Né en Kabylie, Ali Cheknoun est devenu le père Paul-Elie. Il est ordonné ce dimanche dans le Var. Quel parcours incroyable pour cet homme de 41 ans qui se rêve apôtre du vivre-ensemble.
Son Papa, à la retraite, de confession musulmane, est venu d’Algérie pour lui remettre solennellement ses habits sacerdotaux, la chasuble et l’étole. Cet après-midi, en plein air au séminaire de la Castille dans le Var, Paul-Elie Cheknoun, 41 ans, sera ordonné prêtre par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus et Toulon. Comme cinq autres camarades. Mais, lui, se démarque par son incroyable parcours spirituel.
Né en Algérie, il a été successivement musulman, protestant évangélique et enfin catholique. « J’ai toujours eu cette soif d’être proche de Dieu », résume-t-il. Ce destin-là de converti qui s’engage dans la prêtrise n’est pas une première dans l’histoire du clergé hexagonal. Il n’empêche, il demeure exceptionnel.
Celui qui s’est d’abord appelé Ali — Paul-Elie est son prénom de confirmation — est né en Kabylie, près de Tizi Ouzou. Sous l’impulsion de son père, professeur de français qui a étudié dans l’Hexagone, il découvre l’islam, le ramadan, la mosquée… Mais il prend ses distances avec la religion à l’époque des années noires du terrorisme dans son Algérie d’origine. « J’ai alors vécu comme un athée durant quatre ans », explique-t-il. Jusqu’au jour où ce diplômé en informatique se rapproche du christianisme.
Le 1er mai 1999, un cousin l’invite dans une église évangélique clandestine au cœur d’un village kabyle. « J’ai eu la révélation de Jésus. Il m’a parlé, il m’a appelé, il m’a dit qu’il m’avait toujours protégé. Je me suis senti aimé comme jamais, j’ai senti une effusion de l’Esprit saint. Pendant dix minutes, je me suis mis à pleurer », se souvient-il. Le converti est d’abord baptisé chez les évangéliques avant de choisir de devenir catholique en 2005, après sa rencontre avec un prêtre missionnaire venu évangéliser en Algérie. A ce moment-là, il reçoit des menaces des islamistes, qui veulent également s’en prendre à sa famille. Il doit quitter sa terre natale et met le cap sur la Belgique.
Le réfugié s’installe alors dans une communauté religieuse. Il obtient la nationalité belge mais c’est bel et bien en France, au séminaire dans le Var, qu’il démarre en 2010 sa formation de prêtre. Un choix accepté par les siens. « C’est une grâce du Seigneur, cette tolérance. Mon père a accueilli favorablement ma conversion. Je suis une exception. Je connais des convertis en Algérie qui ont été chassés de leur maison. L’amour de Jésus-Christ touche toute ma famille », s’extasie-t-il.
Son pays abrite, selon lui, quelque 200 000 convertis, en majorité des protestants évangéliques. Celui qui a six frères et sœurs, tous musulmans, se veut l’apôtre du « dialogue du vivre-ensemble ». Membre de la communauté de la Fraternité missionnaire Jean-Paul-II, il se sent désormais « appelé » à évangéliser avec l’habit du missionnaire. Sa culture méditerranéenne reste très ancrée en lui quand il s’agit de prêcher la bonne parole. « On ne peut pas parler de Jésus aux gens si on est loin d’eux. J’ai le tutoiement facile. On me le reproche d’ailleurs souvent en France », sourit-il.