GRAND THEATRE (PAR MAMADOU OUMAR WANE)

GRAND THEATRE (PAR MAMADOU OUMAR WANE)

 Il n’est pas nécessaire d’avoir fait Sciences po, ni d’être expert en sondologie pour comprendre que la politique nous a habitué à des scènes dignes d’un Grand Théâtre. Que les Sénégalais devraient juger avec autant de dédain que de mépris. Une situation qui ne dit pas son nom existe. Et c’est à chaud que des reformes sont nécessaires pour nous sortir de la mélancolie languissante. 

Vingt-cinquième d’un rang -regrettable- n’est pas une fatalité. D’autres existent: le nombre de tués sur nos routes a triplé entre 2003 et 2014 avec le risque de voir 2015 battre le record. La mer nous prend nos compatriotes en quête d’un meilleur continent et le prix du foncier malgré les mesures prises est au seuil de la déprime. La santé va mal, l’enseignement pris en otage par le duo Etat- Syndicat,  et j’en passe. Le Sénégal est un pays très singulier où parler de la politique relève de la fiction, en faire c’est jouer à la comédie. La vérité: faute à l’argent, faute de vigilance, il n’existe plus chez les politiques un modèle de politicien sénégalais. Sinon un modèle socialement périmé.

 

Aussi faut-il voir une maladresse – pour parler poliment – dans la réaction de certains qui nous ont pompé l’air avec les trois mille milliards du budget, attendons d’en voir les effets, sortant de leur gong dès l’annonce du classement de notre pays parmi les pays les plus pauvres. Ces incidents, de notre parlement ou l’on sali la république, participent d’un climat inquiétant où chaque jour qui passe voit une bêtise anti-patriotique. Le pouvoir peut, comme celui qui l’a précédé, prétendre tenir le cap, mais il deviendra vite impossible de faire comme si rien de tout cela n’avait d’importance. Tous devraient savoir qu’il y a un Sénégal des bas-côté, celui qui trime, qui vivote, qui peine, un Sénégal des sans travail et sans perspectives, un Sénégal des démunis, des inondés, des non installés, de la non vie, des discriminés, des oubliés etc…. 

Quand on est incapable d’endosser ses propres responsabilités, lorsqu’on impose plus qu’on ne propose, il faut bien trouver des boucs émissaires qui assumeront pour les autres. Le pouvoir, bien décidé à ne pas entendre la colère qu’exprime notre peuple, a choisi de faire la sourde oreille, et préfère l’idéologie à la réalité…!  Et de cataloguer les Sénégalais de pressés, ses opposants de fascistes sans faire de tri. Certains hommes du camp présidentiel sont tellement acculés qu’ils n’ont plus que le point Godwin comme stratégie de défense! Ne leur en déplaise, le mécontentement qui gronde n’est pas idéologique, elle est populaire. Les vrais opposants, pour la plupart, ne sont pas des militants politiques. Salariés, parents d’élèves, étudiants, chômeurs et autres corps sociaux accablés par l’injustice d’une politique menée depuis une certaine indépendance : tous sont légitimes dans leur colère, qui n’est que la conséquence du désespoir qui frappe nos compatriotes.

Mais cette représentation là, c’est quand le Sénégalais généralise. En revanche, lorsqu’il cesse de penser, c’est tout autre chose. Le ciel se dégage, le bonheur se dévoile au coin de la rue. Osons faire le tour du Sénégal pour savoir que l’horizon risque d’être bouché. Mais l’avenir ne s’annonce pas si mal pour certains politiciens -qui croient en Macky 2017 ou 19- dès qu’ils considèrent leur situation individuelle. Seulement lorsqu’ils se regardent, ils se désolent ; s’il se comparent, ils se consolent.

Tout le problème, pour Macky, est de piloter ce « Tout » dans un brouhaha qui le mènera aux prochaines élections. Le triomphalisme étant l’ennemi du succès, le chef de l’Etat doit mettre de l’ordre dans son camp, penser au peuple, respecter la séparation des pouvoirs pour l’avoir souvent réclamée, réussir son mandat et laisser les faits parler d’eux-mêmes. Aux Sénégalais d’en tirer les conclusions qui s’imposent. La gestion du pouvoir est tellement magistrale que l’auto-congratulation risque de polluer les effets politiques. De même, la polémique sur telle ou telle critique adressée à l’exécutif n’est pas de nature à aider celui-ci à engranger les bénéfices légitimes qu’il est en droit d’attendre.

Il serait donc temps, si c’est encore possible, que Macky Sall montre qu’il occupe le costume présidentiel pour lequel les Sénégalais l’ont élu. Souhaitant qu’il puisse réussir la phase autorité républicaine, reste à assurer avec le même doigté la séquence unité nationale. Celle-ci doit prévaloir tout au long de son mandat. Élu aussi pour apaiser une société électrisée en étant le plus incolore possible, il ne doit point inquiéter par un optimisme décalé et une absence apparente de visibilité. Et sortir du cercle  dans lequel s’est enfermé son pouvoir: la peur d’être impopulaire – alors même que c’est le risque de  tout élu  – freine dangereusement l’action politique et autorise tous les débordements. Soit Macky Sall est sûr de ses choix et il les assume pleinement. Soit il s’est trompé et il assume tout aussi simplement un changement politique majeur, comme l’avait fait un certain Mitterrand. Faute de quoi, la déstabilisation de son électorat ne pourra que prospérer. 

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