Il a vu deux kamikazes du Stade de France

Il a vu deux kamikazes du Stade de France

 
LA VOIX EST LASSE. Au lendemain de l’attentat, Bley Mokono est encore aux urgences de l’hôpital de Pontoise (Val-d’Oise) avec son fils de 13 ans. Vendredi soir, il était au plus près de la tragédie survenue au Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

« On est arrivés à 20 h 55, la première bombe a explosé à 21 h 17 », lâche-t-il d’une voix blanche.

A ce moment-là, père et fils se trouvent à la brasserie en face de la porte D. « On était en train de prendre un sandwich merguez avant d’aller au match. On est allé aux toilettes, un homme en est sorti au même moment. On s’est frôlé de l’épaule en se croisant. Je l’ai remarqué parce qu’il transpirait. Il a dû me prendre pour un vigile. » Bley Mokono décrit un « Maghrébin, 1,70 m, les cheveux bruns, presque noirs, le visage très fin, dans les 25-30 ans, en jean délavé ». Le père de famille n’a « pas vu les explosifs avec ses vêtements larges et son manteau trois quarts ». En sortant de la brasserie, il croise « le deuxième, en arrivant au stand des sandwichs ». « Lui était un peu plus grand, avec un sac à dos. Il évitait mon regard, je me suis dit que leur attitude était un peu suspecte à ces deux-là, j’ai fait la remarque au mec de la brasserie en pensant à un braquage ou un règlement de comptes. Il m’a dit : Il y a toujours des gens bizarres ici. Et puis le mec suspect s’est décalé et ça a sauté. »

Le souffle est puissant, il n’entend plus de l’oreille gauche. Son ami, avec lequel il discutait face à lui, n’entend plus du côté droit. Suivant les ordres des policiers, ils partent dans deux directions opposées et ne pourront pas se rejoindre mais restent en contact régulier par téléphone. « Je suis allé prendre par la main une jeune dame, poursuit Bley Monoko, elle avait les chairs de l’avant-bras du terroriste dans les cheveux et l’os sur l’épaule, décrit celui-ci. Puis je l’ai portée pour l’amener aux policiers. Et là, il y a eu la deuxième explosion. Je suis retourné vers les toilettes d’où mon fils n’était pas encore revenu. Il n’y était pas. J’ai cherché ses vêtements dans les débris de chair, mais aucune trace. Je l’appelais, je criais. » L’homme de 40 ans à l’imposante carrure s’est alors « senti tellement impuissant ». Un policier lui dit enfin qu’un enfant avait été évacué par l’arrière. « J’y suis allé et c’était bien lui. Je voulais faire ma déposition avant d’oublier quoi que ce que soit, alors j’ai confié mon fils à des gens qui habitent la rue, pour le mettre à l’abri chez eux en attendant. »

Une heure plus tard, « vers minuit et demi », le père retrouve enfin son fils. Là, ils sont pris en charge par les secours. « Ils m’ont proposé d’aller à l’hôpital mais, avec l’adrénaline, je ne le sentais pas. » Ils préfèrent être en famille, « aller chez [eux] dans le Val-d’Oise, plutôt qu’à Paris ». « Les policiers et les secours ont été super, on a été vus par les médecins et j’attends maintenant le scanner, mais ça va. Mon fils a des hématomes et un traumatisme au rachis cervical. Mais, surtout, il a vu les chairs. » Hier soir, avant de regagner leur domicile après vingt-quatre heures de calvaire, ils devaient être débriefés en présence d’une psychologue. « Je crois que c’est important pour le petit », souffle le papa.

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