Institution Ste-Jeanne d’Arc : De la clandestinité à l’exclusion

Établissement clandestin dans les années 1900, l’Institution Sainte Jeanne d’Arc avait institué des cours de morale en 1971 pour mieux intégrer les élèves musulmans. Aujourd’hui, elle a décidé tout bonnement d’exclure les filles voilées. Avant de revenir sur cette décision très controversée.

Depuis quelques semaines, l’Institution Sainte Jeanne d’Arc occupe le devant de l’actualité du fait d’une mesure controversée, portant interdiction du voile. Depuis, l’établissement est sous le feu des critiques. Pourtant, le chemin fut long pour cette école. Aujourd’hui, Jeanne d’Arc a officiellement 70 ans, puisque fondée en 1939. Mais en réalité, l’établissement compte plus de 100 ans. Il a été crée dans les année 1900, mais il a été contraint à la clandestinité. « L’école Jeanne-d’Arc existait depuis longtemps : malgré l’interdiction des écoles congrégationnistes depuis 1904, les sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny avaient ouvert une petit école « clandestine » rue Parchappe, à Dakar. En 1914, cette école avait 43 élèves de 3 à 13 ans. C’est en 1920 qu’elle prend le nom d’Ecole Jeanne d’Arc, afin d’insuffler audace et courage aux jeunes élèves », souligne l’établissement sur son site internet.

Selon l’établissement, l’objectif était à l’époque de répondre à une demande qui s’était exprimée. Avec le temps et l’augmentation des effectifs, l’orphelinat est transféré à la Médina. L’établissement est aussi appelé à quitter pour s’implanter ailleurs. C’est ainsi que les locaux actuels ont été choisis.  « Le but était d’ouvrir une école secondaire pour jeunes filles. Dans la réalité, les élèves suivaient déjà un enseignement secondaire à la rue Parchappe : il y avait une 6e, une 5e, une 4e et une 3e. Il semble d’après les témoignages qu’en 1938, 3 ou 4 élèves étaient même partis au lycée après une classe de seconde à la rue Parchappe ».

Ainsi donc, bien qu’étant dirigé par un regroupement confessionnel, l’établissement, était comme le reconnait la direction, « une école secondaire ». D’ailleurs, le texte retraçant l’historique de l’école précise que les sœurs de Cluny avaient demandé à l’administration, en 1938, « l’autorisation d’ouvrir un cours secondaire rue Parchappe ». Laquelle autorisation est accordée le 19 décembre 1938.

Seulement, les locaux n’étaient pas fonctionnels. Ils manquaient d’adduction d’eau, des branchements à l’égout. Le sous-sol était aussi inondé. Ce qui fait que « le médecin-chef du service d’hygiène de Dakar ayant refusé le certificat d’habitabilité provisoire demandé ». Il fallait donc attendre l’année suivante. En 1940, Jeanne d’Arc comptait 185 élèves dont 8 pensionnaires.

L’année d’après, l’école s’agrandit davantage. Elle a un effectif de 370 élèves et connait ses premières réussites au bac (3 bacheliers). L’école ayant atteint une certaine dimension, des séries sont privilégiées sur d’autres. Mais les élèves avaient toujours la possibilité d’être transférés « chez les frères Maristes au collège de Hann ». Tout porte à croire que les deux établissements fonctionnaient comme deux vases communicants.

« Au départ, il n’y avait pas de musulmanes… »

En 1977, l’école franchit un nouveau cap. Les programmes et examens sénégalais et français sont dissociés. L’école entendait réaliser, par cette démarche, une « rencontre entre des communautés culturelles différentes ». L’établissement voulait conduire ses élèves « vers l’humain ».

Les portes s’ouvrent ainsi grandement à ceux qui ont l’Islam comme religion. « Au départ, il n’y avait pas de musulmanes ou très peu, sans doute quelques Libanaises ; mais cette réticence des parents musulmans comme des religieuses, assez compréhensible dans la mentalité de l’époque, tombe progressivement. Dans les années qui suivent l’indépendance, les Africaines viennent de plus en plus nombreuses grossir les effectifs de l’école… En 1971, le nombre des musulmans augmente si bien qu’il semble nécessaire dans le respect de leur religion, d’instaurer des cours de morale », avoue l’établissement.

Même lorsque l’école décide d’imposer l’uniforme en 1964, c’était non pas pour des visées religieuses, mais plutôt pour ‘limiter certains étalages de toilettes et de neutraliser les apparences sociales trop disparates ».

Aujourd’hui, le débat est tout autre. Ce n’est plus une question sociale, mais des insignes religieux. L’établissement exige à ce que les garçons comme les filles viennent avec une tête découverte. Pour d’aucuns, c’est clairement le voile islamique qui est la cible. Certains font même remarquer un paradoxe, puisque l’adjoint au proviseur est une chrétienne qui porte le voile des sœurs et que la bibliothécaire Dieynaba Diallo elle porte le voile musulman. Un voile de nouveau admis à Jeanne d’Arc avec la réintégration des filles exclues pour port de signe religieux distinctif, suite à un accord entre la direction de l’école et les autorités en charge de l’Éducation nationale.

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