Ismaïla Madior Fall révèle les contours du projet de réforme du statut des villes

Ancien président du Comité de pilotage de l’Acte III de la décentralisation, Professeur Ismaïla Madior Fall décortique, dans cet entretien avec L’Observateur, les contours de la réforme annoncée sur le statut des villes de Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès. Le Professeur titulaire des Universités souligne, par ailleurs, que le Président Macky Sall n’a jamais parlé de suppression des villes.

Il a beaucoup été question, ces jours-ci, de suppression des villes (Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès). On prête ainsi au Président Sall l’intention de procéder à ladite suppression pour contrôler politiquement Dakar, qu’en est-il ?
Il ne faut pas faire dire au Président ce qu’il n’a jamais dit : le Président n’a jamais parlé de suppression des villes, expression malheureuse qui ne renvoie d’ailleurs pas à grand-chose.

Dans le même temps, il faut lui faire dire ce qu’il a dit à l’occasion de la journée de la décentralisation et à d’autres occasions de rencontre avec les élus territoriaux. Il s’agit, après la communalisation universelle et l’érection des départements en collectivités territoriales et évaluation de la phase I de l’Acte III, de mettre en œuvre la suite de cette grande réforme pour avoir des territoires viables et porteurs de développement.

La réforme envisagée doit être l’occasion, après la phase I de l’Acte III de la décentralisation qui a permis la communalisation universelle et l’érection des départements en collectivités territoriales, de mettre en œuvre les innovations prévues pour la phase II.

Il s’agit notamment, du nouveau statut des départements qui seront renforcés, de la réorganisation, dans le sens de leur meilleure viabilité, du statut des villes de la région de Dakar et de Thiès ou de toutes les villes atteignant un certain seuil de population, de l’implémentation des pôles territoires pour les régions qui peuvent aller ensemble et éventuellement, de la correction des incohérences territoriales là où c’est possible.

Que faut-il entendre par réorganisation du statut des villes ?

Il faut dire que sur cette question, comme sur les autres, le Président qui est pour une gouvernance inclusive, privilégiera la concertation avec les acteurs pour arrêter ce qu’il y a de mieux pour le pays. Mais, pour ce qui est précisément du statut des villes, il ne faut pas toutes les mettre dans le même panier parce qu’il s’agit de réalités différentes qu’il faut soigneusement distinguer : D’abord, pour la capitale, il faut tout de suite dire que la réforme du statut de Dakar et des autres villes n’est pas un sujet tabou.

Il faut avoir le courage de l’aborder. En tant que capitale, la ville de Dakar a toujours eu un statut spécial qui a connu des évolutions en 1964, 1983, 1996 et 2013. Aujourd’hui, il y a lieu de doter la capitale d’un statut qui permet une gouvernance municipale apaisée, quelle que soit la couleur politique du maire, en veillant à y avoir des communes plus viables. Ensuite, pour les villes comme Pikine et Guédiawaye, dont les territoires municipal et départemental coïncident, il y a lieu ou bien de garder la ville comme collectivité locale (le statu quo) ou de transformer le Conseil de la ville en Conseil départemental.

En tous les cas, il n’y a pas de suppression de la ville. Et (ville ou département) peu importent les appellations, le plus important est le contenu en termes de compétences et de moyens. Enfin, pour Rufisque et Thiès qui sont des cas totalement différents, la réflexion doit être l’amélioration du statu quo par une clarification des rapports entre la ville et les communes la composant ou alors une suppression des communes (anciennes communes d’arrondissement) la composant et la conservation d’une seule et unique collectivité locale qui sera la ville, comme c’était le cas jusqu’en 1996 et comme c’est le cas de villes comme Mbour, Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor, renseigne l’Observateur.

Et puis, il y est plus facile de supprimer les communes anciennes, communes d’arrondissement que la ville. Ainsi, pour Rufisque et Thiès, dont les territoires de la ville et du département ne coïncident pas, il est pertinent de permettre la cohabitation de la ville et du département.Vous semblez faire un plaidoyer pour exclure la ville de Rufisque, votre fief politique, d’une éventuelle suppression…Non, je le fais aussi pour Thiès, parce que Rufisque et Thiès sont des réalités différentes de Dakar, Pikine et Guédiawaye. Il nous faut en tenir compte.

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