Le Sénégal n’a pas voulu se mettre en porte à faux avec les règles de la Cedeao qui n’admettent pas des retouches aux procédures électorales six mois avant le scrutin.
C’est pourquoi, hier, les députés ont dû plancher sur le projet d’augmentation du nombre des députés de l’Assemblée nationale qui doit passer de 150 à 165. Déjà adopté en Commission technique, les députés, comme toujours, se sont pliés à la bonne volonté de l’Exécutif. Point de surprise à ce niveau.
Par contre, là où il y a surprise, c’est au niveau du contenu du projet lui-même. Le fait de décider d’augmenter le nombre de députés de 150 à 165 n’est qu’une démarche électoraliste pour ne pas dire propagandiste.
Figurez-vous que le Président Wade avait fait de même en portant le nombre à 150 alors qu’il n’était qu’à 120. Si chaque président élu doit revoir le nombre de députés à la hausse, ce sera catastrophique pour nos maigres finances publiques qui ont du mal à supporter ces nombreuses charges qu’un certain Macky Sall avait promis de réduire.
On nous dit que l’enjeu est d’élire des députés issus de la diaspora au nombre de 15. Soit. Mais l’on doit se demander si les députés déjà élus servent à quelque chose aux Sénégalais.
La réponse coule de source. Ils ne servent pas à grand-chose. L’examen des textes de lois, notamment les propositions de loi en Commissions, les fait bosser un peu, mais, c’est juste pour mieux justifier les choix du Président de la République.
La réalité, c’est que nous avons une Assemblée nationale assujettie au pouvoir exécutif avec des députés applaudisseurs et « polémiqueurs » à loisir. Parfois même on en vient aux mains parce que l’on est pour ou contre le président en exercice, celui qui l’a investi sur les listes pour faire de lui un député, c’est-à-dire un bon à rien qui, souvent, s’absente de l‘hémicycle.
Excepté le projet de loi sur la presse, tous les autres, depuis Abdoulaye Wade, ont été adoptés. Les députés ferment les yeux pour voter. Il suffit pour eux, de s’inscrire dans le sens voulu par le Président de la République.
Pis, il n’y a plus de propositions de loi ou même de questions orales comme les aimait bien le Pr Iba Der Thiam.
La mission du député est tellement dévoyée dans notre pays que l’Assemblée ne joue nullement le rôle de contre-pouvoir ou de contrôle de l’action de l’Exécutif. Ce que l’on appelle la majorité mécanique fait de l’Assemblée nationale, un prolongement de la Présidence. Il y a confusion de pouvoirs au Sénégal. C’est pourquoi, nous ne saurions pas ne pas être choqués par les velléités d’augmentation du nombre de ces députés. 15 nouveaux applaudisseurs, fainéants, absentéistes et budgétivores.
Plus grave, c’est que pour ces futurs députés de la diaspora, il faudra imaginer des moyens pour les faire venir lors des sessions la plupart pour les voir applaudir. Tout pour dire que nous rêvons d’une Assemblée nationale avec une cinquantaine de membres. Pas plus. Mieux, il faudra engager la réflexion autour du mode d’investiture du député, son niveau intellectuel, ses missions et la protection de son statut.
En Iran par exemple, il faut au moins avoir le Bac pour être député. Ici, des chômeurs analphabètes peuvent devenir députés, il suffit seulement qu’ils sachent mobiliser des foules lors des élections. Alors, disons-le clairement : L’objectif visé par le président Sall, avec ses 15 députés de plus, c’est d’engraisser suffisamment des leaders d’opinion afin de mettre le maximum de chances à son profit dans la perspective des futures échéances électorales.
Mais ce qu’il ignore, c’est que la solidarité entre émigrés sénégalais n’est que de façade et qu’il risque de s’attirer des animosités avec les investitures de ces futurs parlementaires. Tout choix porté sur l’un ou l’autre sera décrié et combattu avec passion par ceux qui seront laissés en rade. Comme quoi, chacun sait défendre ses petits intérêts.