DECLARATION SOUS SERMENT DE FATOUMATTA JAWARA:«Ils ont appelé plus de 10 hommes dans la chambre et ils leur ont demandé de me violer… »

Arrêté lors de la manifestation du 14 avril dernier à Serrékunda, la responsable des jeunesses féminines de l’UDP a fait une déclaration sous serment, déposée par ses avocats (interdits de plaider oralement) à la Haute Cour de justice. Dans la déclaration publié par freedomnewspaper (en version anglaise) et traduite par nos confréres de Jotay, Fatoumatta Jawara explique en détail, les conditions de son arrestation, les tortures et humiliations qu’elle a subies à l’Unité d’Intervention de la Police (PIU), à la National Intelligente Agency (NIA) et à la prison de Mile 2 où elle est présentement détenue.

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Nom: Fatoumatta JAWARA,

Adresse: Tallinding,

Age: 26 ans

Statut: Marié avec 3 enfants âgés de 7 ans, 4 ans et 3 ans

Le 14 Avril, je suis allé à l’école pour rassembler mes documents parce que j’avais un test le vendredi et le samedi suivant. Je participe à MDI. Sur le chemin du retour, je suis sorti du véhicule de transport à hauteur de Westfield. Quand je suis descendu du véhicule, j’ai vu des gens courir dans toutes les directions. Ils étaient pourchassés par des officiers paramilitaires.

Je ne savais pas ce qui se passait. J’ai commencé à courir moi aussi. Un officier paramilitaire m’a poursuivi, puis trois autres. Ils m’ont pris et m’ont jeté dans un camion en me donnant des coups de pied. Il y avait d’autres personnes dans le camion. Les agents ne faisaient qu’arrêter les gens et les jeter à l’arrière du camion.

J’ai demandé ce qui se passait. Quand j’ai posé cette question, l’un des agents m’a giflé. Nous avons été conduits à l’PIU à Kanifing. Autour de 17 heures-18 heures le même jour, nous avons été transférés à l’aile qui sert pour les détentions provisoires à mile 2 (prison centrale de Banjul).

Ils nous ont enfermés là-bas jusque vers 1-2 heures du matin. Ensuite, nous avons été appelés par des agents pénitentiaires qui nous ont demandé de sortir. Je pensais qu’ils allaient nous libérer, mais malheureusement, nous avons été escortés et amenés à la NIA. Nous étions nombreux. Et à partir de la PIU, il y avait environ 27 d’entre nous qui ont été conduits à Mile 2.

 

«Ils m’ont conduit dans un endroit sombre…. Ils me déshabillèrent et je fus si sérieusement battue, que je me suis évanoui…Quand j’ai éternué, ils ont dit : maintenant elle va bien».

 

Quand on nous emmenait à NLA, nous étions dans des véhicules différents. J’ai été amené en compagnie de Fatou Camara et d’autres agents sur un véhicule. Sur place, on nous a conduit un à un dans une pièce. Je ne savais pas où ils avaient conduits mes compagnons. Je n’ai pas vu Solo.

On m’a emmené devant un grand homme qui a attaché sa tête avec un foulard. Il m’a pris par le dos. Je ne pouvais pas bouger. Il a utilisé mon mouchoir de tête pour couvrir mon visage, la tête et la bouche.

Il me parlait en langue malinké, en disant : «êtes-vous membre de l’UDP, vous voulez détruire ce régime agréable, mais vous allez voir les gars ».

Ils m’ont conduit dans un endroit sombre. Je ne peux pas dire où je me trouvais parce, que mon visage était couvert par ma mouchoir de tête. Ils me déshabillèrent et je fus si sérieusement battue, que je me suis évanoui.

Quand ils ont arrêté de me battre, ils m’ont conduit dans une autre pièce. Je les ai entendus parler ; quelqu’un a dit : « donnez-lui de l’eau ». Une autre personne a dit qu’ils devraient attendre parce que s’ils me donnent à boire, je vais mourir.

Ils m’ont mis sur une table. Et quand j’ai éternué, ils ont dit ; maintenant elle va bien. L’un d’eux m’a dit: «Fatou vous êtes une femme forte, nous avons entendu parler de vous ; mais ce qui va se passer, c’est quelqu’un qui va vous le raconter, mais vous ne saurez pas le raconter ».

Ils me parlent en anglais et Mandinka. Ensuite, ils ont appelé plus de 10 hommes à l’intérieur que la chambre et ils leur ont demandé de me violer. Je leur ai dit que je ne connais pas un autre homme que mon mari et ce serait mieux pour eux de me tuer. Je préfèrerais mourir. Ils se sont arrêtés.

Ils ont voulu me conduire dans une salle d’interrogatoire, mais je ne pouvais pas marcher. Ils sont venus me soulever et me jeter dedans.

Avant d’avoir été battu, juste après que nous sommes arrivés à la NIA, ils m’avaient forcé à faire une déclaration indiquant que je faisais partie des manifestants. J’ai fait la déclaration avant que je ne sois battu. Ils m’ont menacé de me torturer si je refusais de faire la déclaration. J’ai fait une déclaration. Quelqu’un a écrit la déclaration et je l’ai signé.

Je ne peux pas reconnaître les hommes qui me frappaient. Je pouvais seulement voir leurs ombres à travers mon mouchoir de tête, mais je ne serais pas en mesure de les reconnaître.

On m’a emmené dans une salle d’interrogatoire. Il y avait un homme et du matériel d’enregistrement vidéo. Quand ils me se sont mis à me questionner, je voulais répondre, mais je n’étais pas très cohérente. Quand ils ont vu cela, ils ont demandé à l’homme de la vidéo de partir. Ils m’ont donné de l’eau à boire. On m’a demandé si je connaissais Darboe et j’ai dit oui.

Lors du premier interrogatoire, avant que je sois battu. On m’a demandé si je connaissais M. Darboe et si j’appartenais à son parti politique. J’ai répondu oui. On m’a demandé si j’occupais un poste au sein du parti. Je leur ai dit oui et je leur ai indiqué mon poste : présidente des jeunesses féminines.

On m’a dit qu’en tant qu’occupante d’un tel poste, rien ne peut se faire sans que je sois au courant. Je leur ai dit que je ne savais pas ce qui se passait. Je venais juste de l’école. Après, ils m’ont jeté hors de la salle. Certains officiers m’ont traîné. Quand ils vous battent, ils versent continuellement de l’eau sur vous. Après l’entrevue, on m’a emmené dans une pièce et jeté sur le sol avec mes vêtements mouillés.

 

«Je me suis retrouvé dans une clinique… ; on m’a dit que je m’étais évanoui. La clinique était à l’intérieur du NIA. J’ai commencé à uriner du sang. J’étais à la clinique pendant environ 13 jours ; j’urinais du sang»

 

Après m’avoir battu, on m’a donné mon mouchoir de tête et on m’a laissé sur le sol. J’étais dans la chambre avec Fatou Camara.

Quand j’appelais les agents, ils ne répondaient pas. J’ai appelé à l’aide. Un homme est ensuite venu et m’a demandé ce que je veux. Je lui ai dit que je veux boire et aller aux toilettes. Il appela 2 dames pour m’aider. On m’a conduit aux toilettes dans une chaise roulante parce que je ne pouvais pas marcher.

Ils ont préparé un peu d’eau chaude pour me baigner. Ils ont tous commencé à pleurer à cause des blessures sur mon corps. Après ils m’avoir baigné, ils m’ont ramené à la salle. Je me suis évanoui à nouveau. J’ai entendu Nogoi Njie pleurer en disant « Fatoumatta est décédé ». Je pouvais entendre cela.

Vers midi, je me suis retrouvé dans une clinique. J’ai vu Fatou Camara. J’ai demandé ce qui est arrivé et on m’a dit que je m’étais évanoui. La clinique était à l’intérieur du NIA. J’ai commencé à uriner du sang. J’étais à la clinique pendant environ 13 jours. J’urinais du sang. ça s’est arrêté la veille du jour où nous avons été conduit à Mile 2. Il y avait 2 dames qui prenaient soin de nous à la clinique. Je saignais de partout.

Je dis à l’un des hommes que même si j’avais violé la loi, ils avaient la responsabilité de veiller sur moi. Que si quelque chose m’arrivait, ils seraient responsables. Après cela, ils ont apporté de très bons médicaments afin que nos blessures puissent être guéries avant d’être présenté à la Cour.

Certains des agents de la NIA ont été interdits d’accès à la clinique, car il a été dit qu’ils divulguaient notre condition sur Internet.

3 jours avant nous avons été ramenés en détention provisoire, nous avons été transférés de la clinique et emmené dans une cellule où nous étions détenus. Nous n’avons vu de gens seulement que quand ils sont venus pour apporter notre nourriture. Nous avons été emmenés à Mile 2 jeudi dernier (28e Avril 2016). Nous sommes à l’aile des condamnés parce qu’ils disent que l’aile des détentions provisoires est pleine.

Maintenant que nous sommes en détention provisoire, nous n’avons pas droit à de bons soins et aux visites de la famille. La nourriture qu’ils nous donnent est très mauvaise et nos familles n’ont pas le droit de nous apporter de la nourriture. Le docteur au NIA dit que nous devrions baigner avec de l’eau chaude à cause de nos blessures. Mais nous ne disposons pas d’accès à l’eau chaude pour se baigner avec.

J’ai encore des blessures sur mon corps. Nous sommes obligées de sortir saluer les officiers de la prison tous les matins et toutes les fins d’après-midi. Nous avons été prévenus que, si nous ne les accueillons pas, nous saurons. Je ne sais pas qui ils sont.

Ils ne nous traitent pas bien au Mile 2. Ils ne veulent pas nous aider. Ils créent des problèmes pour tous ceux qui tentent de nous aider.

 

SERMENT PAR LEDIT Fatoumatta JAWARA

A BANJUL Ce Ier  jour de mai 2016

AVANT MOI

COMMISSAIRE DE SERMENT

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