Le 137ᵉ pèlerinage marial de Popenguine, organisé du samedi au lundi sur la Petite-Côte, se révèle avant tout comme un creuset de dialogue interreligieux et de vivre‑ensemble, estime Prosper Joseph Carvalho, directeur du sanctuaire Notre-Dame-de-la-Délivrande. Cet événement emblématique mobilise plus de quarante pèlerinages annuels et rassemble fidèles et non-croyants dans une démarche commune.
Pour le religieux, « le pèlerin, de l’espérance, quitte un lieu de rupture ou de souffrance pour marcher vers la réconciliation avec Dieu, et avec lui-même », favorisant ainsi la transmission de la foi au sein et au-delà de la communauté catholique. La ferveur et la solidarité spontanée, visibles tout au long du parcours, illustrent selon lui une foi vécue dans l’incarnation et la rencontre.
Le sanctuaire, érigé autour d’une Vierge noire (bénie par Jean-Paul II en 1992), attire non seulement des chrétiens mais aussi des musulmans, notamment de Dakar : « des musulmans aussi viennent, parfois de Dakar, non pas pour changer de foi, mais pour vivre cette démarche intérieure ». Ce brassage religieux – dit-il – façonne un espace unique de fraternité, de mémoire partagée et de mystère.
Interrogé sur le dialogue interreligieux, Carvalho reconnait sa dimension inscrite dans les gènes sénégalais, au-delà d’un formalisme institutionnel : « Au Sénégal, on ne doit pas parler de dialogue religieux. C’est inscrit dans nos gènes. Moi, j’ai des parents musulmans ». Il déplore les discours clivants et rappelle les valeurs de téranga : « Dieu n’est pas dans les religions. Dieu est dans l’humain. Et l’humain, par essence, c’est l’amour ».
Au fil des années, Popenguine est devenu un modèle de coexistence pacifique. Les maisons du village s’ouvrent durant le pèlerinage, générant une « hospitalité qui transcende les clivages » . « Que nous soyons devenus musulmans ou chrétiens, nous restons des enfants du même sol », conclut-il, soulignant un lien communautaire profond, indépendamment des croyances.