Barthélémy Dias: «J’avais refusé de rendre les armes parce que je n’avais pas confiance… »

Le film des événements de la mairie de Mermoz Sacré-cœur qui ont conduit à la mort de Ndiaga Diouf, a été rejoué en live par les principaux acteurs. Libération vous livre les temps forts du procès.

Un interrogatoire électrique entre le procureur et Barth

Après les interrogations des quatre prévenus, c’est maintenant au tour de Barthélémy Dias et de ses codétenus d’être entendus. C’est le maire de Mermoz Sacré-cœur qui sera interrogé en premier. Ce dernier est revenu sur les faits. « Ce jour-là, c’est mon chauffeur qui m’a informé que la mairie a été encerclée par des nervis. J’avais rendez-vous avec le directeur d’Elton et j’étais à 5 minutes de la mairie car, je devais y récupérer des documents. Quand je suis descendu de mon véhicule, j’ai vu que les nervis étaient là, en masse. Certains étaient encagoulés et d’autres portaient des casquettes. Parmi eux, j’en avais remarqué deux qui avaient des ceintures qui portaient des armes. Ipso facto, j’ai su qu’ils étaient armés, même si j’ignore les types d’armes qu’ils détenaient. Je savais également qu’ils étaient des nervis du Pds. Avant l’arrivée du commissaire Sèye, nous nous sommes regardés en chiens de faïence pendant presque une heure. Le commissaire n’avait pas de pouvoir pour ces individus. Car, il était accompagné d’un commandant et de son chauffeur. Il n’avait pas les moyens humains, ni matériels pour faire disperser ces nervis. Lesquels semblaient avoir un pouvoir qui était au-dessus du commissaire », a raconté le Barthélémy Dias.

« Si ce jour-là, je voulais tuer une personne, je l’aurais fait »

Qui poursuit : « Je n’ai pas commencé à tirer. J’ai répliqué quand j’ai entendu le premier coup de feu. J’ai déclenché quatre coups de sommation et j’avais même crevé les pneus de l’un des véhicules. Je n’avais que cette arme pour me défendre. Je n’ai pas pointé mon arme sur les individus. J’ai une arme réelle de marque Taurus Pt917 et une arme factice. L’autre arme était un briquet et elle prend des douilles. C’est une fois chez moi que j’ai appris qu’il y avait des morts. Je n’ai visé personne et je n’ai vu personne tomber devant la mairie. Si ce jour-là, je voulais tuer une personne, je l’aurais fait. Je ne suis pas un spécialiste des armes, mais je m’y connais un peu. Parmi les nervis, il y avait deux qui étaient déterminés à se battre avec moi. A un moment donné, j’étais obligé de mettre une balle dans les fesses de l’un d’entre eux parce qu’il ne voulait pas partir. »

« Je ne dispose pas d’un arsenal. Je ne suis pas un assassin et je n’ai pas tiré sur Ndiaga Diouf »

« Saviez-vous que Ndiaga Diouf a été tué par la même nature des balles qui ont été extraites dans le corps des blessés », questionne le juge. Barth rétorque : « J’ai tiré avec un 9 millimètre. Je ne connais pas l’arme qui a tué Ndiaga Diouf. Je ne sais pas d’où pourrait venir cette arme. » Et le juge de reprendre : « Pourquoi n’aviez-vous pas, à l’époque, remis toutes vos armes aux enquêteurs. » Barth répond: «Dans un premier temps, j’ai remis une arme au commissaire Arona Sy. J’ai refusé de rendre les armes parce que je n’avais pas confiance au pouvoir qui était en place. Car, aussitôt après les événements j’ai été accusé, jugé et condamné par le président de la République, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice. J’ai remis un pistolet factice, 17 cartouches, deux chargeurs et le briquet. La troisième arme, je l’ai remise au commissaire Arona Sy quatre mois après les faits. »

Le président revient à la charge et lui demande : « Est-ce que vous n’avez pas caché d’autres armes. N’avez-vous pas un arsenal chez vous? » « Je ne dispose pas d’un arsenal. Je ne suis pas un assassin et je n’ai pas tiré sur Ndiaga Diouf », répond Barthélémy Diaz qui dit ne pas avoir confiance en l’enquête préliminaire. Laquelle enquête, selon lui, a été faite sous le régime qui a voulu attenter à sa vie. Après que le juge en ait terminé avec Barthélémy, il a donné la parole au maître des poursuites.
« Les mêmes types de balles qui ont blessé les deux personnes ont été extraites dans le corps de Ndiaga Diouf »

Me El Hadji Diouf charge le procureur

Mais, il faut souligner que le face-à-face entre ce dernier et le maire de Mermoz Sacré-cœur a été électrique. Le ton est monté d’un cran. C’était chaud entre les deux hommes. Le procureur acculait le prévenu de questions à feu continu . Mais, quand ce dernier devait répondre, il ne le laissait pas aller jusqu’au bout de ses explications. Une situation a déplu à Me El hadji Diouf. Qui s’est levé de sa place pour interrompre le procureur. Un échange de propos aigre-doux entre l’avocat et le maître des poursuites s’est vite déclenché. « Je ne vais pas laisser qu’on massacre, qu’on torture notre client », a déclaré Me El hadji Diouf. Le procureur répond: «On ne massacre personne. Ceux qui massacrent, on les connaît. On sait de quel côté la peur se trouve. » L’incident est clos après une bonne dizaine de minutes. L’interrogatoire reprend. le procureur poursuit ses questions. Il rappelle à Barthélémy Diaz que l’enquête a révélé que la personne qui a été touchée aux fesses s’appelle Malik Thiombane.

Mieux, poursuit le procureur, l’expert balistique a conclu que cette balle extraite des fesses de Malik Thiombane était de la même nature que la balle qui a été extraite des fesses de Cheikh Diop, l’autre blessé. Et, révèle le procureur, ce sont les mêmes balles qui ont été extraites du corps de Ndiaga Diouf. A cela, le prévenu rétorque: « la scène du crime a été infectée. Ceux qui ont conduit cette enquête étaient sous instruction du ministre de l’Intérieur qui m’avait déjà jugé et condamné. Toutes les personnes que j’ai atteintes étaient une menace pour ma vie. Je ne tirais pas pour tuer, je tirais pour repousser la foule. Je n’ai pas tiré sur des personnes qui étaient en fuite. Si Ndiaga était atteint d’une balle d’un pistolet de 9 millimètres, je me sentirais coupable. J’ai tiré deux fois 17 cartouches », a répondu Barthélémy Diaz non sans balayer d’un revers de la main les déclarations selon lesquelles il avait soutenu, devant le juge instructeur qu’il avait acheté à Touba une arme à 7 mille francs CFA.

Interrogés, les co-détenus de Barth en l’occurrence Habib Dieng et Babacar Faye ont fait dans le clair-obscur en répondant aux questions qui leur sont posées. Les déclarations de ces derniers ne concordaient pas avec celles faites par Barthélémy Diaz. Habib Dieng est revenu sur ses déclarations faites à l’enquête préliminaire. Babacar Faye qui a fait le service militaire, a dit ne pas reconnaître l’arme que détenait Barthélémy Diaz dans la vidéo. Il a fait savoir que cette arme appartenait à Barthélémy Diaz mais ne faisait partie des trois armes qui ont été mises sous scellés. En outre, il a fait savoir que les cartouches de l’arme avaient été épuisées par Barth. L’interrogation d’audience des prévenus a pris fin vers 21 heures.

Libération

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