Dossier : AVC, les trois lettres qui tuent

f3ee6e03ede5171152d7383d214e8c2db38333bfL’accident vasculaire cérébral (AVC) est devenu un problème de santé publique au Sénégal. Dans les centres de santé, il constitue plus du 1/3 des consultations ou hospitalisations. Sa détection rapide peut permettre une récupération. Mais attention au diagnostic tardif !

Lors de sa leçon inaugurale à l’université Cheikh Anta Diop le 16 janvier dernier, sur le thème : «Les neurosciences : enjeux et perspectives», Ibrahima Pierre Ndiaye, Professeur agrégé en neurologie, a alerté sur l’ampleur des accidents vasculaires cérébraux. Selon lui, les AVC sont devenus un problème de santé publique au Sénégal, car, ils représentent plus de 30% des hospitalisations.

Un tour au centre hospitalier universitaire de Fann a permis de constater l’ampleur du phénomène. Entre les urgences, les patients opérés récemment et ceux qui sont admis en rééducation, le service neurologie est à la limite de ses capacités d’accueil. Ce trouble vasculaire cérébral touchant les vaisseaux sanguins qui amènent le sang au cerveau est une maladie qui n’épargne personne, jeunes comme vieux.

Après une séance de cours avec les étudiants internes des hôpitaux, le docteur Alioune Badara Thiam, Neurochirurgien au CHU Fann, est revenu sur quelques cas cliniques.

AVC en plein match de football

Preuve que cette pathologie peut survenir à la fleur de l’âge, O. F. est tombé du haut de ses 16 ans, lors d’un match de foot, sans qu’il n’y ait un quelconque contact avec un autre joueur. Il ne pouvait se relever, car la moitié droite de son corps (bras et jambe) était paralysée. Admis au service de Fann, un scanneur a montré un AVC hémorragique secondaire à une malformation artério-veineuses (MAV). Une dérivation sanguine a été réalisée. Il est conscient, mais garde sa paralysie. Une cure de sa MAV n’est pas possible chirurgicalement. Il devra se rendre en Europe pour une radiologie interventionnelle.

Mme F. M., 48 ans, est reçue en cardiologie pour des céphalées (douleur locale ressentie au niveau de la boîte crânienne et parfois de la nuque : Ndlr) accompagnées de photophobie (crainte de la lumière due à une sensation visuelle pénible produite par la lumière : Ndlr). Malgré un traitement bien conduit, les céphalées persistaient toujours et étaient accompagnées d’une raideur de la nuque. Un scanneur a confirmé une hémorragie méningée et le bilan causal, un anévrisme (dilatation de la paroi d’un vaisseau sanguin, plus couramment d’une artère : Ndlr). Elle aura plus de chance, car après avoir bénéficié d’un clippage chirurgical, elle est sortie de l’hôpital depuis 7 mois sans séquelles.

A.S., 66 ans, victime d’un HTA (AVC sous forme hémorragique) mal suivie, a présenté, il y a 2 ans, de façon brutale des céphalées atroces irradiant jusqu’au niveau de la nuque et associées à des vomissements et des troubles de la conscience. A l’examen, la tension artérielle était très élevée et la patiente était obnubilée. Un scanner fait en urgence a montré un hématome intra cérébral. Il a bénéficié d’une évacuation chirurgicale et un traitement contre l’HTA. Actuellement, il va mieux, mais persistent les vertiges et les troubles de l’équilibre. Le traitement est onéreux et peut aller jusqu’à 600.000 F CFA. En France, le nombre de personnes atteintes est estimé à 500 000 avec 150.000 nouveaux cas annuels.

Qu’est-ce que l’AVC au juste ?

Dr Alioune B. Thiam, neurochirurgien du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Fann explique que les accidents vasculaires cérébraux (AVC), appelés aussi attaque cérébrale, à l’image de la crise cardiaque, du fait de leur mode d’installation brutale, soudaine, sont liés à une perturbation de la circulation cérébrale. Il peut s’agir d’une artère qui s’obstrue (se bouche), on parle d’AVC ischémique ou infarctus cérébral, d’un saignement d’un vaisseau (c’est l’AVC hémorragique). Son collègue, Ngor Side Diagne, assistant-chef de clinique au service de neurologie du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Fann qui traite de l’Accident vasculaire ischémique (AVCI), ajoute qu’il s’agit de signes de souffrance encéphalique d’origine vasculaire. On en distingue l’accident vasculaire cérébral hémorragique (AVCH) du à une rupture de la paroi artérielle et l’Accident vasculaire ischémique (AVCI) en rapport avec une obstruction artérielle.

Il y a un troisième type d’accident vasculaire beaucoup plus rare qui est en rapport avec une obstruction des veines cérébrales. Il et appelé Thrombophlébite cérébrale Dr Alioune B. Thiam note qu’en Neurochirurgie, l’entité pathologique prise en charge concerne généralement l’AVC hémorragique qui peut prendre la forme d’un hématome intracérébral (forme collectée) ou d’une hémorragie méningée (forme diffuse) ou mixte (cérébro-méningée). «Notons juste qu’il existe une autre pathologie qui se rapproche de l’AVC qu’on appelle l’hématome sous dural chronique qui peut se manifester comme tel et atteint les personnes âgées. Il est péri-cérébral », précise-t-il..

Docteur Ngor Side Diagne soutient que l’obstruction d’une ou plusieurs artères cérébrales, à l’origine de l’AVCI, entraine la mort des neurones par une chute critique du débit sanguin cérébral et une insuffisance d’apport d’oxygène. «La mort neuronale entraine la perte des fonctions de ces neurones expliquant la paralysie. En fonction de la durée d’évolution des symptômes, on distingue les accidents ischémiques transitoires avec des signes totalement régressifs en moins d’une heure et l’AVCI constitué au-delà de 24 heures d’évolution», enseigne-t-il.

Quelles sont les principales causes de l’AVC?

Dr Alioune B Thiam explique que l’HTA constitue la 1ere cause de l’AVC hémorragique. «L’alcoolisme, le tabagisme, la prise de drogues (cocaïne, amphétamine…), le traitement par certains médicaments (Aspirine, Aspégic, anti vitamine K…) utilisés souvent en cardiologie et en neurologie pour fluidifier le sang et certaines maladies comme l’angiopathie amyloïde (maladie qui se caractérise par la présence, à l’intérieur d’un vaisseau du cerveau, de dépôts) sont également mises en cause. Certaines malformations des vaisseaux entraînent également des AVC hémorragiques comme l’anévrisme ou la dilatation localisée au niveau de la paroi des artères et les MAV ou malformations artério-veineuses… Chez le sujet jeune, un AVC hémorragique doit faire rechercher systématiquement un anévrisme (surtout en cas d’hémorragie méningée) ou une MAV. Il existe des situations où la cause est indéterminée, on parle d’hémorragie idiopathique», notent-il.

Dr Ngor Side Diagne, pour sa part, explique que les causes d’AVCI sont nombreuses mais les plus fréquents sont les anomalies cardiaques, les anomalies sanguines entrainant une hyper coagulation du sang et le rétrécissement de la lumière des artères par des dépôts de lipides, d’éléments du sang. Ce rétrécissement artériel est favorisé par l’HTA, le tabagisme et le diabète.

L’AVC constituent la première cause de handicap acquis chez l’adulte et 1/3 de la mortalité

Le pronostic dépend surtout du siège de l’hémorragie et de son volume, mais aussi de l’état clinique initial du patient (coma ou pas). «Certaines localisations comme le tronc cérébral sont d’emblée graves et fatales, d’autres (lobe frontal) moins. D’autres de siège accessible, peu profond et de volume important, peuvent être jugulées par une évacuation chirurgicale. Lorsque l’AVC est de petit volume et sans cause malformative, un traitement médical peut suffire. En outre, la présence de tares, d’un âge avancé sont des facteurs de mauvais pronostic», explique le docteur Thiam.

Dr Ngor Side Diagne renseigne que les AVC constituent la première cause de handicap acquis chez l’adulte et 1/3 de la mortalité. «Certains facteurs associés à l’AVC sont susceptibles d’alourdir cette mortalité. Il s’agit l’hyperglycémie, l’hypoglycémie, l’hyperthermie et les dysnatrémies», fait-il savoir.

Le Dr Alioune B. Thiam renseigne que c’est surtout la survenue des signes de début qui doivent alerter : céphalées brutales en coup de poignard (on parle de «coup de tonnerre dans un ciel serein »), inhabituelles, paralysie d’une partie du corps (moitié latérale en générale)… Des situations de coma d’emblée sont fréquentes.

Dr Ngor Side Diagne explique que concrètement, il n’existe pas de signes avant-coureurs de l’AVCI, car les manifestations sont de survenue brutale et soudaine. Cependant, l’existence d’un premier épisode antérieur régressif (AIT) est considérée comme un avertissement. Les manifestations sont la paralysie de la moitié du corps ou d’un membre, le trouble visuel (baisse de l’acuité visuelle, vision double, cécité d’un œil), la perte du langage, la déviation de la bouche, la perte de connaissance, le trouble de la sensibilité et le trouble de l’équilibre Quels sont les moyens de prévenir cette pathologie?

Pour prévenir l’AVC, le Dr Alioune B. Thiam recommande de cibler certaines causes comme l’HTA, la toxicomanie, l’alcoolisme et le tabagisme. «Pour les patients sous traitement anti coagulant et antiagrégant visant à fluidifier leur sang, un suivi régulier est nécessaire pour guetter un éventuel surdosage. Les malformations vasculaires telles que les anévrysmes ne se révèlent malheureusement que lorsqu’elles saignent. Il est assez rare de les diagnostiquer non rompus», fait-il savoir.

Le Dr Ngor Side Diagne, lui, préconise la prise en charge de façon précoce des facteurs de risque cardiovasculaire. «Il faut un traitement adapté et régulière de l’hypertension artérielle, une prise en charge d’un diabète, et d’une hypercholestérolémie. Il faut arrêter de fumer, manger moins gras, moins sucré, moins salé et bouger (pratique sportive)»,.

Recommandations

Le Dr Alioune Badara Thiam indique que les AVC sont des urgences vitales et peuvent engendrer des séquelles motrices et intellectuelles avec un handicap important. «Le diagnostic doit être précoce en s’aidant de l’imagerie comme le scanneur ou l’IRM. Une prise en charge adaptée nécessite un avis spécialisé quant à une indication chirurgicale. Il importe d’insister sur les moyens préventifs de certaines causes comme l’HTA qui est soit un facteur causal soit un facteur déclenchant, l’alcoolo-tabagisme», dit-il. Son collègue, le Dr Ngor Side Diagne, recommande de manger moins gras, moins salé, moins sucré et demande aux population de bouger (pratiquer du sport) et d’arrêter de fumer. «Pour les patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire, il faut une prise régulière des médicaments antihypertenseur, antidiabétique et hypocholestérolémiant», explique-t-il. Il demande aussi le respect des rendez-vous de suivi, car ils permettent de déceler l’inefficacité thérapeutique et d’ajuster les traitements.

 

Auteur: Hamad Ndiaye – Seneweb.com

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