Entreprises turques au Sénégal : «nouveaux colons» en territoire conquis ?

Le quotidien L’AS dans son édition du 16 décembre, a rapporté des propos étonnants qui auraient été tenus par une chef d’entreprise turc à propos des Sénégalais. Il s’agit d’un responsable de Doğanlar Investment Holding, l’une des plus grandes entreprises de confection de produits mobiliers en Turquie, qui compte investir au Sénégal et conquérir le marché du mobilier en Afrique à travers le Sénégal.

L’un des membres de la Direction du groupe Doğtaş and Kelebek Mobilya, membre du holding en l’occurrence Ismail Doğan déclare: «Daily Sabah»: «Au Sénégal où il y a une population de 15 millions d’habitants. Et plus de la moitié dort par terre». C’est étonnant de se nourrir de tels clichés. On se demande bien si c’est de la mauvaise foi, du mépris ou une simplement erreur. Autrement comment peut-il dire cette énormité.

Tous ces lits que je vois exposer le long du canal sont-ils donc tout droit venus d’Istanbul ou d’Ankara ? Quand je traverse la Médina près des groupes Futurs Médias ou D-Médias, ces artisans que je vois  travailler avec beaucoup d’entrain sont-ils des Turcs?

L’investisseur turc serait-il rentré dans des maisons des plus de 7,5 millions de Sénégalais pour se rendre compte de ce que tout ce beau monde dorme à même le sol parce que les artisans sénégalais ne sauraient fabriquer des lits ? Même si 1 million de Sénégalais dormaient à même le sol, est-ce parce que le Sénégal n’a pas d’experts ou de chef d’entreprise qui fabrique du mobiliers ou c’est pour d’autres raisons?

Selon le patron turc, Doğanlar Investment Holding va se lancer dans la construction d’une usine de mobilier qui va tirer d’affaires tous ces Sénégalais dépourvus de canapés lits et autres.

La compagnie a dit clairement son intention de vouloir conquérir le marché africain en passant par le Sénégal avec un investissement de 30 milliards de francs CFA. Et pourquoi pas ? Ce n’est pas là le problème. C’est plutôt fort intéressant pour le Sénégal en termes de création d’emplois.

D’ailleurs, l’on apprend qu’il  est prévu 160 employés composés de Turcs et de Sénégalais pour le démarrage de l’exploitation.

Et que si  le projet atteint sa vitesse de croisière, d’ici 2020, il pourra  générer 700 à 1000 emplois. La construction de l’usine  va durer trois ans sur une superficie de 50 000 mètres carrés avec un apport de 30% venant de partenaires étrangers. «La première phase a été d’ailleurs lancée au mois de mai de l’année 2016 et il sera ouvert en juin 2018», indique-t-on. Tout ça est merveilleux.

Le journal turc dit également que les artisans locaux qui seront employés par son unité industrielle bénéficieront de renforcement de capacité puisque le Sénégal manque d’expertise dans la fabrication de sofa et de lit-canapé. Si cela est prouvé ce ne sera que positifs. «Ils seront envoyés en Turquie dans nos usines pour s’imprégner davantage sur le métier et avoir les aptitudes requises pour relever le niveau technique. Ils seront ensuite employés dans nos usines au Sénégal», a-t-il expliqué.

Le partenariat reste intéressant. C’est aussi louable que le Sénégal diversifie ses partenaires de par le monde. Par contre, venir avec certain regard, entretenir des a priori sur un peuple est choquant.

Désir  de  puissance

La montée en puissance de la Turquie dans le monde est incontestable. Et les pays africains gagneraient bien à commercer avec ce pays dans le cadre de la diversification des partenaires. Des ambitions diplomatiques et géopolitiques de Recep Tayyip Erdogan sont impérieuses et sans limite. Ankara a un vrai désir de puissance. Membre du G20, l’économie turque est en plein essor. Depuis quelques années, comme les BRICS, elle est aux portes du continent et toque à la porte.

Les entreprises turque font bien leur beurre dans divers secteur d’activités au Sénégal: la restauration, l’éducation, le commerce, le BTP. Peut-être les plus célèbres sont Suma et Limak, rendues elles-mêmes célèbres par les travaux d’achèvement du nouvel aéroport du Sénégal, dont ils auront la gestion pendant environ 25 ans au nez et à la barbe des entreprises sénégalaises qui ont râlé, en vain.

Sur le plan commercial comme l’avait annoncé le ministre turc de l’Economie, Nihat Zeybeki, le 21 décembre dernier, le volume d’échange entre le Sénégal et la Turquie est de plus de 138 milliards de francs CFA.  Et l’ambition d’Ankara c’est d’atteindre la barre de 548 milliards de dollars d’ici 2020. Tout ça est une excellente chose. Les hommes d’affaires sénégalais devraient mieux se préparer pour profiter de cette opportunité  qu’offre la Turquie. L’Etat devrait également s’employer à favoriser un transfert de technologie dans certains domaines de la part des entreprises turques.

Sur un autre plan, Nihat Zeybeki avait notamment indiqué que le Sénégal avec qui la Turquie partagent beaucoup de similitudes, dont la constance de la croissance économique, a toujours été un partenaire privilégié d’Ankara, dans les domaines économique et commercial. Ça c’est le côté politique et officiel. Tout compte fait, les portes du Sénégal sont ouvertes. Ce n’est pas une raison pour que les Turcs, pour que les partenaires d’affaires regardent les Sénégalais du haut, tiennent un discours condescendant et présomptueux et quelque peu colonialiste.

Senenews

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici