Élections 2019 au Sénégal : et à la fin, c’est Macky qui risque de gagner !

PartagerPascal Lissouba, ne disait-il pas qu’on n’organise pas des élections pour les perdre ? Chaque président avec sa manière de se faire réélire, certains utilisent le quadripartisme, d’autres manipulent les élections et d’autres utilisent le parrainage, l’emprisonnement des potentiels adversaires et tout ce que la loi leur donne comme outil pour gagner. La soif du pouvoir des leaders africains est incommensurable. 
Les sondages étant interdits par la loi sénégalaise, il est presque impossible d’avoir des prévisions des résultats. Malgré l’interdiction des sondages, nous avons vu autant du camp de l’exécutif que du camp de l’opposition des sondages dont les études sont douteuses. Le deuxième tour semble se précisait de jour en jour à cause du bilan pas trop glorieux du président Sall. Cependant, il est très difficile de comprendre la manière dont les Sénégalais votent. En 2007, tout le monde pensait que le président Wade allait sans doute disputer le second tour, mais il a gagné les élections de 2007 avec 55,9 % des suffrages exprimés. Viendront loin derrière lui ses anciens premiers ministres, Idrissa Seck et Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng parmi les quinze candidats. 

Une opposition toujours dispersée 

En 1983, après l’avènement du multipartisme, nous assisterons à la multiplication des candidatures et cela n’était pas bénéfique à l’opposition. On pouvait qualifier le multipartisme de « trop de démocratie » car il y avait treize partis d’opposition compare au quadripartisme dont le Sénégal était habitué. Malgré leur nombre important, l’opposition n’arrivait pas à remplir son rôle de contestataire et il n’y avait aucun programme en place à offrir aux Sénégalais. L’opposant Wade ayant constaté cela, disait durant la déclaration de sa candidature que « l’union de toutes les forces démocratiques en vue du changement doit être effectué autour d’un programme minimum, en écartant les discutions d’écoles, les querelles byzantines et les idéologies… » Plusieurs partis refusent de se ranger derrière Mamadou Dia et le docteur Oumar Wone disait que le peuple le choisira et avait même annoncé Landing Savané comme son futur Premier ministre. Une opposition éparpillée facilitera la tâche au président Diouf, mais aussi sa politesse et sa discrétion. En 1988, il y avait le soulèvement des étudiants pour faute de paiement des bourses d’étude causant une année blanche. En 1993, on assistera à la démission du président du Conseil constitutionnel et à l’assassinat de son vice-président. En 2000, il y avait huit candidats pour les élections présidentielles. Le scrutin se passe de manière paisible et le président Diouf récolte 41,33 % des suffrages contre 30,97 % pour le président Wade. Un second tour est obligatoire, et c’est la première fois que l’alternance est à portée de main. Malheureusement, le PS ne s’était jamais préparé à un éventuel second tour et son secrétaire général disait que « le deuxième tour ne fait pas partie de mes préoccupations, je travaille pour élire notre candidat au premier tour. » Il fallait trouver quelque chose de manière hâtive et le président Diouf présente son programme en quelques points qui sont entre autres un gouvernement de majorité plurielle gauche, la baisse du taux d’intérêt du crédit agricole, la mensualisation des pensions des retraites ainsi que leur défiscalisation, la gratuité des soins des 60 ans, la création d’une agence pour s’occuper des émigrés. Toute l’opposition s’attendait à une coalition derrière le président Wade de façon naturelle jusqu’à ce que Djibo Ka annonce qu’il retournerait aux côtés du président Diouf. Cela bouleversa tout l’ordre établi. Le président Diouf lui avait promis le poste de la Primature s’il était réélu. Malgré cette alliance avec le président Diouf, les membres de l’URD ne respectèrent pas l’appel de leur leader, car le score du président Diouf ne changea pas entre les deux tours. Ceux qui avaient voté pour lui durant le premier tour furent les mêmes à avoir voté pour lui durant le second tour. Si le président Wade est devenu président, c’est en quelque sorte à cause du président Diouf qui a démocratisé la sphère politique en facilitant les partis à se présenter aux élections, alors qu’il pouvait user du système de Senghor, du parrainage et ou de l’emprisonnement. 

L’ère Wade  

Le phénomène de « Barca wala Barsax » pris de l’ampleur sous le président Wade avec des milliers de jeunes qui ont risqué leur vie pour traverser la méditerranée. On sentait le manque de confiance de la jeunesse malgré les promesses du chef de l’Etat de créer des emplois pour tout le monde. Après sept ans a la tête du Sénégal, le président Wade pensait avoir un bilan très glorieux pendant que l’opposition pensait au contraire. Dakar, qui était l’une des grandes villes les plus polluées avec des embouteillages à ne pas finir, le président Wade a décidé d’investir dans les infrastructures. Il faut noter que les investissements dans ce sens ont augmenté de plus de 800 %. Il y a eu plusieurs réalisations dans ce sens dont l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, les travaux en préparation du sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), prévu à Dakar en 2008, les chantiers de la corniche ouest, l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Ndiass et la plate-forme industrielle de Diamniadio. Le premier daara moderne du Sénégal aussi a vu le jour sous le président Wade dans la cité de Tivaouane. Dans le même sens, il a été le réalisateur de la case des tout-petits aussi. Sur le plan social, on a vu la naissance du programme « Badiénou Gokh » et la gratuité de la césarienne. Il a aussi mis en place les Plans Sésame et Jaxaay afin de protéger les couches le plus vulnérables avec des programmes spécifiques. On verra dans ces programmes la prise en charge gratuite des personnes âgées de 60 ans et plus, la gratuité des antituberculeux, des vaccins, des ARV et des ACT. Il y avait aussi la subvention de l’insuline à hauteur de 300 millions F CFA par an ainsi que la subvention de la séance de dialyse allant entre 50 000 à 10 000 F CFA. Nous n’allons pas omettre de parler de l’adoption de la loi sur la parité hommes-femmes dans les instances électives. Sur le plan économique, tous les secteurs ont enregistré une croissance par rapport à l’ère du président Diouf. Le PIB par habitant est passe de 1200 dollars en 2000 à 1800 dollars en 2010, enregistrant ainsi une hausse de plus de 40 %. La dette extérieure était de 1750 milliards pendant que la dette intérieure était de près de 440 milliards. Sur le plan du transport, on verra l’acquisition des bus TATA pour Dakar Dem Dikk en remplacement à la défunte SOTRAC. Il y a eu aussi le renouvellement des cars rapides avec TATA et King Long. Il y a eu aussi les taxis appelés « Seniran » par SENIRAN AUTO qui résulta d’un partenariat entre Iran et le privé national. Il y a aussi eu l’acquisition de deux bateaux de dernière génération. Sur le plan de la bonne gouvernance, et de l’atmosphère pré-électorale, il y avait beaucoup de tohu-bohu. Le président Wade était accusé de népotisme, donnant ainsi à ses enfants des postes de responsabilité malgré le manque d’expérience notée. Il y avait le problème « des chantiers de Thiès » qui a tenu en haleine le pays pendant des années. Le président Wade avait accusé son fils spirituel d’avoir détourné l’argent du public avant et il fut emprisonné pendant 7 mois pour après obtenir un non-lieu total. Il y avait beaucoup de scandales sous le président Wade avec les affaires suivantes : tentative de corruption de l’agent du FMI Alex Ségura par le Président lui-même, la tentative de corruption du journaliste du Figaro, les 7,5 milliards de Taiwan, les 20 milliards de l’affaire SUDATEL, le saccage des locaux des organes de presse. L’opposition lui reprochait par rapport à la validité du fichier électoral numérisé. Le scrutin s’est déroulé dans le calme malgré l’appréhension. 

L’ère Sall 

D’après l’OCDE, le Sénégal est l’un des pays à recevoir le plus d’aide dans le monde bien qu’il ne soit pas le pays le plus pauvre, mais fait partie des pays les plus pauvres au monde. Le phénomène Barca wala Barsax s’est poursuivi sous le président Sall par manque toujours de confiance des promesses du président. Après 7 ans au pouvoir, le président Sall a aussi fait des réalisations dans les infrastructures. En 2012, il y avait près de 5 000 kilomètres de routes revêtues et 10 000 kilomètres de routes en terre. En 2016, le Sénégal comptait près de 6 000 de kilomètres de routes revêtues et 10 500 kilomètres de routes non revêtues. Sous le président Sall, il y a eu de grandes réalisations comme le TER. Ce dernier a été inauguré et il va relier l’aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) à la capitale d’ici six mois. Il va transporter plus de 100 000 passagers par jour en moins d’une heure de temps de l’aéroport de Diass à Dakar. Il a aussi eu à faire des réalisations comme : la réhabilitation et l’élargissement de la RN2 et de la RN6, l’autoroute Ila Touba, la réhabilitation du pont de Sénégal 92 entre autres. Sur le plan social, il y a la Bourse de sécurité familiale et la CMU qui comprend entre autres la gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans et les personnes âgées, la gratuité de l´hémodialyse et de la césarienne, la gratuité des antirétroviraux. Sur le plan économique, le président Sall a initié le PSE en 2014 pour une émergence à l’horizon 2035. Ces lourds investissements dans les infrastructures ont créé une croissance très forte au Sénégal. Conséquemment, le Sénégal a eu à enregistrer le taux de croissance le plus élevé de son histoire de 7,2 % en 2018. Ce taux de croissance vient avec une dette élevée, c’est ainsi que la dette est de presque 6 000 milliards. Il y a eu aussi AFTU : de 2012 à 2016, 1150 cars ont été mis en service, soit une moyenne de 230 cars par an et pour Dakar Dem Dikk : de 2012 à 2016, 710 bus ont été mis en service, soit une moyenne de 142 bus par an. Ce programme s’est élargi dans les régions avec la mise en circulation de 287 minibus en 2016. Sur le plan de la bonne gouvernance et pré-électorale, on assiste aussi au même scénario que sous le président Wade. Le président Sall est accusé de népotisme avec sa famille très implique dans les affaires de l’Etat après avoir dit qu’il ne ferait pas comme le président Wade dans ce sens. Il y a eu le problème de Karim Wade avec la réactivation de la CREI pour le condamner, ce qui a tenue en haleine le pays pendant plus de trois ans. Il y a eu aussi le parrainage qui a été voté et a été appliqué pour limiter les candidats à cinq. Il y a eu aussi l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Il y a aussi eu des scandales sous le président Sall : les affaires Bictogo, Pétrotim, et Prodac sont à noter, mais aussi la perception de l’instrumentalisation de la justice. La CREI avait cité 25 personnes, mais à la fin, une seule personne a été jugée et condamnée, il y a aussi eu le cas de l’ancien maire de Dakar. La CEDEAO, qui est supranationale, avait dit qu’il y avait des irrégularités dans son procès, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait aussi dit que « la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade doit être réexaminée ». 

Comparaison n’est pas raison. 

Nous voyons qu’il n’y a pas eu trop de changement entre le père adoptif et le fils adoptif. La politique au Sénégal se fait de la même manière, il s’agit d’inaugurer et de comparer son mandat au mandat des présidents précédents. Le président Wade avait augmenté la caution d’une manière exorbitante pendant que le président Sall a utilisé le parrainage pour éliminer les potentiels candidats.Comparaison n’est certes pas raison, mais si nous suivons le raisonnement de l’électorat, c’est Macky Sall qui risque de gagner les élections. Nous n’avons pas encore eu de président qui ait un modèle économique adéquat à nos réalités. Que des politiciens ! Le Sénégal est en mesure de se développer avec des dirigeants qui mettent l’intérêt du Sénégal en avant. Si l’opposition ne s’organise pas comme durant la première alternance politique du Sénégal, le président Sall sera reconduit pour un second mandat. Peu importe qui sera le prochain président, il faut impérativement industrialiser le pays pour créer des emplois durables, avoir une justice impartiale et développer le Sénégal. Il est temps d’arrêter la politique politicienne afin de développer notre pays. Thomas Sankara disait : « La maladie ne se guérit point en prononçant le nom du médicament, mais en prenant le médicament.» 

Mohamed Dia, Consultant bancaire

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