Affaire Sonko : Le gouvernement change de communication

N’ayant pas connu un grand succès dans la communication politique face à Ousmane Sonko, le gouvernement a décidé de passer à la communication publique avec l’entrée en action des procureurs et du général Moussa Fall.

Dans son face à face avec l’opposition en général, Ousmane Sonko en particulier, le gouvernement semble avoir changé de stratégie de communication. Macky Sall et ses hommes viennent de passer d’une communication politique à une communication publique. En effet, jusqu’ici, c’était des acteurs politiques responsables de l’Apr qui prenaient la parole pour porter la réplique au leader du Pastef.

Les affaires judiciaires de Sonko étant perçues et traitées par ce dernier comme étant des dossiers politiques, le parti présidentiel et la coalition au pouvoir Benno bokk yaakaar entendaient apporter une réponse politique au principal opposant à Macky Sall.

Face aux appels à manifester et aux discours de défiance aux autorités, les responsables de l’Apr ont toujours essayé d’occuper la première ligne. D’où la répétition de la formule ‘’force reste à la loi’’ devenue finalement un refrain pour ne pas dire une rengaine. « Quoi qu’il en coûte, nous garantirons le maintien et la préservation de l’ordre public sur le territoire national ». Cette mise en garde du porte-parole du gouvernement, le ministre Abdou Karim Fofana, le 16 mars dernier, lors d’une journée mouvementée, est la dernière d’une série de sorties musclées des tenants du pouvoir.

Deux jours avant lui, c’était son collègue Abdoulaye Seydou Sow de promettre que l’Etat ne transigerait pas si le respect scrupuleux des lois et règlements qui gouvernent le pays. « L’Etat doit prendre toutes ses responsabilités pour que la célèbre phrase : force restera à la loi ait un sens pratique », invitait-il.

‘’Force reste à la loi’’ : le refrain du gouvernement

En cela, ils ont suivi le patron du gouvernement Amadou Ba qui demandait aux militants de l’Apr d’appliquer la loi du talion et de laisser l’Etat gérer le reste. Alternant la casquette politique et celle administrative, Amadou Ba dit parler en tant que militant et Premier ministre. « L’État restera debout et fera face. Je veux rassurer l’ensemble des fonctionnaires, militants, Sénégalais que force restera à la loi. On a vraiment les moyens de faire face », assurait-il.

Même Aminata Touré passé aujourd’hui dans l’opposition a fredonné la chanson magique quand elle était avec lé régime. Lorsque la liste des titulaires de la coalition d’opposition Yewwi a été invalidée occasionnant une tension, Mimi avait prévenu. « Force restera à la loi et les élections législatives se tiendront et à date échue et dans la paix », disait-elle en mai 2022.

A côté des grosses pointures de l’Apr, les petits poussés ont répété la formule sur tous les plateaux. Zahra Iyane Thiam, Thérèse Faye, Abdou Mbow, Pape Malick Ndour, Moussa Sow… A ces personnalités s’ajoutent les instances politiques comme le parti, la coalition Benno bokk yaakaar ou encore les différentes structures satellites comme la Cojer. Malgré la mise en place de task force et autres entités, le régime de Macky Sall pêche toujours dans la communication.

Depuis quelques semaines, on semble changer de fusil d’épaule, passant de la communication politique à une communication publique. Même si la frontière entre les deux est tenue, fonctionnant même parfois en vase communicant, il n’en reste pas qu’il s’agit de deux domaines distincts.

Dans le cadre de la communication publique, il s’agit moins de responsables politiques que des autorités investies des attributs de la république. Dans ce cas d’espèce, Macky Sall a mis en avant des hommes sont supposés neutres, puisque n’étant pas des acteurs politiques.

Mettre en avant ceux qui incarnent des institutions

La couleur a été annoncée mercredi dernier lors du conseil des ministres. Macky Sall a demandé à son gouvernement « de prendre toutes les mesures idoines pour assurer sur l’étendue du territoire national, la sécurisation absolue des personnes et des biens, au regard de certains troubles à l’ordre public observés ces derniers jours dans des localités du pays ». L’endroit et le moment indiquent qu’il s’agit non pas du patron de l’Apr mais du président de la république du Sénégal qui s’exprime.

A la suite de Macky Sall, la parole a été donnée au général Moussa Fall, haut commandant de la Gendarmerie nationale et directeur de la Justice militaire (Haucomgen). Mais puisque Moussa Fall appartient à l’armée, donc à la grande muette, il ne peut pas se présenter en conférence de presse.

L’option a donc été prise de faire ‘’fuiter’’, à travers un audio, ses propos tenus en marge de la conférence annuelle organisée par l’Association des épouses des gendarmes. Le général de division met en garde Ousmane Sonko et l’opposition. « Celui qui veut déstabiliser ce pays, sera détruit lui-même », promet Moussa Fall ajoutant que la gendarmerie dispose de moyens jusqu’ici inconnus du grand public.

Les procureurs en action

Le dernier acte posé est la conférence de presse du procureur général. Ibrahima Bakhoum a broché le rapport de la Cour des comptes pour faire bonne figure. Mais en vérité, sa sortie s’explique surtout par le climat de tension politique. Une occasion pour lui de battre en brèche la tentative de meurtre avancé par Sonko et justifier les arrestations massives des militants et sympathisants du Pastef.

D’ailleurs le procureur affirme lui-même avoir pris la parole sur instruction de la hiérarchie. En d’autres termes, c’est le ministre de la justice, donc le gouvernement qui a demandé au procureur d’occuper la première ligne. Et il ne sera pas le seul, puisque déjà, les procureurs de Thiès et Ziguinchor ont communiqué.

Et Ibrahima Bakhoum a promis que les procureurs de la République de Dakar et de Pikine-Guédiawaye feront des sorties le moment venu pour des précisions spécifiques.

C’est donc un changement de cap majeur dans le ‘’gatsa-gatsa’’ avec Sonko. Il reste à voir si cette stratégie sera plus concluante que la première.

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