Depuis l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, le Président Macky Sall a opéré un changement dans son style de management. Une vigilance accrue dans la gestion des dossiers de l’Etat et une réanimation de l’appareil politique ont pris le dessus sur l’optimisme et la désinvolture.
Au Palais, l’on semble avoir affaire avec un autre homme. C’est une nouvelle facette du chef de l’Etat que ses collaborateurs découvrent depuis quelques semaines. Macky Sall a profondément changé. Surtout dans son approche managériale. Certains de ses proches parlent même de «métamorphose» dans un sens positif. Une nouvelle démarche caractérise sa gestion des affaires publiques et politiques. «Le Président est devenu plus rigoureux dans ses recommandations. La pression qu’il exerçait sur ses hommes s’est intensifiée et les exigences de résultats plus fortes», confie un membre influent du cabinet présidentiel. Les raisons de cette métamorphose du chef de l’Etat sont à chercher dans les conséquences des manifestations qui ont escorté l’affaire de présumés viols répétés et menaces de morts du leader de Pastef Ousmane Sonko sur la jeune masseuse Adji Sarr. Ces émeutes qui ont fait plus d’une dizaine de morts entre les 4 et 8 mars 2021, ont dicté un changement de paradigmes et imposé une nouvelle orientation dans la conduite du chef de l’Etat.
D’après des informations de L’Observateur recueillies de membres du cabinet présidentiel, Macky Sall est passé d’un optimisme béat, conforté par la léthargie de l’opposition et des forces vives de la Nation, à une vigilance accrue dans sa manière de gérer les dossiers de l’Etat et de la mouvance présidentielle. Un changement dans le style de management qui s’est traduit, d’une part, par une pression quasi-permanente sur ses collaborateurs, surtout ceux en charge de départements à vocation sociale et d’autre part, par la reprise de ses activités politiques. Cette mutation apparaît comme une suite logique à son discours du 8 mars dernier, tenu au plus fort des violentes émeutes qui ont émaillé le pays, dans lequel il a affirmé avoir entendu et compris le cri du cœur et la colère de la jeunesse. Le chef de l’Etat s’est engagé à opérer, dans les meilleurs délais, une réorientation des allocations budgétaires pour améliorer de façon substantielle et urgente les réponses aux besoins des jeunes, en termes de formation, d’emploi, de financement de projets et de soutien à l’entrepreneuriat et au secteur informel. Une promesse qui semble lui tenir à cœur. Et ses collaborateurs ne diront pas le contraire. Impliqué au plus haut niveau, le Président Sall tient à la matérialisation des recommandations faites pour apporter des solutions aux préoccupations de la jeunesse. Pour y arriver, le chef de l’Etat ne se fixe plus de limites. «Il se plaît à appeler certains collaborateurs à des heures très tardives pour être informé de l’état d’avancement des dossiers urgents», souffle un membre du cabinet du président. Conscients du nouvel état d’esprit du chef et sachant qu’ils sont surveillés de près, ses hommes sont sur le qui-vive et s’activent à la diligence des dossiers.
«Un Président qui parle beaucoup plus à la société»
Même s’il défend que son «patron» est resté le même, Seydou Guèye, ministre-conseiller en communication de la Présidence, reconnaît que le chef de l’Etat est resté tourné vers les questions prioritaires pour les Sénégalais et leurs préoccupations principales. «Et ce qui l’indique, c’est l’orientation de ces deux éléments de doctrine, à savoir la question de l’équité sociale et celle de l’équité territoriale, toute sa politique est marquée par cela, explique-t-il. Aujourd’hui on donne du vrai contenu à la notion de fast-track, puisqu’il faut qu’on aille encore plus vite sur des questions urgentes. Mais l’ancrage de sa façon de faire la politique, qui est une vision transformatrice, reste intacte.» Selon Seydou Guèye, le Plan d’actions prioritaires accéléré et ajusté (PAP2A) est un ajustement de sa politique, en réorganisant les priorités et en accélérant la mise en œuvre. «Engager la question de l’emploi des jeunes avec cette préoccupation d’accélération, à travers un programme de recherche d’efficience, c’est un invariant dans sa façon de faire de la politique. Il est vrai qu’aujourd’hui, l’agenda a une orientation contenue beaucoup plus sociale et jeune, en cohérence avec tout ce qu’il a développé sur les questions de souveraineté alimentaire, pharmaceutique, sanitaire… C’est un Président qui parle beaucoup plus à la société.»
«Il faut que le parti bouge»
Depuis quelque temps, il a été constaté que le Président Macky Sall était beaucoup plus porté sur les affaires d’Etat. Une orientation qui l’avait détourné de la gestion quotidienne des questions politiques. Mais, cette donne a changé avec une réanimation du champ politique. Une situation née du mot d’ordre donné par le patron de l’Alliance pour la République (Apr). «Il faut que le parti bouge», a-t-il décrété, il y a quelques semaines, au cours d’une discussion avec des membres de son laboratoire politique. La consigne a été suivie à la lettre. Les responsables de l’Apr ont rivalisé d’ardeur à travers l’organisation de meetings et autres rencontres politiques dans les départements. De son côté, le Président de la coalition Benno bokk yakaar (Bby) multiplie les rencontres avec ses différents alliés et des responsables politiques de certaines localités. Après la réunion de la conférence des Présidents de Bby, Macky Sall a démarré les rencontres avec les responsables départementaux de son parti par Dagana. C’était juste après la fête de l’Indépendance.
Pour expliquer cette «surchauffe dans la vie des partis», Seydou Guèye rappelle que l’on sort d’une période de restrictions où tout était gelé sur le plan politique, sans oublier l’annonce d’un délai pour les élections Locales. Et à en croire le porte-parole de l’Apr, aujourd’hui ce qui préoccupe le plus le chef de l’Etat, c’est de sortir de cette situation, de retrouver la trajectoire initiale de la croissance du pays et de continuer à construire le développement. «Le chef de l’Etat ne renonce pas à ses ambitions d’émergence du Sénégal, parce qu’on a des facteurs exogènes qui viennent impacter notre marche. Maintenant il est dans la rationalité de l’accélération, et les modalités de mise en œuvre des politiques publiques pour un bénéfice des Sénégalais autour des questions prioritaires. C’est ce qui laisse l’impression qu’il est beaucoup plus à l’écoute de la société et veut apporter des solutions aux préoccupations des Sénégalais. Mais le cœur de sa doctrine et de son orientation politique est une vision transformatrice, et cette transformation passe par avoir une croissance avec un fort contenu social.» Le ministre-conseiller en Communication souligne que le Président Macky Sall a réussi à pratiquement faire disparaître du débat le concept de demande sociale. «On en entend presque plus parler, et c’est parce que le Président a apporté des réponses et des solutions autour des questions centrales d’accès aux services universels, santé, eau, électricité… Il y a eu beaucoup de programmes de rattrapage ou de facilitation de notre marche vers l’émergence (Pudc, Puma, Promovilles…), mais on n’a pas suffisamment vendu cela par le passé», regrette Seydou Guèye. Le problème est posé.
LOBS