Le Cameroun et le Chili s’affronteront dimanche à Moscou au premier tour de la Coupe des Confédérations. Une affiche qui rappelle de très mauvais souvenirs à Claude Le Roy : lors de la Coupe du Monde 1998, les Lions Indomptables, dont il était le sélectionneur, avaient été éliminés après un match nul (1-1) émaillé de décisions arbitrales surprenantes.
Que vous évoque le 23 juin 1998 et le stade de la Beaujoire à Nantes ?
Un souvenir douloureux. Une grande colère et une immense déception. Ce jour-là, pour le dernier match du groupe B, on doit affronter le Chili, qui compte deux points. On a besoin d’une victoire pour se qualifier pour les huitièmes de finale et affronter le Brésil au parc des Princes. On a débuté par un match nul contre l’Autriche (1-1), puis une défaite contre l’Italie (0-3). Mon équipe est jeune, et le Chili est favori. Mais j’ai rapidement compris que l’ambiance était spéciale. On prend un but sur coup-franc au bout de vingt minutes, mais on fait un match intéressant. Surtout, l’arbitre hongrois Laszlo Vagner ne laisse rien passer de notre côté. À cette époque, on entendait souvent que les équipes africaines jouaient durement, qu’elles misaient sur leur puissance athlétique. Un délit de sale gueule que le Cameroun a payé au prix fort.
C’est-à-dire ?
Au début de la seconde période (51e), Rigobert Song est expulsé pour un second carton jaune. C’est très sévère, mais il a payé pour l’image un peu rugueuse du défenseur africain. Cela n’empêche pas Patrick Mboma d’égaliser cinq minutes plus tard. C’est à partir de ce moment-là que l’arbitre a eu une attitude incroyable, scandaleuse même.
« Pour moi, il s’est passé quelque chose ce jour-là. Et croyez-moi, je ne suis pas le seul à le penser ».
Vous faites allusions aux deux buts refusés à votre équipe ?
Oui. Deux buts valables. On a vu et revu les images : il n’y avait aucune raison de refuser ces deux buts à François Omam-Biyik ! Aucune. Et cet arbitre a aussi expulsé Lauren Etamé (86e), qui venait de rentrer, pour un motif que j’ignore toujours. Même à neuf contre onze, avec un arbitre qui était contre nous, la qualification est restée possible jusqu’au bout. Mais on ne voulait pas que le Cameroun se qualifie. Pour moi, il s’est passé quelque chose ce jour-là. Et croyez-moi, je ne suis pas le seul à le penser. Au Cameroun, les supporters des Lions ont ressenti cela comme une véritable injustice. À notre retour à Yaoundé, nous avions d’ailleurs reçu un très bel accueil.
Avez-vous pu parler à l’arbitre après le coup de sifflet final ?
J’ai juste pu lui dire que j’espérais qu’il n’arbitrerait plus jamais à ce niveau. Certains de mes joueurs étaient très en colère, il fallait aussi les calmer. Mais l’arbitre, « escorté » par des dirigeants chiliens, ne m’a pas répondu. Il a filé aux vestiaires. Dans le nôtre, il y avait de la colère, de la tristesse. Les joueurs pleuraient. On peut perdre, mais pas comme ça ! En 37 ans de carrière d’entraîneur, c’est la défaite qui me fait encore le plus mal.
« On peut perdre, mais pas comme ça » !
Avez-vous recroisé certains acteurs de ce match ?
En 2007, à l’occasion d’un match organisé par la Fifa au Cap, à l’occasion du 89e anniversaire de Nelson Mandela. J’avais eu l’honneur d’être désigné par la fédération pour diriger une sélection mondiale contre une sélection africaine, et dans mon équipe, il y avait Ivan Zamorano, qui était la star chilienne de l’époque. Nous avons parlé de ce match Chili-Cameroun et il m’a avoué avoir été étonné par l’attitude de l’arbitre.
Pensez-vous qu’une telle situation pourrait se reproduire dans un grand tournoi ?
Ce n’est pas impossible… Lors de Guinée équatoriale-Tunisie (2-1) lors de la CAN 2015, les Tunisiens ont été victimes de décisions arbitrales incompréhensibles. Aujourd’hui, les arbitres sont plus surveillés et vite sanctionnés. Et ils gagnent mieux leur vie qu’il y a vingt ans. Mais on ne peut jamais dire jamais…
Jeune Afrique