Ismaïla Madior Fall : « Pourquoi Abdoulaye Diouf Sarr ne pouvait pas démissionner »

Nommé ministre de la Santé en septembre 2017, Abdoulaye Diouf Sarr a été démis de ses fonctions, le 26 mai dernier, remplacé par Dr Marie Khémesse Ngom Ndiaye, après le drame de Tivaouane où onze petits anges ont péri dans un incendie au service de néonatalogie de l’hôpital Mame Abdou Aziz Sy Dabakh. Après le drame, des internautes, très en colère, ont réclamé sa démission. Diouf Sarr devait-il démissionner ?

« Ce n’est pas de la culture politique ou de la culture du régime politique dans lequel on vit », répond le professeur titulaire des Universités de classe exceptionnelle, Ismaïla Madior Fall, invité du JDD, ce dimanche 29 mai. « Il y a des systèmes politiques parlementaires. En Europe, c’est le cas, où le ministre, il a une responsabilité pleine et entière de son ministère. Quand vous prenez la Grande Bretagne, l’Espagne ou beaucoup de pays où il y a un régime parlementaire, c’est le Premier ministre, qui est là, c’est le premier de ces pairs. Mais, tous les ministres sont quasiment des vice-premiers ministres ou sont susceptibles d’ailleurs d’être Premiers ministres. Le président ou le roi n’a pas de pouvoir. Dans ce type de régime, généralement quand il y a un problème, le ministre doit l’assumer entièrement. Mais vous avez des régimes politiques qui fonctionnent selon la logique du régime présidentiel ou au fond les ministres ne sont que des assistants du président. C’est le cas du Sénégal. »

Mais on a quand même vu des ministres démissionner ? « Oui mais, c’est exceptionnel. Et puis vous voulez démissionner, le président vous dit non, ‘’vous ne démissionnez pas’’. Le président ne peut pas refuser votre démission, mais il peut ne pas l’accepter. Il y a une nuance. Il peut dire ‘’vous voulez démissionner, c’est votre droit que je ne respecte pas dans les conditions où ça ne m’arrange pas. Attendez pour des questions d’harmonie gouvernementale ou pour qu’il y ait des questions d’opportunité de la décision que ça soit moi qui décide du moment où vous allez partir’’.

Si vous le respectez et que vous êtes reconnaissant, vous allez attendre qu’il décide le moment où vous allez partir. Tout dépend de la culture politique, du régime politique. Quand vous avez un régime présidentiel où le président est l’incarnation de la totalité de l’Exécutif, qui est responsable de tous les secteurs, les ministres ne sont que ses assistants, le départ ne dépend plus du ministre. Le départ dépend du président. Souvent on dit ‘’non, on n’a pas une culture de la démission’’. Bien évidemment, on n’a pas une culture de la démission parce qu’on n’a pas une culture de régime politique qui puisse nous (conduire) à la démission ». Selon lui, un changement de ce régime « ne relève pas de la volonté d’un homme » mais « du déterminisme » ou « le résultat d’un processus historique ».

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