Dr Cheikh Diallo: Macky est condamné à emporter la Présidentielle au premier tour, sinon il perdra au second, face à un Ousmane Sonko ou un Idrissa Seck »

Cheikh Omar Diallo est enseignant-chercheur, juriste, docteur en Science politique et expert en communication politique. En sa qualité d’analyste politique, le Fondateur de l’Ecole d’Art Oratoire (EAO) revient dans cet entretien avec l’Observateur sur les enjeux de la présidentielle de février 2019.

Dr Cheikh Diallo, ils ne seront pas plus de huit candidats à la présidentielle du 24 février 2019. Pas loin de vos pronostics.

Exact ! Dans vos colonnes, il y a six mois, j’affirmais qu’avec le parrainage, nous n’aurons pas plus de huit candidats au scrutin présidentiel. Petite étude comparative : en 2000, nous avions 8 candidats en lice ; en 2007, 13 postulants ; en 2012, 14 ; en 2019, six à sept candidats seront sur le départ. Il y a un enseignement à tirer : le filtre juridico-électoral consistant à limiter « les candidatures faciles » était moins dans le coût élevé de la caution présidentielle que dans le nombre de signatures. Indiscutablement, le parrainage est un véritable test de pré-représentativité. Du point du vue de la Science politique, on peut parler de « primaires à la Sénégalaise « . 

 Quelle appréciation faites-vous du bilan de Macky Sall, candidat à sa propre succession ?

Un bilan est constitué de deux colonnes : l’actif et le passif. Sans hésitation, je dirais qu’il a fait des efforts appréciables sur le plan économique et social. Il faut reconnaître que le « Macky social » existe. Et, la conversation nationale qu’il entretient avec une partie du « Sénégal profond » est fructueuse. Sous ce rapport, même si les gouvernements ne font jamais assez pour les populations, l’écriture sociale de Macky Sall a rencontré son public. De ce point de vue, il a essayé d’être un correcteur d’inégalités. 

Alors quels ont été les points faibles de son mandat ?

Je l’ai dit en d’autres circonstances. Certes, le PSE – le référentiel de sa gouvernance – est un bon instrument d’intelligence économique et social. Cela dit, le président sortant n’a pas mené de politique réformatrice dans les trois organes vitaux de la Nation sénégalaise à savoir : la santé, l’éducation et l’emploi. En l’espèce, Macky Sall n’aura pas été un président-réformateur. Il n’a pas réinventé l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. La santé est toujours ce grand corps malade. Il n’a pas bousculé notre rapport au travail et à l’emploi. Il n’est pas allé en guerre contre les archaïsmes et les conservatismes. Paradoxalement, Macky Sall garde une vision futuriste : il a créé une ville d’affaires Diamniadio, un aéroport de standing international, Blaise Diagne, et a ouvert la voie au T.E.R qui entrera en gare le 14 janvier. Cerise sur le gâteau, la découverte du pétrole et du gaz rend la destination Sénégal plus attirante. 

Au soir du 24 février 2019 quel candidat a des chances de sortir vainqueur des urnes ?

Sans faire de la météo politique, le trio de tête sera composé de Macky Sall, Idrissa Seck et Ousmane Sonko. C’est une quasi-certitude mathématique. Cela dit, le candidat Sall, fort de la prime au sortant, part avec les faveurs des pronostics pour deux raisons majeures. D’une part, il n’existe pas de véritables adversaires en lice. D’autre part, ses deux redoutables ennemis, Karim Wade et Khalifa Sall ne seront pas en lice. En vérité, l’élève Macky a bien appris la leçon du professeur Wade. En un sens, il a même dépassé son maître. Wade et Macky sont des tueurs professionnels, des fauves qui se nourrissent du sang des autres animaux de la jungle politique. Ils ont besoin de tuer pour vivre. Wade utilisait la mitraillette ; Macky choisit des armes silencieuses et mène des guerres tranquilles. Sous ce rapport, Macky Sall est bien parti pour un second mandat. Mais deux écueils guettent tout homme politique en campagne. L’excès de confiance et le doute. La confiance aveugle vous fait dormir sur vos lauriers, la garde baissée. Tandis que le doute paralyse votre énergie. 

Vous pensez donc que le rabat d’arrêt sera rejeté par la Cour suprême et que Khalifa Sall ne sera pas sur la liste de départ ? Karim Wade non plus ?

Ecoutez ! On n’a pas besoin d’être un magicien du droit électoral pour dire que Karim Wade n’étant pas électeur, il ne sera donc pas éligible. Mieux, la candidature de Me Madické Niang est la meilleure preuve de l’irrecevabilité de la candidature de Karim Wade. Quant au rabat d’arrêt, bientôt introduit par les avocats de Khalifa Sall, je ne suis pas dans la tête des juges. En revanche, je puis affirmer que si le rabat d’arrêt est introduit ce 7 janvier par exemple, les chambres réunies de la Cour suprême se prononceront, au plus tôt, le 7 février prochain, soit un mois plus tard. Or la Constitution oblige le Conseil constitutionnel à rendre publique, la liste définitive des candidats, 35 jours avant le scrutin présidentiel. Donc le dimanche 20 janvier 2019 sera le jour du jour de Khalifa Sall. En conséquence, le juge constitutionnel se prononcera avant la Cour suprême. 

Les tenants du pouvoir sont convaincus qu’il n’y aura pas de second tour. Partagez-vous cet avis ?

Je vais nuancer cet avis en disant que le président sortant est « condamné » à l’emporter au premier tour, sinon il perdra au second, face à un Ousmane Sonko ou un Idrissa Seck. Toutefois, ma connaissance profonde de la classe politique me fait dire qu’une bonne frange de l’opposition préfère Macky Sall, pour les cinq prochaines années, à un nouvel élu qui, dès son installation, préparera sa réélection. C’est élémentaire ! Entre un président qui partira en 2024 et un autre qui restera jusqu’en 2029, la messe est dite. 

Dans l’hypothèse de sa réélection, quel président sera-t-il ?

Tout président qui entame un dernier mandat est frappé du « syndrome du canard boiteux », un terme propre au Droit constitutionnel américain. Ce qui signifie qu’avant le terme définitif du deuxième et dernier mandat, Macky Sall assistera impuissant à sa perte d’influence institutionnelle et politique. In concreto son quinquennat durera… trois ans au plus. Parce qu’à mi-mandat, les lieutenants, les barons et les commandants en chef de la coalition présidentielle voudront, à juste raison, s’émanciper. Les intentions présidentielles naîtront au grand jour. Les alliances et les mésalliances domineront l’actualité. Les petits meurtres entre amis et les grandes trahisons entre copains feront les choux gras des médias. Macky Sall n’aura plus que l’illusion du pouvoir. La réalité du pouvoir sera déjà ailleurs. Dès lors, le président de la République comptera encore mais ne pèsera plus. En 2024, il sera un jeune retraité politique de 62 ans.  

Mais il restera encore le maître du jeu puisqu’il aura le privilège d’organiser les élections…

… Y compris le scrutin législatif de juillet 2022 et la présidentielle de février 2024. Plutôt l’arbitre du jeu et non le maître. A ce stade, deux grilles d’observation. D’une part, l’on saura cinq ans à l’avance, le jour de son départ. Théoriquement le 1er avril 2024. D’autre part, il sera le premier à organiser un scrutin présidentiel pour lequel il ne sera pas candidat.  

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