Invité d’honneur de l’Université d’été du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), tenue ce 27 août 2020 à Paris, Macky Sall a tenu un discours aux allures d’aveu sur plusieurs questions, notamment sur l’énorme dette publique et privée, le poids des entreprises étrangères en général et des entreprises françaises en particulier (« plus de 250 ») dans l’économie sénégalaise. Tous ceux qui parlent d’économie extravertie, Macky les confirme ici.
Comme si tout cela ne suffisait pas, il a utilisé les deux micros placés pour la circonstance pour « crier haut et fort » son souhait de les voir encore plus présentes au Sénégal. On n’a rien contre, mais il incite tout de même à identifier et dénoncer ici la duplicité du discours officiel pour un régime qui ne cesse d’évoquer sa ferme volonté de basculer vers un développement plus endogène.
Mais l’adresse de Macky nous interpelle moins pour ce qui précède que pour ce qui concerne sa reconnaissance, son aveu concernant ses priorités, et plus largement, pour son projet pour le Sénégal. Morceau choisi du discours :
“Il urge de repenser notre modèle de développement, d’apprendre de nos erreurs, de redéfinir l’ordre des priorités et de redonner sens à l’économie réelle, en investissant plus et mieux dans l’agriculture, l’énergie durable, les infrastructures, la santé, l’éducation et la formation, afin de réaliser un développement compatible avec le bien-être de l’homme intégral.
Ce segment de quatre lignes suffit à lui seul pour nous éclairer sur l’inutilité de la présence de Macky Sall à la tête du Sénégal. Dans ces quelques lignes incandescentes de vérités aux couleurs maronnes, ne voyons-nous pas qu’il a lui-même fait avec une efficacité effarante, son bilan depuis qu’il est à la tête du Sénégal ? Disséquons rapidement ce segment, car le reste du discours n’a presque pas d’intérêt.
1-Macky nous dit qu’il urge de repenser notre modèle de développement. Oublie-t-il qu’il avait dit, chanté et chantonné cela durant ses nombreuses tournées à l’intérieur du pays, mais aussi durant sa campagne de 2012, avant de vanter les mérites de son fameux « yonu yokuté », car pour lui et son régime, ce programme est justement le symbole d’un modèle de développement innovant. 8 ans après, nous savons maintenant que ce programme était de la fumée vendue aux Sénégalais. Cela est d’ailleurs confirmé par l’achat quasi immédiat d’un programme « prêt-à-porter » appelé Plan Sénégal Émergent qui immerge plus qu’il n’émerge.
2-Il dit, parlant principalement de lui-même, qu’il urge d’apprendre de nos erreurs. Depuis 8ans, il ne fait que des erreurs, ne s’enfonce que dans ces mêmes erreurs et c’est après l’horreur qu’il semble reconnaître et apprendre de ces erreurs. Ceux qui ont misé sur sa relative jeunesse pour être né après les indépendances, diront peut-être que ce sont des erreurs de jeunesse. Sauf que des erreurs de jeunesse à la tête d’un pays sont impardonnables, car elles sont fatales. Refusons de tomber dans le piège de celui qui fait croire qu’il comprend maintenant et qu’il évitera à coup sûr, ces erreurs, mais y replonge en toute conscience croyant profiter de la grâce d’une telle reconnaissance. Le « ma tay » des dirigeants crée des regrets mortels pour le peuple. Refusons cela.
3– Il dit qu’il urge de redéfinir l’ordre des priorités et de redonner sens à l’économie réelle en investissant plus et mieux dans l’agriculture, l’énergie durable, les infrastructures, la santé, l’éducation et la formation.Ici, il y a à boire et à manger. En analysant ses actes et projets phares, même les sénégalais les moins initiés savent que le plus grand problème de Macky Sall est, et reste un problème de priorité. Il n’a pas le sens des priorités. Il a été critiqué sur presque tout, et partout sur les questions prioritaires, mais lui et son camp rempli de communicants peu capables et pas rentables, ont toujours dégagé en touche.
Dans un contexte où l’Assemblée nationale elle-même est peu utile, quel sénégalais sérieux croit que le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT) etc., sont la priorité des Sénégalais ? D’ailleurs, on se souvient qu’en début mai 2016, Idrissa Seck, président de REWMI, était tellement choqué par le retour déguisé du Sénat à travers le HCCT qu’il avait proposé un Conseil Suprême de la République (CSR) dont la mission, au-delà d’être un cadre qui pérennisera le dialogue national, sera aussi et surtout chargé d’identifier les priorités du Sénégal, comme c’est le cas aux USA et dans la Confédération helvétique, puisque Macky venait de prouver qu’il ne savait pas les priorités du pays. Nous ne parlerons même pas du TER qui est encore sous terre et personne, y compris le gouvernement ne sait quand est-ce que ce TER sera sur terre, puisqu’il refuse d’être sur rails.
Avec plus de 1000 milliards sur un tracé de seulement une quarantaine de kilomètres et loin d’être la priorité au moment où des milliers et des milliers de ménages assistent, impuissants au spectacle ubuesque des inondations, des écoles qui n’existent que de nom, d’une santé qui est dans un coma profond, d’une jeunesse désœuvrée, des populations sans accès à l’eau potable, à l’électricité et aux services sociaux de base, si c’est vraiment maintenant qu’il reconnaît s’être trompé de priorité, alors la question que je lui pose est, comment a-t-il fait pour gagner les élections au Sénégal ? Après le TER, est-il nécessaire d’évoquer le Bus Transit Rapide (BRT) avec 300 milliards pour seulement 18km à Dakar ? Plus besoin de continuer à disséquer ce discours, parce que non nécessaire à y voir de près. Qui plus est, pourquoi ces aveux devant le patronat français et non devant le peuple sénégalais ? Cher lion, réveille-toi !!!
Yankhoba SEYDI, Secrétaire national aux Relations Internationales, Directeur de l’École du Parti (Rewmi)