EXPATRIÉ SÉNÉGALAIS INSULTANT LE CHEF DE L’ETAT: L’avenir judiciaire de Assane Diouf en question

Assane Diouf est en phase de devenir l’un des Sénégalais les plus célèbres sur la toile. S’il a jusqu’ici échappé au sort de Penda Ba, Amy Collé et autre Houlèye Mané, c’est parce qu’il vit à l’extérieur. Dans ses propos, on sent que l’homme se croit à l’abri de la justice sénégalaise. Et pourtant, un magistrat de siège soutient, sous certaines conditions, qu’il pourrait bien un jour être ramené au Sénégal.

Depuis 48 heures, sauf oubli, il n’y a plus au Sénégal de prisonnier célèbre, victime des réseaux sociaux. Houlèye Mané, Penda Ba et Ami Collé Dieng ont toutes recouvré la liberté, sans oublier l’animateur du groupe WhatsApp par lequel Ami Collé avait publié ses propos jugés irrévérencieux à l’encontre du Chef de l’Etat. Tout ce beau monde est libre. De même que Assane Diouf, l’autre Sénégalais, dont on dit qu’il vit aux Etats-Unis, qui aussi insulte le chef de l’Etat et plusieurs autres personnalités du pays. À la différence des premiers, lui n’a jamais été dans les liens de la détention, parce que, tout simplement, il est hors du territoire national. Le concerné en est conscient. Dans une de ses dernières vidéos, il déclare : ‘’J’insulte au nom de la jeunesse. Celui qui insulte parmi vous va en prison. C’est pourquoi je reste en Amérique pour insulter en votre nom. (…) Si j’étais encore au Sénégal, je serais en prison’’.

Aujourd’hui la question se pose de savoir s’il est intouchable. Est-il réellement hors de portée de la justice sénégalaise, comme il semble le croire ? C’est même une conviction forte chez lui, car le sentiment d’impunité revient sans cesse dans ses propos. L’homme se permet même de lancer un défi aux autorités, tout en leur indiquant la voie à suivre. ‘’M. le Procureur, apostrophe-t-il, il faut demander à ton Président d’appeler le Président Trump pour lui dire qu’il y a un jeune qui s’appelle Assane Diouf résidant à Nouvelle Orléans, qui avait organisé un bal pour t’insulter. C’est celui-là que je veux que tu ligotes pour me le livrer. Si Macky est vraiment fort, il n’a qu’à faire cela, au-lieu que vous passiez votre temps sur les sites internet à baratiner.’’

Dans un post, Assane Diouf dit sortir d’un commissariat de police où il a été convoqué. Se filmant dans la rue, des documents à la main, il jubile. ‘’Ici, c’est United States ; il ne suffit pas d’être convoqué pour être embastillé. J’ai vu le commissaire, j’ai vu le capitaine. On m’a donné mes papiers et le patron des policiers leur a demandé de veiller sur moi’’, s’enorgueillit-il. Pourtant, un magistrat contacté sur la question est loin de confirmer cet optimisme de celui-là qui ose proférer des insanités sur la personne du chef de l’Etat, des membres du gouvernement et au-delà même, ‘’de tous ceux qui travaillent avec Macky Sall’’. Certains juges disent même que, contrairement à la croyance populaire, les expatriés sont parfois plus vulnérables que ceux qui sont au pays, car avec la coopération judiciaire, ils peuvent être rapidement embarqués et livrés à leur pays d’origine.

En d’autres termes, selon le magistrat, Assane Diouf peut bien être livré au Sénégal. Mais avec les technologies de l’information et de la communication, il y a des contraintes supplémentaires à surmonter. ‘’La difficulté, puisque c’est à travers le Net, c’est l’identification de la personne. Les gens peuvent faire des montages pour faire de fausses identifications. Quelqu’un peut utiliser un logiciel de montage de photos ou de vidéos et insulter le Président sans que ce soit la même personne. Quelqu’un peut vous dire qu’il fait ses vidéos aux Etats-Unis, alors qu’il est à deux pas de chez nous. Vous avez vu Penda Ba ; les gens disaient qu’elle était au Canada, alors qu’elle était à Saly. Donc, il peut être difficile de le localiser. Mais une fois, matériellement, ces questions réglées, avec la coopération judiciaire, il est possible de le ramener’’, affirme cet interlocuteur.

‘’Lorsqu’il y a injure au président de la République…’’

Certes le Sénégal et les Etats-Unis n’ont pas le même niveau démocratique. Ce qui est acceptable chez les Yankees ne l’est pas toujours au pays de la Teranga, particulièrement avec l’article 80. Par conséquent, dans ce cas de figure, explique le juge, le pays requérant s’appuie sur sa législation nationale pour faire sa demande. L’Amérique peut elle aussi apprécier sur la base de sa démocratie, de ce qu’elle considère comme offense au Chef de l’Etat. Quoi qu’il en soit, pour le cas spécifique de Assane Diouf, le juge estime qu’il ne devrait pas y avoir obstacle à son extradition, vu la gravité des propos. ‘’De toute façon, lorsqu’il y a injure au président de la République, les gens peuvent valablement le poursuivre’’, précise-t-il. Si l’on y ajoute le fait que le pays de destination n’est pas une dictature, mais plutôt une démocratie, cela pourrait faciliter l’acceptation de la requête.

Pour le moment, les autorités ne semblent pas accorder une grande importance à sa personne. N’empêche, la machine pourrait bien être mise en branle. Invité de l’émission Grand Jury, Me Oumar Youm le directeur de Cabinet du chef de l’Etat a indiqué qu’il n’y a pas d’option particulière contre lui. Cependant, il a invité les forces de l’ordre à faire leur travail. Ce qui veut dire que la poursuite est sans doute envisagée. Si c’est le cas, le magistrat estime qu’il faut, parallèlement à la procédure judiciaire, explorer la voie diplomatique. Et puisqu’en diplomatie il est question de rapport de forces et d’intérêts en jeu, il y a lieu de se demander si le Sénégal peut peser sur la balance pour obtenir gain de cause. Il est à noter que la Turquie, qui a fait plier le Sénégal sur l’affaire Fethullah Gulen accusé de terrorisme, n’a pas réussi à obtenir l’extradition de ce dernier des Etats-Unis. Terrorisme versus offense au chef de l’Etat…

Reste maintenant à savoir si le bonhomme n’a pas la double nationalité. Pour l’instant, rien n’est sûr. Nombreux sont ses compatriotes qui pensent que, si cet expatrié se permet ses sorties, c’est qu’il a probablement la nationalité américaine. Si c’est le cas, le combat est perdu d’avance, car aucun Etat, encore moins les Etats-Unis, n’accepte de livrer ses propres citoyens à un pays tiers. ‘’Les Etats, par essence, protègent leurs nationaux, même s’ils peuvent après se retourner contre lui. Ils n’accepteront jamais de l’extrader. Voyez ce qui se passe avec l’IAAF. Le Sénégal n’acceptera jamais d’extrader le fils de Lamine Diack (Pape Massata Diack)’’, fait-il remarquer. Dans le cas de figure où il serait américain, il ne resterait au Sénégal qu’à se consoler d’une poursuite judiciaire sur le sol américain. Une idée qui n’enchanterait certainement pas un pouvoir qui avait mis sous les verrous les sœurs d’infortune : Houlèye, Ami et Penda.
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