Exclusivité Amara Traoré: « le 2ème tour est l’objectif majeur, c’est aux joueurs d’aller chercher cette Coupe. Cela ne dépend que d’eux »

L’ancien sélectionneur des Lions du Sénégal, Amara Traoré en exclusivité sur Senego s’est prononcé sur la liste des 23 concoctée par Aliou Cissé, livrant ses impressions sur les secrets de CAN, en s’arrêtant sur Khadim Ndiaye et Moussa Sow, non sans faire le distinguo entre les différentes sélections qui se sont succédées depuis 2002. L’ancien attaquant de Gueugnon et de Metz n’a occulté aucune question comme à son habitude. Entretien

Senego: Comment appréciez-vous la liste d’Aliou Cissé?

Amara Traoré: une liste, il faut d’abord apposer vingt (20) noms qu’on avait coché au fond de sa tête et qui feront l’unanimité. Le sélectionneur qui est responsable y ajoute sa touche personnelle et les trois (3) noms qui restent sont choisis pour des paramètres que seul le technicien peut expliquer. Ils peuvent l’être pour un équilibre du groupe, ce sont des secrets de CAN, quand l’équipe va moins bien et autres. Cela appartient spécialement à l’entraîneur. Néanmoins, Aliou Cissé a choisi une liste équilibrée.

Comment se sent un sélectionneur à ce stade? (après publication liste et à quelques jours de la CAN)

Il est soulagé, mais de manière brève. Son objectif majeur était de faire une liste qui fait l’unanimité bien que cela soit impossible en football et dans toutes les entreprises, une liste équilibrée. Après avoir publié la liste, le sélectionneur a envie de se retrouver avec sa famille, son staff, de manger un morceau et de commenter la liste. Quand on la commente avant publication, on n’est plus dans la réflexion. Il faut le faire après, en prêtant une oreille aux questions de la presse, les réactions et tout ce qui va avec. Ensuite, on est dans le travail qui est un éternel recommencement.

Pensez-vous avoir le même parcours qu’Aliou Cissé? 

Non, ce n’est pas le même parcours et je n’aime pas les comparaisons. Quand je venais en équipe nationale, on venait de monter le comité de normalisation, l’équipe nationale n’était pas à ce niveau et n’était pas encore qualifiée.  Deux (2) mois après, on tombe sur un tirage costaud avec le Cameroun, la RDC. Il fallait remettre sur les rails une équipe qui n’était pas de l’aventure en 2012 et on a battu le grand Cameroun. Nous avons fait seize (16) points sur dix huit (18) possibles. Maintenant, je suis content que ce record soit battu par mon jeune frère Aliou Cissé qui a réalisé le maximum de points. J’aime ces chiffres références et il faut que son successeur tente de se dire que je vais essayer de faire plus, soit en marquant plus de buts que lui avec autant de victoires, soit avec zéro but encaissé et ou moins de buts en tout cas. Cependant, le fait de gagner tous ses matchs ne garantit rien en phases finales d’une Coupe d’Afrique. Cela apporte plus de confiance, une bonne dynamique, mais cela s’arrête là. La CAN, c’est un autre niveau, une autre approche, ce sont les meilleures équipes qui la jouent. Cela doit alerter les joueurs qui ne doivent pas dormir sur leurs lauriers. Ce qui me plaît dans cette CAN, nous ne sommes favoris, cela enlève moins de pression.

Comment appréciez-vous la sélection de Khadim Ndiaye? 

Je ne suis pas un donneur de leçons, mais des joueurs comme Khadim Ndiaye, sont sacrifiés à l’autel et ils sont très nombreux. On a dit beaucoup de choses sur lui, qu’il n’est pas sérieux, et tutti quanti. Mais quand un joueur a une longévité d’une quinzaine d’années (Ndlr: sous ses ordres à la Linguère de Saint-Louis en 2006, après Saint-Louis Football Center), sans baisser de niveau, il faut vraiment revoir un autre argument. Khadim Ndiaye est un garçon sérieux, talentueux, travailleur, mais il a reçu beaucoup de coups. Ces coups l’ont forgés. En 2014, quand j’étais en Guinée avec lui, il a fait une très bonne campagne de Ligue des Champions. J’avais appelé Alain Giresse que je salue au passage pour lui dire d’envoyer quelqu’un superviser Khadim Ndiaye car il fait une belle saison. Je ne l’ai pas appelé pour faire sa promotion, mais c’était mon devoir en tant que sénégalais. Dommage, il n’avait pas été appelé, mais c’est chose faite avec Aliou Cissé. Au Sénégal, on n’aime pas les joueurs de caractère.

Doit-il être titulaire à la CAN de par son expérience?

Quand j’étais sélectionneur, j’avais rendu visite à Abdoulaye Diallo (Ndlr: actuel titulaire dans les buts des Lions) qui jouait à Rennes, pour dire qu’il est aussi talentueux que Khadim Ndiaye et le portier local de Niary Tally, Pape Seydou Ndiaye. D’ailleurs, ce dernier n’a pas dit son dernier mot. Néanmoins, le sélectionneur a l’embarras du choix car abondance de biens ne nuit pas dans ce secteur.

Des conseils à Aliou Cissé avant la CAN? 

Le sélectionneur a des collaborateurs qui sont ses premiers conseillers. Ensuite, il y a les dirigeants à la Fédération sénégalaise de football qui ont quatre (4) CAN à leur actif, ils peuvent bien le conseiller. Il n’en manque pas. Maintenant, si les techniciens peuvent l’aider c’est tant mieux. Je suis disponible, si on me sollicite, je pourrais dire mon avis, mais ce ne sera pas publiquement.

Avec le recul, quelle est la sélection la plus équilibrée entre celle-ci et celle de 2012?

Comme dit plus haut, je n’aime pas les comparaisons car on n’évolue pas dans le même contexte. Il y a des rescapés des campagnes précédentes. On ne peut comparer les équipes ni de 2002, de 2012 et celle-ci. On sera en déphasage. Que les vingt trois (23) joueurs comprennent qu’ils sont les meilleurs et qu’ils regardent devant.

Que pensez-vous de la réintégration de Moussa Sow et de l’éviction de Sangharé ?

Très sincèrement,  je suis content pour Moussa Sow qui est un joueur très poli, talentueux, sérieux. N’oubliez pas qu’il avait la possibilité de jouer pour la France. Ce n’est parceque je l’avais dans mon groupe en 2012 que je dis cela, mais il a des qualités énormes. Donc, le voir jouer à un tel niveau de performance me comble de bonheur et Moussa Sow est un gage de réussite. Quand on sort une liste au Sénégal, on a quatorze (14) millions de spécialistes, chacun y va avec son commentaire. Vous me parlez de l’absence de Younouss Sangharé, mais moi, mon regret, c’est Issiar Dia. Là, c’est le technicien qui parle. Malgré son séjour dans les pays du Golfe, c’est un joueur pétri de talent, qui a un très bon état d’esprit, très positif. Il est revenu en France et a travaillé dur pour revenir à son meilleur. Il est jeune et s’il n’a pas été retenu, il sait ce qu’il doit faire pour les échéances futures. Il a clamé haut et fort que l’équipe nationale plus que toute autre chose. je lui souhaite de revenir dans la Tanière. Il faut savoir que le sélectionneur ne peut mettre plus de vingt trois (23) joueurs et c’est le 23ème qui pose toujours problème. Ce n’est pas facile pour le coach.

Quelles sont les chances sénégalaises? 

Le Sénégal a des chances de s’en sortir. L’objectif majeur est de se qualifier pour le deuxième tour, mais quand on demande à cette équipe de gagner coûte que coûte la Coupe, cela peut mettre une pression énorme. L’objectif d’aller chercher la coupe, c’est l’objectif des joueurs. Ce sont seulement eux qui peuvent décider de cela. Si on se qualifie au deuxième tour, laissez-leur ce choix. Il faut que les joueurs s’approprient cet objectif et tentent de rentrer dans l’histoire. Ils doivent offrir un cadeau de fin d’année au peuple sénégalais, en allant eux-mêmes chercher ce trophée pour le peuple sénégalais qui attend depuis un quart de siècle.

Et les adversaires du Sénégal? 

Ce sont des adversaires sérieux, que l’on ne présente plus. Le Zimbabwe, je l’ai vu récemment est aussi une bonne équipe. Cependant, je n’aime pas la chronologie des rencontres, mais c’est un avis personnel. Il va y avoir une petite difficulté et ce seront des matchs à couteaux tirés, avec une obligation de victoire. dans ce groupe, on peut avoir six (6) points et être éliminé. Je suis d’avis encore une fois qu’on doit arrêter de faire des cycles de deux (2) ans aux entraîneurs, mais au moins quatre (4) ans. le coach et le staff doivent être sur place au moins pendant deux campagnes.

Quelles sont les perspectives d’avenir d’Amara Traoré? 

Je ne suis pas là uniquement pour l’équipe nationale car je suis un entraîneur avant tout. Je suis disponible et j’ai un réel plaisir à aider Assur et à la Linguère dans leur progression. Je suis un soldat de la Nation et si on fait appel à moi, je répondrai présent.

Quand vous avez vu le 17 décembre dernier vos anciens partenaires et joueurs évoluer à LSS, quel a été votre sentiment?

Un sentiment de plaisir. Je ne me souviens pas avoir entendu une association ou Fondation 2002, mais c’était un match organisé par mon jeune frère El Hadji Diouf et Nicolas Anelka pour une bonne cause. Je n’y étais pas parce que je n’étais pas invité. Avec beaucoup d’humilité, je pense faire partie des cadres de cette génération 2002 et du football sénégalais. Cependant, je n’en tiens pas rigueur aux organisateurs, car l’omission est humaine. Je ne rate pas pourtant pas ce genre de rencontres et je tiens à remercier l’ancien Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye qui prenait beaucoup d’initiatives pour nous rassembler et organiser des matchs. Tour dernièrement à Fatick, j’en ai eu écho, avec le maire de la localité, mais je n’étais pas disponible. C’est un Grand Monsieur et un modèle d’humilité.

Vos coups de cœur de la saison? 

J’ai été impressionné sur le plan local par deux (2) joueurs, Pape Ibnou Bâ (ex-Linguère, Stade de Mbour) et Boireau (Casa Sports). Le premier nommé est un buteur-footballeur, ce qui est rare de nos jours. Le joueur du Casa Sports est un milieu qui a un gros volume de jeu, une vitesse extraordinaire, une bonne qualité de relance et énorme physiquement. Il a quitté le pays, mais tu l’entendras certainement dans un an en équipe nationale. C’est pour dire qu’au Sénégal, il y a de très bons joueurs que j’avais lancés dans le passé comme Abdoulaye Seck (NGBà, Dieylani Fall (Jaraaf), Tapha Kassé (NGB), Alpha Bâ (USO), etc.

A l’international, Sadio Mané et Diao Baldé de par leur percussion et de la technique, balle au pied. Ils peuvent décider du sort d’une rencontre. Gana Guèye de par sa régularité, ses capacités physiques énormes et sa qualité de relance et sa clairvoyance. Pour Kalidou Koulibaly, je dirais que c’est un défenseur réfléchi. Il est serein par rapport au niveau où il évolue, ce qui est rare chez un défenseur.

Senego

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