ton. « Ce que Roxana Maracineanu, la ministre des Sports, envisageait en France pour les chants haineux c’est-à-dire l’interruption d’un match, ça existe déjà en Italie », appuie Fabien Archambault. Depuis le 30 janvier, en cas de cris ou comportements racistes, le match est désormais immédiatement arrêté de façon temporaire et les joueurs réunis au milieu de terrain. Une manière de compléter un arsenal de sanctions à l’application variable. Car jusqu’ici, les amendes dérisoires, la Lazio n’a écopé que de 50.000 euros d’amende pour l’affaire des photos détournées d’Anne Frank et les matches à huis-clos n’ont eu aucun effet dissuasif.
Faut-il aller encore plus loin dans les sanctions, comme le souhaite Massimiliano Allegri, l’entraîneur de la Juve ? « Nous avons les outils pour arrêter cela. Nous avons des caméras que nous pouvons utiliser pour arrêter les personnes qui font ça. C’est simple, il faut des règles drastiques », a-t-il déclaré. « Ces personnes devraient être interdites de stade à vie. Pas seulement pour un mois ou un an. Si tu fais une erreur, tu dois payer. » Mais cette proposition est-elle seulement réalisable ? « Ce type d’arsenal n’existe pas encore en Italie, ça correspond aux interdictions de stade en France. Il y a la tessera del tifoso qui permettrait ça. Toute personne qui va dans un stade en Italie doit montrer sa carte d’identité quand elle achète une place. On peut très bien s’en servir pour repérer les personnes », estime l’historien. « Ce qui sera plus compliqué, c’est que c’est un pays où les juges sont plus sourcilleux sur le respect des libertés fondamentales. Interdire de stade quelqu’un, ça ne passera pas comme une lettre à la poste comme en France, où les interdictions sont répandues et ne choquent pas l’opinion publique. Ça sera perçu comme abusif. »Et qu’en est-il de la proposition d’arrêter définitivement une rencontre lorsque des insultes ou des cris racistes sont proférés par une partie des spectateurs ? Pour Fabien Archambault, « les Italiens sont capables d’aller jusque-là pour marquer le coup ». « Mais, pour l’arbitre, ce n’est pas facile à faire. Au-delà de l’enjeu sportif, il y a des enjeux économiques. Qu’en est-il ensuite de la punition collective pour un groupe en particulier ? Est-ce qu’on est sûr que ce sera efficace ? », s’interroge le co-auteur du livre « Le football des nations » (éditions de la Sorbonne). « Comme la plupart des groupes de supporters sont infiltrés ou sont d’extrême droite, ils peuvent faire des cris racistes en permanence. Ça renvoie à cette question : où en est la société italienne ? Car le football n’est que la caisse de résonance de phénomène sociaux largement répandus. » Une question qui se pose en Italie et au-delà, la bêtise et l’ignorance humaine n’ayant pas de frontière.

 

LCI

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