Gré à gré ou appel d’offres ? L’Etat face à l’équation de l’attribution de la sécurité d’AIBD

Gré à gré ou appel d’offres ? L’Etat face à l’équation de l’attribution de la sécurité d’AIBD

L’Aéroport International Blaise Diagne de Diass ouvrira ses portes le 7 décembre, dans moins de six semaines, et on ne sait toujours pas quelle entité sera en charge de la sécurité du lieu. La sécurité de l’aéroport est désignée par l’acronyme PIF, le poste inspection filtrage : il comporte le contrôle d’accès et la vidéo-surveillance. A l’aéroport Léopold Sédar Senghor, c’est la société privée américaine SECURIPORT qui gère la vidéo-surveillance. Le PIF à Dakar était jusqu’ici l’apanage de la Haute Autorité de l’Aéroport et de la police, qui s’occupent du contrôle d’accès. Or, pour ce qui est de l’aéroport de Diass, aussi bien la Haute Autorité de l’aéroport que la police nationale ont décliné l’offre de continuer à s’occuper du PIF. La Haute Autorité a indiqué qu’elle n’a pas assez d’agents pour conduire cette mission à AIBD. Quant à la police, elle ne veut plus être indexée pour les incidents réguliers qui surviennent dans le filtrage des passagers et qui lui valent une mauvaise image, considérant que le PIF ne lui a apporté que des ennuis et que ce n’est pas sa mission première. La seule option qui reste à l’Etat est donc de confier la sécurité de l’AIBD à une société privée. Or à quelques encablures de l’ouverture de l’aéroport de Diass, aucun appel d’offres public n’a été lancé sur ce dossier de la sécurité. Les sociétés privées naturellement éligibles pour obtenir la gestion de ce PIF sont celles qui opèrent dans la sûreté aéroportuaire et qui sont déjà rompues à l’exercice de filtrage. Ces sociétés de sûreté aéroportuaire emploient environ 400 personnes à l’aéroport de Dakar et gèrent déjà le contrôle documentaire des passagers, le contrôle du fret, la surveillance du catering et la sûreté des avions, pour le compte des compagnies aériennes. Elles sont au nombre de 4 à opérer actuellement dans ce secteur à l’aéroport Léopold Sédar Senghor : AMARANTE, EAS, SICASS et ISDS. La société Amarante est détenue par la société française du même nom créée par des anciens policiers français et financée par des fonds qataris. SICASS appartient quant à elle au couple italien Ciaretta, résidant au Maroc. La société ISDS appartient à l’américain Chaim Koppel. La société EAS appartient à des capitaux sénégalais et est dirigée par Cheikh Mandiogou Denis Ndiaye. Les missions de sécurité de ces sociétés privées sont encadrées par l’Etat du Sénégal, qui leur accorde un agrément annuel, considérant que leurs missions sont des mesures dites additionnelles à la sécurité qui doivent être menées par des entités privés, en appui aux fonctionnaires et forces de police.

Pourquoi un appel d’offres pour attribuer le marché de la sécurité de l’AIBD n’est-il toujours pas lancé ? Aucune information n’a pu être obtenue à ce sujet auprès de l’autorité de tutelle qu’est la Haute Autorité de l’Aéroport. A seulement un peu plus d’un mois du démarrage de l’AIB, le secteur privé de la sûreté aéroportuaire s’interroge. Les sociétés de sûreté aéroportuaire installées à LSS craignent que l’Etat ne cache son jeu et qu’il ait décidé de confier la gestion du PIF par gré à gré à une société sortie de nulle part, comme elle l’a fait pour le handling avec la société turque SAL S.A, qui n’a aucune expérience dans ce secteur. En effet, dans le domaine aérien, le régime de Macky Sall a fait fi jusqu’ici de la préférence nationale. Les exemples foisonnent. Ainsi, le gouvernement sénégalais a confié la direction générale de son pavillon national Air Sénégal à un Francais, Phlippe Bohn, comme si les compétences nationales n’existaient pas dans ce secteur. Pour le handling, l’Etat du Sénégal a décidé de fusionner les deux sociétés existantes, AHS et SHS, au sein d’une seule société, 2AS, dont l’Etat détient pour l’instant 100% des parts : il prévoit d’en attribuer 50% à la société turque SAL S.A, créé de toutes pièces en 2016 et qui n’a aune expérience dans le handling. L’Etat a aussi proposé à SHS, qui détenait 70% du marché du handling à l’aéroport de Dakar, de prendre 33% dans cette nouvelle société de handling, ce que SHS refuse pour le moment. La même société turque SAL S.A a supplanté les ADS (Aéroports du Sénégal) qui géraient l’aéroport de Dakar, pour la gestion de AIBD, en raflant la gestion aéroportuaire de Diass avec une concession d’une durée de trente ans. Pour les boutiques de AIBD, la totalité du business des duty-free shops a été cédé au groupe français LAGARDÈRE, pour une concession de 10 ans. Au vu de tous ces marchés attribués à des entités venues de l’étranger, pour le PIF et la sécurité de l’aéroport de Diass, les spécialistes du secteur sont très pessimistes quant à l’attribution du marché à un acteur national. Ils réclament tous le lancement d’un appel d’offres transparent, pour régler cette question. La balle est dans le camp de l’Etat.

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