Exclusif: « Matar Diokhané et sa bande voulaient commettre des attaques terroristes au Sénégal »

Dans son réquisitoire qui tente d’établir la culpabilité de l’Imam Ndao et de ses présumés complices pour terrorisme supposé, le procureur de la République est largement revenu sur le séjour de onze d’entre eux poursuivis pour actes de terrorisme par association de malfaiteurs, actes de terrorisme par menace ou complots, blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et apologie du terrorisme.Selon le représentant du ministère public, les faits reprochés aux accusés ne font l’objet d’aucun doute. Le dire est simple mais le prouver requiert une autre paire de manche. Mais très méticuleux, Aly Ciré Ndiaye a ciblé un groupe d’accusés pour leur spécificité : ils ont été auprès de Boko Haram.

Il a été noté un fait constant. C’est qu’il y a un groupe parmi les accusés qui se sont rendus au Nigeria dans le fief de Boko Haram pour prêter main forte à la secte. J’en veux pour preuve les déclarations de Mouhamed Ndiaye Abou Youssouf (péripéties du voyage). C’est vrai qu’il a varié sur certaines déclarations. Il a reconnu qu’il appartient à un groupe de jeunes sunnites formé par Moustapha Diop. Le bailleur de fonds du groupe, Aboubacry Guèye et Matar Diokhané. Il a déclaré qu’il leur manquait un cadre formel qu’ils ont eu avec l’arrivée de Moustapha Diop. La premiere réunion a été tenue à Rosso, au daara d’Aboubacry Guèye. Il nous a donné la liste de toutes les personnes qui ont participé à cette réunion. Aboubacry Guèye, Latyr Niang, Matar Diokhané, Ismaila, Moustapha Cheikh Abdallah, Cheikh Ndiaye, Pape Moussa Sow, Abdallah Coulibaly, Abdou Khadre Fall. Il a donné l’objet de cette réunion, qui consistait à voir les conditions dans lesquelles les jeunes sunnites devaient effectuer des voyages en Syrie pour rallier l’EI. Il avait ajouté que l’absence de certains membres influents du groupe avait fait qu’une autre réunion a été projetée 15 jours plus tard à Richard Toll au domicile de Cheikh Tidiane, oncle de Aboubacry Guèye. Mouhamed Ndiaye nous dira que cette réunion a failli se terminer en queue de poisson parce qu’il y avait une mésentente du fait que certains membres voulaient partir en Libye ou Syrie tandis que d’autres pensaient qu’il fallait se ranger du côté d’Al Qaida. La tendance Daesh était dirigée par Moustapha Diop, Boko Haram par Matar Diokhané. Il a été finalement retenu d’aplanir les angles et c’est Matar Diokhané qui a décanté la situation en déclarant que chacun est libre de choisir son groupe.  »

Après cette réunion, Mouhamed Ndiaye est rentré en Mauritanie et a appris que ses coreligionnaires sont allés au Nigeria. Moustapha Diop avait mis sur la table 4 millions de francs pour le voyage.

A en croire le substitut Aly Ndiaye, les candidats au départ s’étaient scindés en trois groupes avec dans le premier groupe : Oumar Yaffa, Ibrahima Mballo, Ahmed Diallo, dans le second : Abdou Aziz Dia, Lamine Mballo, Cheikh Ibrahima Bâ, Ibrahima Diallo. La semaine qui a suivi l’arrivée du deuxime groupe, la troisième vague débarque et a pour membres : Pape Moussa, Cheikh Ibrahim Dieng, Abou Diallo alias Abou Jendel, Matar Diokhané avant que Lamine Coulibaly, Mory Tall et Maimouna Ly ne bouclent la boucle.

Accueillis par Abu Amir à Abadam dans une maison délaissée par leurs propriétaires qui ont fui les combats, le parquetier ajoute que les Sééngalais sont pris en charge par des éléments de Boko Haram qui leur donnaient à manger et à boire à satiété. Latyr Niang disait qu’ils ne mangeaient que de la viande, c’était la bamboula. Des moniteurs physiques étaient mis à leur disposition pour leurs entraînements physiques à partir de 17 heures.  Selon Mballo, « on me soumettait à des épreuves physiques, je me suis évanoui dès le premier jour. Il leur était dispensé des cours en langue arabe. Il leur était dispensé des cours sur le jihad et Mouhamed Ndiaye a précisé qu’il leur était dispensé pour rappeler les bienfaits de leur mission. Ils ont été transférés à Gwoza qui en 2014 est tombée dans l’escarcelle de Boko Haram. Dans cette localité, la plupart d’entre eux, ont suivi une formation militaire sous l’égide de Moustapha Diallo alias Abou Dar Dar. Initié aux techniques de démontage et de montage de Kalachnikovs, de différentes positions de tir (debout, genoux, couchés), comme soutenu par certains d’entre eux. Ils ont été initiés à la conduite des motos. On a été subdivisés en trois groupes pour les besoins de la spécialisation. « Aux armes lourdes, conduite des chars et autres blindés , et aux explosifs », nous a confié Mouhamed Ndiaye alias Abou Youssouf rapporte le substitut. Il s’est lui spécialisé à la conduite des chars de combat (Ayna Kountoum). Il a reconnu avoir pris part à deux combats, la prise de Fathul Mubin et un combat qui s’est déroulé dans la forêt de Bita (Sambisa) où il a affronté seul les soldats de l’armée. Il a aussi dit avoir participé à la riposte contre les forces de la coalition. C’était lors de cette bataille que Cheikh Ibrahima Dieng est décédé. Lamine Coulibly a confirmé la formation au maniement des armes telles que les Kalachnikovs, il avait même parlé de lance-roquettes. Ibrahima Diallo en a fait de même pour ce qui concerne le trajet, la formation militaire. Abdou Aziz Dia a précisé avoir pris part à cinq attaques, Gombi, Gwoza et Sambisa avec une arme de type Kalachnikov. Toutefois, il n’était pas partant pour le retour. Il a fait le choix de rester à Sambisa car il ne voulait pas toucher à l’argent de Shekau du fait que selon lui, des rumeurs disaient que cet argent devait servir à financer des attentats au Sénégal. Il a aussi opté de rester car il ignorait les réelles intentions de ses compatriotes. Pour ce qui le concerne, Oumar Yaffa alias Abou Hafs a soutenu avoir été démarché pour soutenir les musulmans. Une fois à Dakar, il est logé à Malika, au daara de Moussa Mbaye. Avec Ibrahima Mballo, ils ont décidé de se rendre au Nigeria. Il a confirmé le trajet, la réception par leur hébergeur à Abadam, Abu Amir. Il a dit que son objectif était d’aider Boko Haram à combattre l’armée Nigériane.

Ibrabima Mballo a déclaré avoir eu au téléphone son ami d’enfance Oumar Yaffa qui revenait de la Mauritanie et qui lui a présenté Ibrahima Diallo. Il ressortait de leur discussion qu’ils devaient se rendre au Nigeria, en compagnie de Mouhamed Ndiaye et Bélal Diallo.

Le projet de l’instauration de la Charia au Sénégal n’était agitée devant Shekau que pour l’amadouer et sortir des terroritoires de BH. Mais Mballo faisait savoir que Matar Diokhané leur avait dit qu’ils revenaient au Sénégal pour le jihad à travers des œuvres sociales.

Cheikh Ibrahima Bâ dit Abou Khaled n’a pas contesté son séjour. Influencé par Moussa Mbaye, il a rejoint le Nigeria grace au financement d’Ibrahima Bâ, bras droit de Moustapha Diop. Il a reconnu avoir appris à conduire les motos.

Aboubacry Diallo dit Abou Jendel, originaire de Richard Toll. Il fréquentait la mosquée de Abdou Guèye et a rencontré Aboubacry Guèye. Il a pu rencontrer des jeunes avec qui il partageait la même vision du jihad. Il a reconnu avoir pris part aux rencontres de Richard Toll pour déterminer le choix d’Al Qaida ou de l’État islamique. Il confirme avoir integré les rangs de Boko Haram et avoir subi une formation en maniement des armes. Il a admis avoir pris part à une attaque avec une importante saisie de carburant. Sur le projet de Diokhané, ce dernier leur a dit son intention d’implanter des cellules jihadistes au Sénégal en se servant des Vétérans du Nigeria.

Latyr Niang a tenté de revenir sur ses propos devant les enquêteurs. Il a, devant ces derniers, avoué qu’il reconnaît avoir fait la connaissance d’Aboubacry Guèye. Convaincu par ce dernier, il a fini par adhérer à la cause jihadiste et a décidé de se rendre au Nigeria pour prêter main forte à leurs frères musulmans. Mais une fois dans le fief de Boko Haram, il jure n’avoir pas participé aux combats même s’il avoue avoir été témoin de quelques coups tirés vers le ciel. Il a même révélé avoir plaidé pour un individu qui devait être exécuté pour shirk (associannisme). Il a ajouté que des vidéos de propagande étaient projetées pour les endoctriner. Ce qui l’a révulsé.

Pour le groupe du Nigéria, l’essentiel a reconnu avoir rencontré le chef de Boko Haram, Aboubacar Shekau. Il les a reçus et les a félicités. Il leur avait enjoint de faire preuve d’endurance.

Pour Diokhané, il nous a dit avoir rejoint le Nigéria, pour l’exécution d’un contrat de travail pour un salaire de 1500 euros après l’intervention de Moustapha Diop. Ce dernier lui disait que Boko Haram était à la recherche d’un spécialiste de la Charia. Comme quoi, son attitude devant la barre n’a rien à voir avec les raisons de son séjour au Nigéria, se convainc le procureur Aly Ciré Ndiaye. Il a eu même à exiger que sa troisieme épouse le rejoigne au Nigéria. De Janvier à mi mars 2015, il est resté à Abadam où il avait commencé à donner des cours. Mais on ne sait pas pourquoi il a quitté Abadam pour une autre ville. C’est parce que l’armée nigériane a assailli la ville qu’il est parti à la catastrophe, destination Handaq. Handaq où il enseignait le tajwid, le fiq, la Aqida (le dogme). Selon lui, ces enseignements avaient permis aux combattants de Boko Haram de découvrir le vrai sens du takfir et du qital (le meurtre au nom de Dieu). Il nous a parlé de la localité de Toumboudjini où se tenait un marché hebdomadaire. Mais voilà que c’est à lui qu’il a fallu faire appel pour rejoindre Shekau dans la forêt de Sambisa. Il veut après ça, nous faire croire, qu’il n’a aucun rapport avec Boko Haram.

Il s’est entretenu avec lui de 9 heures à 17 heures pour obtenir la libération de certains sénégalais qui voulaient rentrer, mais il n’a jusqu’à présent dit la conditionnalité de Shekau pour autoriser les Sénégalais à sortir. Mais n’oublions pas que Shekau a donné 6 millions de nairas aux Sénégalais désirant retourner chez eux. C’était pour effectuer une mission, perpétrer des attaques au Sénégal », tente de prouver le représentant du ministère public.

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